Virtuellement inconnu il y a un an, le quintette bostonien Passion Pit est vite devenu un chouchou de la scène indie depuis la parution de son premier album, Manners, le printemps dernier. Le groupe s'amène ce soir à la Sala Rossa à l'occasion d'une tournée.

Debout, le bassiste! La voix éraillée, Jeff Apruzzese accepte le coup de fil, encore sous les draps. «Où on est? Milwaukee. Faut qu'on soit à Minneapolis ce soir. Et c'est plus ou moins comme ça depuis janvier...» dit-il en riant.

Vous n'entendrez pas Apruzzese se plaindre de son sort, loin de là. «Aucun de nous n'avait fait de tournée avant de partir avec ce groupe. C'est, de loin, la plus grande expérience professionnelle que j'aie vécue. Nate (Donmoyer, batteur) et moi avions joué ensemble dans des petits groupes rock de la région de Boston, mais ce n'était rien de sérieux.

«C'est par des amis communs que j'ai connu Michael Angelakos, le fondateur et principal compositeur de Passion Pit, qui n'existe que depuis un an et demi.»

Présent sur la scène indie bostonienne, le tout jeune groupe s'est rapidement fait remarquer, offrant en septembre dernier un premier EP de six titres, Chunk of Change, fait à partir des compositions d'Angelakos.

Les choses ont décollé rapidement. Après avoir signé un contrat avec un petit label (Frenchkiss Records), le groupe a profité des moyens de Columbia/Sony pour assurer la production et la distribution de Manners, le premier album du groupe, fait de belles compositions pop à haute teneur d'arrangements électroniques. «Michael et Ian (Hultquist, guitariste, claviériste) sont entrés en studio avec presque rien; ils en sont sortis avec ce disque incroyable!», résume Apruzzese.

S'il faut jouer aux comparaisons, le son de Passion Pit ressemble à celui d'Animal Collective, sans toutefois l'expérimentation et la profondeur des arrangements. Les Bostoniens jouent la simplicité et la transparence; leur sensibilité est assurément pop.

Évitant de piocher dans l'ère new wave (le groupe semble davantage inspiré par l'électro britannique des années 90), les chansons un brin mélancoliques, portées par la voix de tête d'Angelakos, sont justes et rafraîchissantes. «Sur scène, les éléments électroniques sont encore très présents, mais l'énergie est vraiment plus rock», dit-il.

Or, avec toute l'attention dont jouit Animal Collective, les Bostoniens tombaient à point. «En août dernier, nous n'étions rien, abonde le bassiste. Je venais juste de terminer le collège, Nate aussi; je crois même qu'il songeait à entrer à l'université. Moi, j'étudiais en administration, j'espérais me trouver un boulot dans l'industrie de la musique... Mais pas comme ça.

«C'est clair que l'industrie de la musique change beaucoup, en raison de l'internet, notamment, mais je crois que Passion Pit a su utiliser ces nouveaux outils pour faire entendre sa musique. Je reconnais que nous sommes chanceux; il y a tant de jeunes groupes qui font de la bonne musique et qui voudraient bien être découverts. Cela dit, je crois que Michael est vraiment un bon auteur, et c'est ça qui nous démarque des autres groupes.»

Des deux côtés de l'Atlantique, on s'est vite entiché des petites perles de cet album, l'acidulée et volatile Sleepyhead ou encore l'intense The Reeling. «La première fois que je suis allé en Europe, c'était en février dernier, raconte le bassiste. Je n'avais même pas de passeport avant de partir en tournée...».