Daniel Brière a mis en scène une pièce de théâtre novatrice, Leo, qui remporte un succès important au festival Fringe d'Édimbourg, qui se poursuit jusqu'au 29 août. Pourquoi donc la compagnie allemande Circle of Eleven a-t-elle confié au papa des Parent ce spectacle que des producteurs de partout dans le monde convoitent? Explications.

Dans la petite salle de l'ancienne église St George's West, à Édimbourg, une salle comble rit, applaudit et s'émerveille devant un acteur allemand évoluant dans un décor dépouillé et dont le moindre geste est capté par une caméra inclinée à 90 degrés et projeté sur un écran géant, à gauche, sur la même scène. Dans ce spectacle muet, produit par la compagnie berlinoise Circle of Eleven, Tobias Wegner se tient sur les mains, la tête à l'envers, mais, comme l'écran d'à côté nous renvoie cette image à la verticale, on le voit lévitant, les mains appuyées sur un mur.

Pendant une heure et des poussières, l'acteur-acrobate fait des mouvements acrobatiques complexes qui apparaissent anodins sur l'écran voisin et vice versa. La juxtaposition de ces deux tableaux provoque le rire chez les spectateurs éblouis par la magie de ce spectacle en apparence tout simple. Par la suite, Tobias-Leo, qui n'avait jusque-là qu'une valise pour lui tenir compagnie, se met à dessiner à la craie une table, des chaises, une bouteille et des coupes de vin, un chat et un aquarium dont l'eau inondera bientôt toute la pièce, faisant apparaître des baleines et des requins parmi lesquels notre héros nagera en tentant de sauver sa peau.

La mise en scène de ce spectacle à la fois amusant et poétique est signée par le Québécois Daniel Brière, pilier du Nouveau Théâtre Expérimental et papa des trois garçons dans la populaire comédie télévisée Les Parent.

Le directeur de la compagnie berlinoise Circle of Eleven, Volker Brümmer, a fait sa connaissance à Montréal en janvier 2008, lors d'une répétition de la pièce Le plan américain, écrite et mise en scène par Brière et sa compagne Evelyne de la Chenelière.

«Le milieu du cirque et du théâtre physique de Berlin connaît bien Montréal, explique Brière au téléphone, en plein tournage d'un épisode de la quatrième saison des Parent. Après la répétition, Volker m'a dit que j'étais le metteur en scène qu'il cherchait; je n'avais qu'à aller à Berlin et je pourrais y monter un show dans les mois suivants.»

Brière était trop occupé, mais le hasard a voulu qu'il découvre Berlin l'année suivante en y accompagnant Philippe Falardeau pour la présentation de son film C'est pas moi je le jure. Coup de foudre! Peu après, il y retournait et se lançait dans la création de Leo, qui allait durer près de deux ans.

«J'ai rencontré Tobias, qui a travaillé à l'École de cirque à Bruxelles et qui parle français, et ça a cliqué, raconte Brière. On s'est mis à travailler à partir d'un numéro de 15 minutes qu'il faisait dans son spectacle. Je passais près d'un mois à Berlin, puis il venait deux semaines à Montréal et on élaborait progressivement notre concept, notre histoire et le personnage de Leo

«Le théâtre physique, c'est du cirque ou du théâtre?

- Honnêtement, j'aime le cirque, mais je ne suis pas ébloui devant les prouesses physiques. Pour moi, Leo, c'est du théâtre, de la dramaturgie silencieuse. Je suis plus intéressé par l'interprète et par sa sensibilité que par les saltos arrière.»

Brière et Wegner ont présenté un extrait de leur work in progress au CINARS, à Montréal, à l'automne 2010 et ont décidé de créer Leo à Édimbourg cet été. «J'ai découvert comment ça marchait à Édimbourg: six spectacles dans le même théâtre en une journée. Quand tu entres dans la salle, on est en train de démonter le show précédent et il te reste une demi-heure pour tout installer. C'est de la folie! Mais c'est une belle tribune. Personne ne fait d'argent au Fringe, mais tous rêvent du Klondike, de la personne qui va dire de ton spectacle que c'est LEspectacle à voir. Le bouche à oreille a été super pour nous.»

C'est le moins que l'on puisse dire. Leo a eu droit à des critiques élogieuses et se classait la semaine dernière dans le top 10 des spectacles les plus appréciés parmi les quelque 2000 du Fringe.

«On voulait raconter une histoire sans dire un mot, reprend Brière. C'est un beau défi et c'est le fun pour voyager. Des diffuseurs des Pays-Bas, de Bruxelles, de Londres, de l'Australie, du Brésil et même de l'Iran sont intéressés à l'acheter. En plus, nous sommes finalistes pour le Total Theatre Award et peut-être aussi pour le Carol Tambor Award, qui, si on le remporte, nous vaudrait de jouer le spectacle pendant un mois à Broadway en janvier prochain.»

Et Montréal?

«J'ai rencontré Claude Myre de Zoofest et elle veut le présenter, et je sais que la Place des Arts est intéressée pour la Cinquième salle. C'est sûr que le show va venir à Montréal.»