Le rideau est tombé sur le 30e Festival de jazz, et de belle manière, avec rythme et, surtout, sans trop de pluie. Hier soir, pas un mais deux grands spectacles étaient à l'affiche pour rassasier, d'une part, les amateurs de rythmes cubains puis, d'autre part, ceux de blues rock, avec l'orchestre Afro-Cuban All Stars, Los Van Van - sur la scène devant l'esplanade de la Place des Arts - et Ben Harper, à la Place des festivals.

Toute bonne chose a une fin, et celle du Festival de jazz n'a pas manqué de panache, merci aux festivaliers tenaces et à l'épreuve, autant de la fatigue accumulée que des caprices météorologiques. Constat probant: à 19 h, le centre-ville était déjà bondé pour le début du spectacle de l'Afro-Cuban All Stars, sur la scène au coin des rues Jeanne-Mance et Sainte-Catherine - l'ancienne grande scène, comme dans le bon vieux temps.

Beaucoup de familles, d'amateurs de salsa et de festivaliers aguerris composaient cette belle foule hétéroclite prête à profiter d'une soirée qui s'annonçait décidément plus clémente que celle de la veille. Et au même moment, ça commençait aussi à se remplir du côté de la Place des festivals, où on cherchait le meilleur point de vue en prévision du concert de Ben Harper&The Relentless7.

Rythmes salsa irrésistibles

L'Afro-Cuban All Stars a commencé le bal, enfilant leurs rythmes irrésistibles avec la classe qu'on leur connaît. C'était bon, dans le genre classique, et ça nous a fait patienter d'agréable manière en attendant le plat de résistance: Los Van Van, légendaire formation cubaine souvent qualifiée de Rolling Stones du pays.

L'orchestre timba - ce dérivé typiquement cubain de la salsa qui, telle une éponge, a bu une panoplie d'influences musicales populaires des dernières décennies, du rock au funk jusqu'au hip-hop - en imposait avec son énergie et sa vigueur. Avec sa section de cuivres et de percussions pour dynamiser les trois chanteurs et la chanteuse à l'avant de la scène, le groupe n'offrait aucun répit aux festivaliers, déboulant chanson après chanson avec une détermination qui faisait honneur à sa renommée.

De plus, on avait invité des danseurs à occuper la petite scène à l'avant, histoire de colorer la performance. C'était réussi, et à la fin, vers 21 h 15, le cofondateur du festival, André Ménard, a lancé l'invitation à 150 fans d'aller faire la file devant l'Astral où Los Van Van irait se produire de nouveau, et gratuitement, dès minuit.

La file s'est vite formée devant la nouvelle salle du festival, sans nous, réquisitionnés à la Place des festivals pour le deuxième grand spectacle de la soirée, celui officié par Ben Harper.

Encore là, ce fut un choix judicieux. Ben Harper a depuis longtemps des fans à Montréal, mais ces dernières années, sa proposition artistique semblait avoir manqué de souffle. Or, White Lies for Dark Times, son plus récent album (lancé en mai dernier), enregistré avec le groupe texan Relentless7, donnait l'impression que Harper avait trouvé une nouvelle source d'inspiration. Impression confirmée par le concert donné hier soir.

Du blues rock qui en arrache

Dès la première chanson, on pouvait entendre le Ben Harper nouveau. Lui, sans guitare, saluant d'abord le 30e anniversaire du Festival, a permis à son orchestre d'ouvrir les vannes d'un blues rock qui arrache comme jamais Harper ne l'avait arraché. Les gars du Relentless7 ne sont certes pas des virtuoses, mais ils ont la fougue et l'appétit pour donner du souffle aux chansons, nouvelles et anciennes, du répertoire de Ben Harper. Même la Good Times, Bad Times de Led Zeppelin a trouvé sa place dans le répertoire offert hier soir.

Du gros rock sale au blues plus nuancé, Harper et ses nouveaux comparses ont captivé l'auditoire qui a fait fi des quelques gouttes de pluie. Même pour la soirée de clôture du 30e Festival de jazz, les nuages n'ont pu s'empêcher de passer sur le centre-ville pour goûter à ces dernières notes blues de la saison...