Loin de se repentir près d'un an après l'attentat qui a décimé sa salle de rédaction, l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a tenu à souligner dans une édition spéciale qu'il était toujours bien vivant avec une page couverture pour le moins frappante. Le magazine présente une caricature de Dieu, ensanglanté et armé d'une Kalachnikov, avec le titre «L'assassin cours toujours».

Dans son édition de 32 pages marquant le premier anniversaire des attaques du 7 janvier 2015, les employés s'en prennent aux fondamentalistes, aux religions et au gouvernement français pour ne pas avoir su éviter les violences qui ont sévi en France l'année dernière.

Dix-sept personnes ont perdu la vie dans les attentats aux locaux de Charlie Hebdo, à Paris, et dans deux autres attaques survenues dans les jours suivants. Le 13 novembre dernier, 130 personnes ont été tuées et des centaines ont été blessées dans plusieurs attentats coordonnés dans la capitale française.

Et Charlie Hebdo prédit que d'autres drames surviendront prochainement avec cet «assassin qui court toujours».

Dans son éditorial bien senti, le directeur Laurent Sourisseau, aussi appelé Riss - qui a également dessiné la page couverture - a décrit l'horreur qu'il a vécue en entrant dans les locaux quelques minutes après que les deux tireurs eurent ouvert le feu. C'est le silence qui lui a fait comprendre que ses collègues étaient morts, a-t-il relaté.

Riss a rappelé que les fondamentalistes souhaitaient que les journalistes paient le prix de «rire de la religion», mais Charlie Hebdo restera, a-t-il assuré.

«Jamais on n'a eu autant envie de casser la gueule à tous ceux qui ont rêvé de notre disparition. Ce ne sont pas deux petits cons encagoulés qui vont foutre en l'air le travail de nos vies», a-t-il lancé.

L'éditorial mordant du directeur n'a d'ailleurs pas tardé à faire réagir. Le président de l'Observatoire contre l'islamophobie, Abdallah Zekri, a dénoncé le texte, le qualifiant de «violent et très insultant pour la religion» en entrevue au réseau français BFMTV.

L'édition spéciale, qui sera vendue à compter de mercredi, raconte en détail l'attaque qui allait frapper la salle de rédaction du 11e arrondissement dans le cadre de sa première réunion de l'année 2015.

La journée avait commencé par les souhaits traditionnels du Nouvel An. L'une des employées, de son nom de plume «Coco», est partie à l'étage inférieur pour aller chercher sa fille à la garderie, où elle s'est fait interpeller par les assaillants, Saïd et Chérif Kouachi.

Ils avaient déjà abattu l'agent de maintenance de l'immeuble, Frédéric Boisseau. Les fusils appuyés sur son dos, l'employée a été forcée d'ouvrir la porte aux assaillants avant qu'ils n'ouvrent le feu. Seulement quelques minutes seront nécessaires pour tuer onze personnes. Un policier musulman a également été la cible des deux frères à leur sortie de l'édifice.

L'urgentologue et chroniqueur à l'hebdomadaire, Patrick Pelloux, a été l'un des premiers à arriver sur les lieux du carnage. «Plus je montais, plus il y avait du sang», a-t-il écrit.

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