La scène hip-hop francophone québécoise existe depuis plus de 25 ans. Grâce au web et à des compagnies bien établies, elle a su se tailler une place enviable au sein de l'industrie du disque, de l'Abitibi à Montréal en passant par Québec.

Résultat: le hip-hop se décline aujourd'hui en plusieurs sous-genres: le rap engagé, le rap de hipster, le rap de la rue, le rap old school... Portrait.

Le rap est jeune. Ce n'est que depuis 1996 que les Grammy décernent un trophée au meilleur album rap.

Au Québec, la scène a connu des hauts et des bas. L'industrie y a vu un grand potentiel quand le duo Dubmatique a vendu 150 000 exemplaires de son album La force de comprendre, en 1997. Mais après quelques échecs commerciaux, les étiquettes de disques se sont désintéressées au rap québécois.

C'était avant la magie du web qui est venu changer la donne, au début des années 2000. Grâce à des sites comme hiphopfranco.com et HHQc, le rap québécois a pu se développer en parallèle avant de prendre sa place au sein de l'industrie du disque.

Le milieu s'est longtemps plaint d'être ignoré par l'industrie du disque, mais il devait se structurer, selon Carlos Munoz, du label Silence d'or et de HHQc. «Il fallait de la qualité de niveau professionnel, que ce soit dans la production, les clips ou les sites web», affirme-t-il.

Le hip-hop francophone est en train de sortir de sa niche, croit le rappeur Koriass. En 2012, ce rappeur a participé aux FrancoFolies et à Osheaga, en plus de remporter le prestigieux prix ECHO de la chanson remis par la SOCAN, pour récompenser le talent d'auteur-compositeur.

Pour Laurent Saulnier, le grand manitou de la programmation des FrancoFolies, le rap vient au secours de la musique francophone. «Il y a de plus en plus de francophones qui forment des groupes en anglais, au Québec, en France, comme en Belgique, nous a-t-il dit, l'été dernier. Ceux qui sauvent la langue française, ce sont les rappeurs.»

Des facteurs ont aussi solidifié et rassemblé la scène rap québécoise, comme les soirées WordUp! Battles, ces joutes verbales comme dans le film 8 Mile avec Eminem.

Aujourd'hui, il existe quelques étiquettes hip-hop sérieuses au Québec, dont Silence d'or, 7e Ciel, High Life Music, Abuzive Muzik et Escape Montreal.

Plusieurs dirigeants de ces labels ont fait équipe pour organiser le premier Festival hip-hop de Montréal (FHHMTL), qui sera de retour en avril avec des têtes d'affiche comme Booba, Talib Kweli, Manu Militari et Mauvais acte.

Si le milieu a compris qu'il fallait s'unir au lieu de se diviser, les divergences d'opinions demeurent nombreuses. Comme dans tout sous-genre musical (punk, métal), les débats sont passionnés et les controverses s'allument facilement. Radio Radio fait-il du rap? Méritait-il de gagner le Félix du meilleur album hip-hop? Le festival des FrancoFolies réinvite-t-il toujours les mêmes rappeurs chouchous? Le rap doit-il rester old school?

«La question de l'authenticité revient dans tous les domaines», dit Laurent K. Blais, auteur d'une maîtrise sur le rap montréalais et fondateur du blogue 10kilos.us. «Mais la plupart des gens qui ont participé aux balbutiements du rap sont encore en vie.»

Le côté revendicateur des rappeurs fait aussi partie du spectacle, souligne-t-il. Comme le hip-hop est passé de la rue au divertissement grand public, il faut voir certains rappeurs comme des «lutteurs professionnels». «Il y a de la bravade, un côté plus grand que nature, dit-il. Dès que tu écris au je, les gens ne font pas toujours la différence entre l'auteur et le personnage... Et il y aura toujours des rappeurs qui se disent les meilleurs au monde!»

Hip-hop Québec en dates

1983 : Lucien Francoeur sort une chanson intitulée Le Rap-à-Billy.

1990 : Kool Rock (Ghislain Proulx) et Jay Tree (Jean Tarzi) forment le Mouvement rap francophone (MRF) et sortent la chanson MRF est arrivé.

1996 : KC LMNOP connaît un succès commercial avec la chanson Ta Yeul' (Vis ta vie pis reste en vie). Il anime l'émission Rap Cité à MusiquePlus.

1997 : Dubmatique sort l'album À force de comprendre, qui se vend à 150 000 exemplaires. Il remporte le Félix de l'album alternatif de l'année.

1998 : L'ADISQ créé une catégorie qui regroupe le hip-hop et le techno. Au grand désarroi des rappeurs québécois, Carole Laure remporte le prix avec son album Sentiments humains.

1999 : Sans pression sort 514-50 dans mon réseau, un premier album auquel collabore Yvon Krevé. Muzion lance le disque Mentalité Moune Morne...

2000 : Une compilation qui a pour titre Berceau de l'Amérique réunit des artistes comme Muzion, Taktika, Vice Verset, La structure, King et Catburglaz. Loco Locass renouvelle le hip-hop avec son album Manifestif. L'Assemblée sort La Guérilla.

2001 : Le collectif 83 se forme à Québec. L'année suivante, le rappeur 2Faces prend la parole à l'ADISQ pour sensibiliser l'industrie à l'importance du hip-hop québécois. Universal sort le disque de Latitude Nord: un échec commercial.

2002 : Anodajay se fait connaître au festival Hip Hop 4 ever à Montréal.

2006 : Établie à Québec, l'étiquette Abuzive Musik sort le premier album du groupe Sagacité.

2009 : La première présentation des WordUP! Battles a lieu au Sino Shop.

2010 : Le site web HHQc lance la compilation La force du nombre, qui réunit une cinquantaine de rappeurs québécois. Par ailleurs, les FrancoFolies célèbrent les 20 ans du hip-hop québécois.

2012 : Le premier Festival hip-hop de Montréal (FHHMTL) voit le jour en avril. En août, High Life Music, important label hip-hop, fête ses 10 ans. En décembre, Sir Pathétik reçoit une plaque commémorative. Il devient le premier rappeur québécois à avoir vendu 100 000 albums.

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