Considéré comme le père du journalisme rock, Paul Williams s'est éteint la semaine dernière dans sa résidence de la Californie. Confident de John Lennon, proche de Bob Dylan et compagnon de route des Grateful Dead, il laisse derrière lui un héritage marquant et inspirant.

Étudiant au Swarthmore College, près de Philadelphie, Williams a fondé le magazine Crawdaddy! en 1966, 18 mois avant le lancement du magazine Rolling Stone et deux ans avant les débuts de Cream. Dans la chambre de sa résidence au collège, le jeune étudiant de 16 ans (!) nourrissait l'ambition d'écrire des «textes intelligents» avec «un recul critique» sur «l'émergence du rock», ce qui manquait dans les publications de masse traditionnelles, déplorait-il.

Le nom de Crawdaddy! faisait référence au premier bar où les Rolling Stones se sont produits en spectacle, en banlieue de Londres. Le magazine, distribué à l'échelle nationale à 20 000 exemplaires, a été relégué dans l'ombre de Rolling Stone (le magazine, quel paradoxe!).

N'empêche, Crawdaddy! était influent et il est considéré comme la première publication de journalisme rock. Outre les critiques, des reportages faisaient état des bouleversements sociaux et des changements de moeurs du mouvement de contre-culture associé au rock. Il a compté parmi ses rangs le critique Richard Meltzer, Jon Landau (imprésario de Bruce Springsteen, instigateur du Rock and Roll Hall of Fame), le cinéaste Cameron Crowe (Almost Famous) et Sandy Pearlman (producteur de Blue Oyster Cult et The Clash), pour ne nommer que ceux-là.

Après avoir quitté Crawdaddy!, Williams a travaillé comme pigiste et écrit plusieurs livres; il a réalisé des entrevues mémorables avec Bob Dylan (dont il était très proche), Brian Wilson, Neil Young et l'auteur de science-fiction Philip K. Dick. C'est grâce à Paul Williams que le génie de Dick est sorti de l'ombre. Après la mort de l'auteur, ses livres ont inspiré des films marquants, dont Blade Runner (1982), Total Recall (1990), Minority Report (2002) et The Adjustment Bureau (2010).

Pour l'anecdote, Paul Williams était dans le choeur de l'enregistrement de Give Peace a Chance, lors du «bed-in» de John et Yoko au Reine-Elizabeth, à Montréal. Il a également vécu dans une commune, dans une «île au Canada» (le LSD consommé à l'époque explique sans doute pourquoi nous sommes incapables de retracer l'endroit exact).

De 1993 à 2003, Williams a fait renaître Crawdaddy!. Dans une entrevue accordée en août 2001 au site web www.rockcritics.com, Paul Williams se désolait de voir à quel point les publications de musique étaient devenues formatées et traitaient des mêmes sujets en surface. D'où l'importance pour les journalistes de présenter les artistes autrement. « Si quelque chose m'intéresse VRAIMENT, l'article n'est jamais assez long pour moi», disait-il.

En 1995, Paul Williams a été victime d'un accident de vélo. Il en a gardé de sévères séquelles au cerveau et il est mort des suites de la maladie d'Alzheimer.

On vous laisse sur la préface de la toute première parution de Crawdaddy! «Crawdaddy! croit que quelqu'un aux États-Unis est peut-être intéressé par ce que d'autres ont à dire sur la musique qu'ils aiment.»

Inspirant.

Suggestion de la semaine: Phosphorescent

Phosphorescent est le projet du chanteur des Dead Oceans, Matthew Houck. Son deuxième album, Muchacho, est un formidable road-trip pop-rock au milieu de l'Amérique profonde. Des arrangements électros viennent illuminer des sonorités country et rock. Chapeau pour le talent d'auteur-compositeur. Phosphorescent sera en spectacle le 16 avril au Petit Campus.

En rafale



L'émission Bande à part fait relâche l'été prochain. Sur les réseaux sociaux, des gens ont cru que c'était le début de la fin, mais la direction de Radio-Canada assure que la plateforme dans son ensemble restera toujours active.

Jay-Z est responsable de la bande originale du film The Great Gabsy, avec Leonardo DiCaprio. Beyoncé et André 3000 reprendront Back to Black d'Amy Winehouse. Sortie le 10 mai.