Le téléroman 5e Rang de Radio-Canada n’a jamais planté ses intrigues dans un terreau réaliste en cinq saisons.

Mais lundi soir, ce qui a poussé dans nos écrans, pendant la finale de mi-saison, ressemblait à un légume mutant et difforme, qui aurait été arrosé d’un insecticide trop puissant pour un corps humain normal. Effets secondaires ressentis : confusion, démence, hallucinations et atteintes du nerf optique.

Honnêtement, ce qui s’est déroulé dans la cave du maniaque Marc Trempe (Marc Béland), très semblable à celle de la Dre Claire Hamelin (Marie-Thérèse Fortin) de Mémoires vives, relevait du pur délire. Ou d’un mauvais film d’horreur de série B, repris en format théâtre d’été.

Pour les retardataires aux récoltes à la ferme Goulet, l’alerte au divulgâcheur siffle ici comme une réplique assassine de l’espiègle Francine (Muriel Dutil), de retour, déguisée en inspectrice Gadget, de l’île de Saint-James. C’est bon ?

Armé d’un couteau de chasse, Marc Trempe a kidnappé et enfermé cinq otages dans le sous-sol de la maison de Candiac qui appartenait à sa grand-mère maternelle, à un jet de pierre d’une usine qui fabrique des biscuits à la framboise.

Trois des sœurs Goulet ont été enlevées, soit Marie-Paule (Ève Duranceau), Marie-Christine (Julie Beauchemin) et Marie-Louise (Martine Francke). Également prisonnier du psychopathe Marc Trempe : le copain artiste de Marie-Paule, Francis (Alexandre Bergeron), tout comme la vaillante Gladys (Julie Roussel), dont le party de retraite de la police de Valmont a été annulé, rangez les crudités.

« Soit tu nous libères, soit tu nous tues », a d’abord annoncé Marie-Paule à son ravisseur Marc Trempe, qu’elle a failli épouser avant qu’il ne s’évade de son asile psychiatrique, ne l’oublions pas. Ce même Marc Trempe qui, à l’âge de 15 ans, a tué sa sœur, puis découpé son corps en morceaux, avant de les disperser dans un dépotoir.

La suite a été nimbée d’une brume anesthésiante : Marie-Louise se plaignait que Francis saignait dans son foulard Hermès, Marie-Paule offrait une séance d’autohypnose à ses camarades sur le bord de l’apoplexie et Gladys chorégraphiait une attaque contre le tueur digne du meilleur numéro de danse contemporaine à Révolution. Coup de pied dans les jarrets, déchiquetage du visage et évasion sournoise, allez, on recommence, 5, 6, 7 et 8 !

PHOTO PHILIPPE BOSSÉ, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Scène de 5e Rang

Alors que les otages crevaient de faim dans leur cellier de fortune, l’instable Marie-Paule a déclaré, comme si elle jouait du Shakespeare ou dans le film Alive : « Vous me mangerez. S’il le faut, vous me tuerez et vous me mangerez » ! C’était irréel.

Et pourquoi le vilain Marc Trempe, que l’on a connu comme timide vendeur de chaussures à Valmont, a-t-il séquestré presque tous les personnages principaux du populaire téléroman agropolicier ? Parce qu’il hait le flic Fred (Maxim Gaudette), qu’il juge responsable de tous ses malheurs, en excluant la fois où il a voulu empailler son ex-copine. Un léger détail.

Reste que cinq personnes captives, c’était insuffisant pour les idées débiles de grandeur de Marc Trempe, qui a déplacé sa cible sur Monique Lacombe (Sophie Clément), la grand-maman excentrique de Fred et Réginald (Maxime de Cotret).

Mais cette « estie de crisse de folle », dixit Trempe, sait encore manier la carabine. Même atteint par une balle à l’abdomen, Marc Trempe a pu rôder autour du terrain de baseball de Valmont, le torse ensanglanté, sans éveiller le moindre soupçon.

De retour à la maison du diable, le bourreau Marc Trempe a fait monter à l’étage la très mêlée Marie-Paule pour lui révéler que sa mère, Aline Trempe, était une « vieille pute qui vendait ses enfants pour payer sa dope ».

En fouillant dans la résidence abandonnée des Trempe, c’est le squelette d’Aline Trempe que Marie-Paule a découvert, assis dans une chaise berçante, en poussant un cri de mort évoquant une scène mythique du film Psycho d’Alfred Hitchcock.

Dans un revirement imprévu, étant donné que les auteurs Sylvie Lussier et Pierre Poirier avaient déjà fermé ce dossier complexe, Marc Trempe a avoué le meurtre de Carole Lacombe (la mère de Réginald), dont le cadavre – le cinquième ? – avait été exhumé à la ferme de Marie-Luce (Maude Guérin). Cette affaire échevelée avait pourtant été bouclée après une enquête interminable : Carole avait été liquidée par Irène, la mère de Marie-Luce qui souffrait de problèmes psychiatriques.

Je n’ai pas raté beaucoup d’épisodes de 5e Rang depuis sa mise en ondes en janvier 2019. Je n’ai jamais boudé mon plaisir malgré la grosseur des câbles de la série et ses personnages parfois caricaturaux, mais attachants. C’était divertissant, amusant et rempli de rebondissements.

Après l’épisode de lundi soir, vu par 831 000 fidèles, beaucoup plus que Sorcières (551 000), un constat s’est imposé : c’est bien correct que 5e Rang s’éteigne au printemps prochain, après 132 épisodes d’une heure. Le tour du jardin de la famille Goulet a été fait, et tous les squelettes qui y reposaient ont été déterrés.

Au retour des Fêtes, il restera 12 épisodes pour attacher les dernières ficelles pendantes. D’ici là, ça va nous prendre quelque chose de plus fort que de la Naloxone pour débuzzer de cet épisode complètement sauté et amorcer notre sevrage.