Alerte à l’invasion cathodique ! Une nouveauté mystérieuse et lumineuse atterrit jeudi sur Club illico de Vidéotron et elle clignote très fort sur l’écran radar des séries à observer sans cligner des yeux.

Cet objet télévisuel bien identifié s’appelle Société distincte et il s’avère une des agréables surprises de la saison printanière. J’ai enfilé trois des dix épisodes d’une heure cette semaine et je suis accro à cette histoire d’enlèvement d’enfant par des extraterrestres, un rapt qui cache des drames humains profonds et inexplorés.

Techniquement, oui, Société distincte se classe dans la filière de la science-fiction et du paranormal. C’est aussi un suspense psychologique articulé autour d’une famille démunie, incapable de vivre son deuil et de se détacher du passé.

Le récit de Société distincte, imaginé et réalisé par Benoit Lach (Le 422 à Télé-Québec), démarre sur un terrain de camping, à l’été 2009. En forêt, le petit Gabriel, un blondinet de 8 ans, disparaît alors qu’il joue à la cachette avec son grand frère Marc, 15 ans, et le meilleur ami de celui-ci, Julien.

Les recherches n’aboutissent pas et personne ne retrouve Gabriel, évanoui dans la nature. Trois jours plus tard, surprise : Marc découvre un agroglyphe – un crop circle, en bon français – tout près de l’endroit où son frérot s’est volatilisé. Pour Marc, c’est clair que Gabriel a été kidnappé par des extraterrestres.

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

Quinze ans plus tard, la famille de Repentigny s’accroche encore à l’espoir que les visiteurs de l’espace ramèneront Gabriel sur Terre. La maman Micheline (excellente Maude Guérin) conserve la chambre de Gabriel dans le même état qu’en 2009. Elle change les draps du lit régulièrement et ne parle que d’ovnis et d’apparitions de bonshommes gris.

L’aîné Marc, maintenant joué par Antoine Pilon, toujours juste, consacre lui aussi sa vie à l’ufologie. Un travail bénévole, on s’entend. Tanguy âgé de 30 ans, Marc vit toujours chez sa mère Micheline, qui le nourrit et lui verse même une allocation hebdomadaire.

Tordue, complexe et malsaine, la relation mère-fils au cœur de Société distincte est fascinante. Traumatisée par la disparition de son cadet, Micheline surveille son aîné comme une fauconne. Elle adore son gars, aucun doute là-dessus, mais elle l’étouffe, le manipule et l’enferme dans une enfance prolongée à coups de reproches carabinés et d’intrusions dans son intimité.

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

L’acteur Antoine Pilon dans Société distincte

Antoine Pilon est fort touchant dans son rôle de Marc, un adulescent peu éduqué qui arbore une solide coupe Longueuil, une vraie Longueuil, pas celle, ironique et rafraîchie, qu’a adoptée la génération Z. Solitaire, il dépense sa maigre paie dans un cabaret de danseuses nues, amoureux d’une des effeuilleuses, évidemment.

Une éclaircie se dessine dans l’existence monotone de Marc quand son ami d’enfance, l’intrigant Julien (solide Robert Naylor), rentre à Repentigny. Le moustachu Julien, devenu professeur au secondaire, était au camping quand Gabriel a disparu. Puis, Julien a coupé tous les ponts avec Marc et ne l’a pas revu depuis 15 ans. Pourquoi Julien, en couple avec l’urgentologue Anne-Marie (émouvante Juliette Gosselin), réapparaît-il à cet instant précis ?

Il y a quelque chose de La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé dans ce volet de l’histoire. Julien aime les bars à vins, parle d’indépendance à ses élèves et se rend au boulot à vélo. Marc, lui, conduit un camion et évolue dans un univers refermé. L’un et l’autre ont visiblement des choses à s’apprendre et des secrets à se dévoiler.

L’aspect science-fiction n’a pas l’air cheapo dans Société distincte et il se manifeste par des ombres, des couleurs et des silhouettes élancées. Au deuxième épisode, un homme (Antoine DesRochers) dans la vingtaine arrive à l’hôpital flambant nu avec une cicatrice de soleil rouge sur le plexus. Ce patient au crâne rasé ne se souvient d’absolument rien. Et s’il s’agissait du petit Gabriel, relâché par les extraterrestres 15 ans après son grand départ ?

Société distincte se déploie lentement, et c’est ce qui assure une crédibilité à cette série pas mal plus captivante que Lac-Noir. Doucement, des éléments surnaturels se mêlent à des évènements 100 % réels, ce qui sème le doute dans nos têtes de téléspectateurs. L’équilibre entre l’étrange et le concret ne se rompt pas.

Ça se tiendrait que des bibittes aux gros yeux aient visité Repentigny et ses environs. Ça se tiendrait également qu’une organisation occulte se cache derrière les enlèvements.

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

La mère, Micheline (Maude Guérin), dans Société distincte

Chacun des épisodes renferme des indices sur la suite de l’intrigue foisonnante. Une infirmière au comportement bizarre a l’air de mèche avec deux agents en noir venus prélever l’ADN du patient chauve et amnésique. Dans l’aile psychiatrique, un homme en fauteuil roulant, campé par Luc Picard, donne des instructions qui remontent jusqu’à Micheline et Marc, qui n’abandonnent jamais les recherches pour revoir Gabriel.

Ce qui est bien avec Société distincte, c’est que les dix épisodes sont prêts à être consommés en rafale. Pas d’attente de jeudi en jeudi, tout a été mis en ligne.

En plus, le premier épisode ressort la vieille cassette de Belgazou et son succès Talk About It. Est-ce que cette musique douce, qui nous élève l’âme, aurait attiré les extraterrestres de Société distincte ? Tendez l’oreille, car il faut toujours s’écouter mieux sans parler (alright, let’s talk !).