Pump Up the Jam, Careless Whisper, Part Time Love, The Lost Fingers a des goûts musicaux douteux en matière de pop, comme en témoigne le répertoire de son album Lost in the 80's. Ce n'était que l'arbre qui cache la forêt: sur Rendez-vous rose, le trio de Québec révèle son attachement, sincère ou ironique, à des succès comme Ça fait rire les oiseaux, Coeur de loup et La dame en bleu. Où il y a de la gêne...

Byron Mikaloff, le barbu des Lost Fingers, a depuis longtemps des idées de grandeur. Il n'était encore qu'une gloire locale, c'est-à-dire le guitariste et compositeur de One Ton (un groupe qui a animé la vie nocturne de Québec à la fin des années 90), qu'il rêvait déjà de jouer au Centre Bell. Enthousiaste comme 10, il racontait avec force détails le show qu'il avait en tête. Un truc à grand déploiement avec des pétards et des plateformes mobiles.

Le musicien originaire de Colombie-Britannique rêvait de gloire et il a fini par l'obtenir. Avec sa guitare et les chansons des autres. «On essaie de le calmer. Depuis que Lost Fingers s'est mis à marcher, il a des idées plus ambitieuses qu'avant», rigole Alex Morissette, qui tient la contrebasse et fait les choeurs au sein du trio encore établi à Québec.

En moins d'un an, The Lost Fingers a vendu plus de 200 000 exemplaires de Lost in the 80's, album où il reprend des chansons de Samantha Fox, Michael Jackson et Céline Dion à la manière de Django Reinhardt. Encore limité au Québec, cet enthousiasme phénoménal pourrait s'étendre aux États-Unis, où son approche suscite de l'intérêt, et en Europe, où son disque est paru au mois de mars. Byron, Alex et Christian Roberge (voix principale et guitare) croisent les doigts.

Plutôt que de rester les bras croisés, ils ont décidé de battre le fer pendant qu'il est chaud et d'enregistrer un deuxième album. Tout en français et où on trouve une douzaine de succès datant des années 70 aux années 2000. «Des chansons qu'on aime et d'autres qu'on a honte d'aimer», admet Alex.

Comme quoi? Ça plane pour moi de Plastic Bertrand, On va s'aimer de Martine St-Clair, Où aller? de Kathleen ou encore Lady Marmalade. La différence, cette fois, c'est que certains des interprètes originaux, comme Michel Louvain (La dame en bleu), Philippe Lafontaine (Coeur de loup) et Daniel Lavoie (Ils s'aiment) participent aux relectures manouches de leurs tubes d'hier. «On voit ça plus comme des collaborations que des duos, parce qu'il n'y a pas des invités sur toutes les chansons», précise le contrebassiste.

Il faut posséder un bon sens de l'humour pour songer à reprendre Touch Me à la sauce manouche. Ainsi, il n'est pas interdit de croire qu'il y a une part d'ironie dans l'enthousiasme suscité par le groupe. Or, en invitant les artistes originaux à chanter avec eux, The Lost Fingers prend la décision de faire sérieux. Chanter On va s'aimer, même à la manière de Django, ce n'est visiblement pas une blague pour Martine St-Clair.

«Notre approche n'est pas comique non plus, se défend Christian. Il y a un certain travail dans les arrangements. C'est fait sérieusement et je pense que les artistes le remarquent. Ça fait aussi qu'ils ne se sentent pas ridicules en le faisant.»

Recyclage virtuose

Le guitariste croit d'ailleurs que certains interprètes sont tout à fait conscients que leurs chansons ont mal vieilli. «À la limite, poursuit-il, je crois qu'il y en a parmi eux qui étaient juste contents de voir leurs chansons revêtir une nouvelle peau.» The Lost Fingers ferait donc oeuvre de charité? Le trio éclate de rire. «On fait du recyclage», s'amuse Christian. «On est des artistes engagés», sourit Byron.

«L'idée, c'est de reprendre les éléments mélodiques et harmoniques des chansons et de les transposer dans le son du band, rappelle Alex. Ce qui nous gosse des années 80 et des sons rétro, ce sont les sons, justement. Le fait que ce soit acoustique, ça s'écoute bien et c'est peut-être plus facile à assumer.»

L'enthousiasme monstre suscité par The Lost Fingers, qui n'est pas sans rappeler le vent de folie qui avait soufflé sur le Québec au moment du premier album des Trois Accords, comporte des risques. Ils nourrissent des attentes élevées, et le disque qui vient ensuite constitue un test crucial. «Avec Lost Fingers, on a trouvé une signature sonore. C'est aussi fort que, mettons, AC/DC, avance Byron. Quand ça part, quatre secondes après, tu sais que c'est Lost Fingers.

«Avec un son comme celui-là, je pense qu'on est capable de continuer. Les gens vont aimer ou pas, mais je ne pense pas qu'ils vont se tanner si on fait notre travail, c'est-à-dire les surprendre avec le choix des pièces, les arrangements et notre virtuosité.»