« Le parvis de l’Université grouillait d’êtres sidérés par la bêtise de leur époque », écrit Catherine Lemieux au début de son deuxième roman, une phrase à entendre comme un avertissement. Dans les pages qui suivront, personne ne sera épargné par l’impitoyabilité de son regard sur un monde académique qui a démissionné de sa mission de réfléchir.

Fable noire, où la caricature n’est peut-être qu’une forme comiquement grotesque d’hyperréalisme, Lourdes raconte comment la candeur de la jeune femme qui donne son titre à ce livre sera dévoyée, lorsqu’elle acceptera de jouer le rôle de préposée au buffet ( !) durant le Symposium du Laboratoire du Néo-Moi Féminisant, dans une prestigieuse université européenne.

Catherine Lemieux fustige en de fulgurantes formules gorgées de poison la fausse subversion des mots-clics à profusion, les séances d’autoexpiation préventives auxquelles s’adonnent performativement les détenteurs du pouvoir, le féminisme désamorcé par l’argent et la peur panique de dire la chose de trop. La possibilité même d’une réelle parole est ici sans cesse neutralisée par les discours du self-care, de la bienveillance ou de la conscience de ses privilèges. La Québécoise installée en Autriche fait ainsi honneur au cynisme implacable d’un des plus grands écrivains autrichiens, Thomas Bernhard.

Soyez prudents, nous intime-t-elle par la voix d’un de ses personnages fabuleusement consternants de prof ignorant son propre ridicule : « Il est possible qu’une personne mal intentionnée ait profité d’un moment d’inattention pour glisser dans votre bagage culturel une idée dangereuse dont vous auriez négligé d’émousser le tranchant. »

Lourdes

Lourdes

Boréal

368 pages

8/10