Impossible de résister au bagout et à la vivacité de la députée débutante de la comédie La candidate, une bulle de bonheur qui éclate dans un océan de séries dramatiques hyper pesantes.

La télé automnale, n’ayons pas peur des mots, baigne dans la violence brutale des gangs de rue, la grisaille des affaires policières glauques et une kyrielle de meurtres sordides à élucider. Un peu de légèreté, teintée d’intelligence, procure un bien fou, vraiment.

Signée par la brillante Isabelle Langlois (Lâcher prise), La candidate sort jeudi sur l’Extra de Tou.tv, avec une diffusion prévue au cours de l’hiver à la télévision traditionnelle. Les dix épisodes d’une heure débarquent d’un seul coup, sur la plateforme payante de Radio-Canada, et je me retiendrai – à quatre mains – de ne pas les visionner en un week-end, question de ne pas brûler du bon stock trop vite.

Cette comédie politique pas du tout hermétique – oubliez Bunker, le cirque – révèle l’immense talent de son actrice principale, Catherine Chabot (Hôtel, Lignes de fuite), qui offre une performance épatante dans les vêtements moulants et échancrés d’Alix Mongeau, une mère de famille monoparentale et technicienne en pose d’ongles « de 29 ans et trois quarts » habitant la Rive-Sud.

Assurément, Catherine Chabot se classera parmi les finalistes du meilleur rôle comique au prochain gala des prix Gémeaux. Elle est furieusement drôle et attachante.

De retour à Alix Mongeau, notre héroïne verbomotrice qui adore les bijoux clinquants, les cheveux bouffants et le maquillage voyant. Elle renoue avec un ancien ami du secondaire, le beau député Benjamin Claveau (Olivier Gervais-Courchesne), qui lui propose de devenir une candidate poteau pour son parti, le PPDQ, l’équivalent de Québec solidaire, aux prochaines élections.

Il manque de femmes sur les affiches et Alix Mongeau se présenterait dans la circonscription de Dufferin, où le député Claude Fortin (Hugo Dubé) du PAQ – l’équivalent de la CAQ – règne depuis deux mandats. Aucune chance qu’Alix gagne, quoi.

Mais comme dans la vraie histoire de Ruth Ellen Brosseau du NPD, qui a servi d’inspiration à La candidate, Alix Mongeau remporte ses élections, surprise collective ! alors qu’elle s’enivre à New York le soir de son 30anniversaire.

Pendant dix épisodes, La candidate montre, avec humour et perspicacité, comment une citoyenne ordinaire, sans expérience politique, pénètre dans le système parlementaire québécois, bourré d’obstacles, de pièges et de journalistes ratoureux.

Ne possédant pas de filtre, Alix Mongeau déclare même que la circonscription de Dufferin, où elle brigue les suffrages, « c’est la place où le fun va pour mourir ». Évidemment, Alix aboutit dans une émission semblable à Infoman, qui raffole de ce type de gaffes.

Le personnage de mère seule qui en arrache se transforme souvent en cliché à la télé québécoise. Pas dans La candidate. En apparence, Alix ressemble à une pitoune vulgaire trop bronzée, les yeux lourdement fardés, le sacre au bord des lèvres bien rouges. La scénariste Isabelle Langlois pulvérise toutefois ces stéréotypes en mettant de l’avant une jeune femme débrouillarde, vive, travaillante, rusée, franche et super sympathique, avec le cœur qui bat à la bonne place.

Non, Alix ne parle pas anglais, et encore moins l’espagnol comme sa meilleure amie coiffeuse (Noé Lira), mais elle peut concocter un souper pour sa famille avec 5 $. Non, Alix n’a pas fréquenté les plus grandes universités, mais elle a fini sa cinquième secondaire en cumulant trois jobines, tout en s’occupant de son bébé. C’est une battante, que l’on adopte au premier sourire.

PHOTO BERTRAND CALMEAU, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Catherine Chabot

Bien sûr, les réseaux sociaux et les animateurs de radio-poubelle traiteront Alix de BS, de charrue, de Bougon, de greluche, de plotte sale, bref, un petit mardi tranquille sur le réseau X, quoi.

Au deuxième épisode, Alix Mongeau visite Dufferin pour la première fois depuis son élection et elle croise un paquet de personnages étranges qui solliciteront son aide urgente. Dufferin n’existe pas et ressemble à un mélange entre Granby et Saint-Jean-sur-Richelieu. Donc, non, il ne s’agit pas d’un trou perdu.

Pour accélérer son apprentissage politique, Alix est jumelée à la députée d’expérience Salima (Ines Talbi), une avocate polyglotte qui possède deux maîtrises, en plus d’être whip de l’opposition officielle. Collision de deux mondes diamétralement opposés, qui provoque d’hilarantes flammèches.

La candidate revisite le concept classique du « poisson sorti de son bocal » avec brio.

Alix, qui vit dans un logement pas chauffable, ne connaît rien de l’univers politique et tombera dans le traquenard d’un jeune courriériste parlementaire (Alex Godbout), le jour même de sa prestation de serment rocambolesque.

Par contre, Alix apprend vite. Très vite. Et elle a de l’instinct, notamment quand vient le temps d’embaucher un attaché politique compétent et pas corrompu.

Autour d’Alix gravitent sa fille préadolescente (Lily-Rose Loyer), son ex-conjoint (Patrick Emmanuel Abellard), qui n’est pas un trou de cul, et ses beaux-parents riches, qui hésitent à investir dans son projet de bar à ongles « dans un local pourri, situé sur une rue poche ».

Prédire le résultat d’une vraie élection relève quasiment de la science. Mais prédire, par anticipation, que La candidate vous charmera, c’est beaucoup plus simple que de trouver un nouveau chef au Parti libéral du Québec.