Moins populaires que les Beatles ou les Stones, les Zombies ont quand même laissé leur marque au Québec. Mais cela ne s'est pas nécessairement traduit en succès commercial.

Dans les années 60, en pleine vague yéyé, les Sultans ont, par exemple, repris trois chansons du groupe anglais un record! Traduites en français (c'était la fameuse époque des «versions»), Leave Me Be était ainsi devenue Dis-lui,Tell Her No s'était transformée en Dis-lui non et You Make Me Feel Good en Je t'aime bien.

«Il y avait un raffinement chez les Zombies que d'autres groupes anglais n'avaient pas, raconte Bruce Huard, ancien chanteur des Sultans. Musicalement, c'était sophistiqué. C'était haut de gamme. Et nous, il y avait ce côté classy qu'on recherchait.»

Bruce admet qu'il avait aussi un petit faible pour la voix «veloutée» de Colin Blunstone, qui ressemblait assez à la sienne. «C'est un style dans lequel j'étais à l'aise», dit-il.

Bizarrement, aucune de ces trois versions n'a vraiment été un succès, Dis-lui se hissant à l'arrachée en 18e place du palmarès Méritas. Pour Bruce Huard, ces chansons étaient avant tout destinées à étoffer le répertoire des Sultans et à remplir quelques trous sur les microsillons. «Elles ont surtout ajouté à la crédibilité du groupe» dit-il.

Même scénario chez les Bel Canto, qui ont traduit le mégatube She's Not There en 1966. Rebaptisée Les filles d'Ève, cette adaptation n'a connu qu'un succès d'estime. Mais elle demeure un vibrant témoin des fameuses versions à la québécoise, qui faisaient passer le son avant le sens. «Le plus important pour moi, c'était de garder les sonorités, raconte René Letarte, ex-bassiste et parolier de la formation. «She's not Theeere» s'est transformé en «Les Filles d'Èeeeve», parce que ça sonnait à peu près pareil!»

René Letarte signale qu'il avait quand même conservé le côté «phantasmatique» de l'originale puisque le texte lui avait été inspiré par le groupe de jeunes filles qui vivaient dans l'appartement au-dessus du sien...

À noter que She's Not There fut aussi reprise en anglais par les Mersey's en 1969, dans un excellent disque produit par Michel Pagliaro. Cette version est assez fidèle à l'originale, quoique plus «flower power», pour ne pas dire «psychédélisante», un des meilleurs efforts en ce sens pour un groupe pop québécois. Les chansons des Sultans, des Mersey's et des Bel Canto ont été rééditées par les Disques Mérite et sont toujours disponibles sur CD.

Heureux «jeune marié» à 74 ans, René Letarte vit actuellement à Québec, où il donne des ateliers et des cours de chant. Il y a quelques années, il a écrit un livre sur son métier, le Petit Référentiel de l'auteur-compositeur.

Bruce Huard, 66 ans, habite de son côté sur la Rive-Sud. Témoin de Jéhovah depuis 35 ans, il continue de faire du porte à porte trois fois par semaine dans le district de Longueuil/Boucherville, ce qui constitue son «activité principale». Et, oui, il avoue que son passé de rock star l'aide parfois à «briser le mur en partant»...

L'ancien chanteur se produit à l'occasion avec d'autres vétérans de l'époque des groupes. Il a toutefois décliné l'invitation de rejoindre les Zombies sur scène, que lui a faite récemment le producteur du spectacle. «J'étais bien honoré, dit-il. Mais être parachuté sur scène et chanter devant 1000 personnes, c'était trop de stress pour moi.»

«De toute façon, j'avais déjà mes billets pour le spectacle...»