Après y avoir consacré 25 ans à la recherche et 25 mois à l’écriture, Sylvain Garel offre aux cinéphiles et passionnés d’histoire Le FLQ dans la cinématographie québécoise, un captivant essai doublé d’un index de films qui se lit comme un roman.

En 1991, pour lancer la première édition du festival qu’il vient de fonder, le Festival du cinéma québécois de Blois, l’historien et critique français Sylvain Garel choisit de présenter Le party, de Pierre Falardeau. Outre le bouillant cinéaste, Garel, qui enseigne le cinéma québécois à l’Université Paris-Diderot, invite le coscénariste du film, l’ex-felquiste Francis Simard.

Épris de politique, il se prend de passion pour la démarche de Falardeau et Simard, avec qui il se lie d’amitié. À la fin des années 1990, lui vient l’idée de s’inscrire à la Sorbonne afin de faire un doctorat sur le Front de libération du Québec (FLQ) dans le cinéma québécois. Toutefois, Sylvain Garel doit mettre le projet sur la glace puisqu’il fait son entrée à la mairie de Paris, où il travaille pendant 13 ans.

Puis arrive la pandémie… À défaut d’une thèse de doctorat, il rédige Le FLQ dans la cinématographie québécoise, essai suivi d’un index de 250 films et projets de films entièrement ou partiellement consacrés au FLQ.

« Au départ, je voulais faire un livre “grand public” et un ouvrage utile à d’autres chercheurs, je voulais que ce soit accessible et factuel », explique l’auteur, rencontré à la Cinémathèque québécoise pour le lancement de son livre et du cycle Le FLQ dans la cinématographie québécoise.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Sylvain Garel

L’idée, c’est de me dire qu’une fois que quelqu’un aura refermé ce livre, il saura à peu près tout du FLQ et beaucoup de choses du cinéma québécois.

L’auteur Sylvain Garel

En plus de Louis Fournier et de Félix Rose, qui signent respectivement la préface et la postface du livre, Garel a pu compter sur la collaboration du critique Michel Coulombe et du programmateur Michel Martin pour répertorier les fictions et documentaires ayant été tournés depuis 1963, année de sortie d’À tout prendre, de Claude Jutra, premier film du corpus.

« Connaissant relativement bien le cinéma québécois, je dois dire que ce qui m’a surpris, c’est qu’il n’y a pas de fiction sur la bataille des plaines d’Abraham ni sur l’internement des Italiens pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y a très peu de choses sur les Patriotes et les insoumissions. Plein d’évènements historiques très importants sont hors du cinéma pour des raisons financières. Or, j’avais trouvé 207 films terminés, dont 49 sont consacrés principalement ou totalement au FLQ, ce qui est considérable par rapport à la cinématographie d’un pays de 8 millions d’habitants. »

Une sympathie qui demeure

Selon Sylvain Garel, si l’on retrouve tant de films sur le Front de libération du Québec, c’est que le cinéma québécois et le mouvement felquiste sont tous deux nés en pleine Révolution tranquille. « Dans les années 1960, les jeunes cinéastes et les felquistes ont le même âge. Presque tous les cinéastes ont des aspirations communes avec le FLQ ; beaucoup sont indépendantistes et plusieurs deviendront socialistes. Même s’ils ne partagent pas les moyens d’action du FLQ, ces cinéastes ont une sympathie pour ces jeunes qui vont jusqu’au bout de leurs idées, qui risquent leur avenir, leur vie. »

Bien qu’il y ait eu 10 morts, dont le ministre Pierre Laporte, Sylvain Garel rappelle qu’il y a encore de nos jours une sympathie pour le FLQ : « Le FLQ n’a jamais fait d’attentats aveugles. Si on compare avec l’ETA, c’est 800 morts, et l’IRA, 1800 morts ; on est complètement dans une autre dimension. »

Dans la population, et même dans les forces armées et la police, il y a un respect pour le FLQ, parce que la plupart ont compris que c’était de jeunes garçons, des pieds nickelés et des desperados dans certains cas, qui se sont lancés sans être vraiment organisés et qui ont été dépassés par les évènements.

L’auteur Sylvain Garel

La faible présence des femmes dans le FLQ – 20 femmes sur les 250 felquistes répertoriés par Louis Fournier – et derrière la caméra à l’époque explique encore aujourd’hui pourquoi peu de femmes ont exploité le sujet à l’écran : « Le Front de libération des femmes n’a pas soutenu le manifeste du FLQ parce qu’il n’avait pas un mot sur les femmes. Et il dure 11 minutes ! »

Qui sait, dans les prochaines années, les réalisatrices s’intéresseront peut-être à des figures emblématiques oubliées, dont Hélène Bourgault (1945-2006), fondatrice du FLF et seule felquiste devenue cinéaste.

« Depuis que j’ai fini d’écrire en mai, cinq nouveaux films ont été faits, dont Testament, de Denys Arcand, où un couple évoque les évènements d’octobre 1970, et celui de Pedro Ruiz sur Jacques Lanctôt qui sort vendredi, Le huitième étage, jours de révolte, qui combine fiction et documentaire », conclut Sylvain Garel, qui, à la fin du livre, invite les lecteurs à lui faire part d’erreurs et d’oublis pour une éventuelle réédition.

Le FLQ dans la cinématographie québécoise

Le FLQ dans la cinématographie québécoise

Somme toute

608 pages

Incontournables et méconnus

Du 25 au 31 octobre, la Cinémathèque québécoise présente Le FLQ dans la cinématographie québécoise, cycle regroupant une dizaine de courts et longs métrages sélectionnés par Sylvain Garel et Guillaume Lafleur. « Il y a des classiques, comme Octobre, de Pierre Falardeau, Corbo, de Mathieu Denis, Les Rose, de Félix Rose, et, celui qui demeure la référence, Les évènements d’octobre 1970, de Robin Spry, dont plusieurs images ont été reprises dans d’autres films. Il y a aussi des films rares, dont le premier film sur le FLQ, FLQ, documentaire de 1967 de Jean-Pierre Masse, qui donne la parole à quatre felquistes sortant de prison. Et des films oubliés, tel Les années de rêve, de Jean-Claude Labrecque, qui avait été assez mal reçu en 1984, en pleine déprime post-référendaire. Le premier soir, on présente deux films : Chroniques labradoriennes, premier film d’André Forcier, un truc de potache complètement foutraque, mais très révélateur de la mentalité des jeunes de l’époque ; et Le révolutionnaire, film beaucoup plus ambitieux de Jean-Pierre Lefebvre de 1967. Je pense qu’à travers cette dizaine de films, on connaîtra mieux l’histoire du FLQ. »

Consultez la page de l’évènement

Le cycle Le FLQ dans la cinématographie québécoise sera présenté à la Cinémathèque québécoise du 25 au 31 octobre.

Le film Le huitième étage, jours de révolte de Pedro Ruiz sortira en salle vendredi à la Cinémathèque.