Plus de trois mois suivant sa sortie en France, Changer le monde, deuxième album du chanteur soul montréalais Gage, se pointe enfin le nez chez nos disquaires. L'ancien protégé de Corneille, qui s'est entouré d'une équipe de production toute québécoise, y fait de nouveau étalage de sa vaste culture soul, avec le souffle qu'on lui reconnaît.

«J'ai trop hâte de faire ma rentrée, de montrer aux gens ici ce dont je suis vraiment capable!» À l'entendre discourir avec passion de son nouvel album et de son appétit musical, on ne croirait pas que Gage, fraîchement revenu de France, soit encore affaibli par une vilaine grippe. Tisane à la main, le chanteur originaire du quartier Saint-Michel soignait sa voix, avec la tranquille assurance qu'elle serait remise en forme, à temps pour le lancement, mercredi soir dernier.

 

En tout cas, n'en doutez point, sur Changer le monde, la voix de Gage est irréprochable. Il a du Bill Withers dans le nez, celui-là. Un ton qui lui appartient plus qu'un grand coffre. une tessiture et une justesse, sur la note comme dans l'émotion: «Je mets ma vie sur disque et sur scène. Mes amours, mes amitiés, mon histoire, père absent, famille monoparentale, mon parcours», comme cet épisode décrit sur le premier extrait (en France), Pardonne-moi: erreur de jeunesse, séjour en prison américaine, et les voisins de cellule qui ont besoin de son aide pour écrire des lettres aux membres de sa famille...

Les 12 tableaux de Changer le monde - plus la version remix de Doudou, avec le chanteur Shabba du légendaire groupe kompa Djakout Mizik!- s'installent par une atmosphère qui rend hommage à l'âge d'or de la soul américaine.

«Avec mes réalisateurs, on cherchait un son authentique, un peu à l'image du travail qu'a fait Mark Ronson avec Amy Winehouse.» Ses réalisateurs, Frank_e et Maco, deux Montréalais dont le studio a pignon sur le Plateau, ont très bien capté cet esprit roots, donnant à la section rythmique, aux cuivres et aux cordes une patine qui évoque le passé, mais...

Ce qui place Changer le monde dans la continuité de Soul Rebel, son premier album lancé en 2005, et dont le succès s'est surtout fait sentir de l'autre côté de l'Atlantique, à la faveur d'une relation d'affaires et d'amitié avec la star du r&b francophone Corneille.

Message à Corneille

On aborde ici un sujet délicat. On pourrait aussi arguer que Gage nous y amène: chez nous, le premier extrait tiré de Changer le monde s'intitule Mon Frère et s'adresse personnellement à Corneille, avec qui les relations sont aujourd'hui au beau fixe. L'affaire a d'ailleurs fait jaser en France, où les médias people ont mordu à la prétendue bisbille.

«Tu seras mon frère/Pour toujours mon frère/Mais dis-moi/Dis-moi ce qui s'est passé.» Qu'est-ce qui s'est passé, Gage? Comme dans la chanson, il répond ne pas comprendre. «Qu'est-ce que je peux dire de plus? Je n'ai plus de ses nouvelles. J'ai simplement voulu chanter ça parce que je lui dois beaucoup. C'est un ami, c'est le gars qui m'a permis de vivre mon rêve. Je suis allé à son mariage, puis, on ne s'est plus revu. Il vit quelque chose d'important, j'espère seulement qu'il est heureux.»

Parenthèse. Angel Dust, la boîte de production qui gère la carrière de Gage, travaillait d'abord avec Corneille. Les deux partis se sont quittés en mauvais termes, semble-t-il. Ceci expliquerait peut-être cela. Cependant, si cela peut rassurer Gage, et s'il faut en croire un message prétendument laissé par Corneille sur un site d'admirateurs, il n'aurait que de bons sentiments à son endroit: «Je lui souhaite le meilleur avec son album, que je trouve d'ailleurs excellent. Je trouve qu'il a fait un super boulot, et je suis très fier de lui.»

En espérant que le public québécois soit aussi enthousiaste envers la musique de Gage. «La soul en français, c'est possible, dit-il. J'ai envie de partager ma passion pour cette musique. J'ai travaillé dur pour arriver où j'en suis, j'espère que les gens vont me suivre.»