Le groupe d’élèves du collège John Abbott, le seul établissement en Amérique du Nord à participer au Goncourt des lycéens cette année, a terminé sa mission en beauté après une semaine de voyage en France.

En septembre, je vous avais parlé de cette dizaine de valeureux lecteurs – en fait, ce sont majoritairement des lectrices, car un seul gars fait partie du groupe – qui ont accepté l’impressionnante tâche de lire en deux mois les 16 romans sélectionnés par le Goncourt des lycéens (et en parallèle de leurs cours), avant d’aller défendre leurs titres préférés en France⁠1.

La première bonne nouvelle est que personne n’a abandonné en cours de route. « C’était notre crainte, mais ça ne s’est pas concrétisé », me dit Daniel Rondeau, professeur de français à John Abbott qui a accompagné le groupe avec sa collègue Ariane Bessette. « Tout le monde a lu tous les livres. Le voyage va super bien, même si on a été un peu bousculés dans les derniers jours avec les délibérations nationales qui avaient lieu à Rennes, avec la présence de notre étudiante Kamila. »

C’est l’autre bonne nouvelle, totalement imprévue : Kamila Michelle Contreras Zarate a été choisie pour représenter les élèves étrangers et s’est retrouvée dans le groupe sélect des derniers lecteurs qui devaient choisir le lauréat lors d’une rencontre à huis clos à Rennes. Rappelons que près de 2000 lycéens participent à cet évènement et que le français n’est pas la langue maternelle de Kamila !

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Kamila Michelle Contreras Zarate, élève au collège John Abbott

« Ce fut une très grande fierté de voir Kamila échanger, s’épanouir, développer son argumentaire et sa confiance », confie Ariane Bessette. « Kamila s’est préparée comme une pro, elle a pris ça vraiment au sérieux. Jusqu’à une heure avant de participer, nous étions quelques-uns dans un café et on continuait de peaufiner son argumentation. Car c’est très protocolaire, les délibérations ici, il y a un nombre de minutes pour chaque livre afin que ce soit égal. Elle était très déterminée. »

Et ça tombe bien, car le roman préféré de Kamila, Triste tigre de Neige Sinno, est celui qui a été couronné par le Goncourt des lycéens.

L’écrivaine, de passage au Salon du livre de Montréal, a remercié les cégépiens par vidéo. De retour de Rennes, le groupe a célébré Kamila en lui offrant des fleurs et du chocolat. « Ça m’a touchée de voir ça, car elle avait un petit pincement au cœur d’être séparée du groupe pour aller à Rennes, mais c’est une expérience qui a été très valorisante pour elle », souligne Ariane. De plus, les cégépiens sont arrivés à Paris avec plein de petites broches du drapeau du Québec qu’ils ont joyeusement distribuées aux lycéens. « Ils sont devenus des ambassadeurs, et même des ambassadeurs de l’accent québécois ! », dit Daniel Rondeau en riant.

En parallèle de leur mission, les membres du groupe ont profité de Paris en visitant la maison Victor-Hugo, en voyant un spectacle aux Invalides et même en avançant dans leurs travaux à la Bibliothèque nationale – nous sommes après tout en fin de session.

La bande sera de retour à Montréal ce samedi, après une semaine bien remplie. Quel bilan font leurs profs de cette expérience ?

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Daniel Rondeau et Ariane Bessette

« C’est un parcours parfait, on ne pouvait pas rêver mieux, répond Daniel. Tout le monde en a retiré beaucoup de fierté, c’est ce qui ressort le plus. »

Comme prof, tout ça allait un peu à l’encontre de mes réflexions, quand on se demande si on leur en donne trop, parce qu’on ne veut pas les surcharger. Mais ils ont lu les 16 romans et ils veulent continuer à lire plus souvent de la littérature en français.

Daniel Rondeau, professeur de français à John Abbott

« J’ai adoré ! », poursuit Ariane. « L’idée d’être dans un club de lecture en tant que prof, quand notre tâche était de les guider sans avoir à leur remettre de notes, c’était comme revenir à la base du métier, qui est de parler de littérature ensemble. Ils n’avaient pas besoin qu’on leur tienne trop la main. Ça m’a donné une énergie qui va me manquer. »

Un établissement ne peut participer deux années de suite au Goncourt des lycéens et doit attendre trois ans avant de poser une nouvelle candidature. Mais Daniel Rondeau et Ariane Bessette, qui participent chaque année au Prix littéraire des collégiens au Québec, ont été tellement enchantés par leur aventure française qu’ils ont bien envie de tenter une candidature l’an prochain pour les prix Renaudot ou Femina des lycéens.

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