Depuis vendredi, je dis à l’amoureux : « parle plus fort, j’ai un concert de Metallica dans l’oreille ». Car en dépit de la très mauvaise réputation sonore du Stade olympique, je tenais absolument à entendre (sans bouchons) le plus grand groupe métal de la planète dans ce lieu où je n’avais pas mis les pieds depuis 20 ans au moins. Un cadeau que je voulais offrir à mon frère qui n’avait jamais vu un show de heavy métal de sa vie.

Cette sortie faisait partie de la mission que nous nous sommes donnée vers la fin de la pandémie, soit de multiplier les expériences mémorables ensemble, pour rattraper le temps perdu. Le moment était au métal, d’autant plus que les deux dates du groupe à Montréal sont les seules au Canada. Comme bien du monde, nous avons découvert Metallica avec l’album noir avant d’explorer toute sa discographie, mais nous n’avions pas encore eu la chance de le voir en spectacle, dans ce Québec qui est une patrie du métal. Metallica a fait apparaître le fleurdelysé sur les huit écrans disposés autour de la scène centrale, et James Hetfield n’a pas arrêté d’envoyer des fleurs aux fans.

Comme mon frère aime bien s’habiller pour les grandes occasions, il est allé faire la queue à la boutique éphémère de Place Ville Marie pour nous acheter des t-shirts de Metallica. Ainsi, nous étions habillés de noir comme près de 60 000 personnes qui convergeaient vers le stade, ce qui faisait contraste avec l’arc-en-ciel des activités de la Fierté qui se tenaient sur l’esplanade. Certains ont trouvé que ça ressemblait à l’autre dualité de l’été, Barbie et Oppenheimer.

En ce qui me concerne, danser dans une fête de la Fierté ou faire du headbanging, ce n’est pas contradictoire, c’est même complémentaire.

D’autres ont craint que, 31 ans après les émeutes du Stade – quand James Hetfield a été brûlé par un accident pyrotechnique et qu’Axl Rose a envoyé promener le public après quelques tounes –, ce mélange de publics différents ne fasse des flammèches, mais tout s’est déroulé calmement selon ce que j’ai vu. N’empêche, avec Guns N’ Roses qui était au parc Jean-Drapeau la même semaine, on a vraiment l’impression d’un gros retour des années 1990.

Les vrais spécialistes qui ont vu tous les shows au Stade olympique connaissent très bien son acoustique atroce, qui prend souvent beaucoup de place dans leurs critiques, mais mon frère et moi n’y avons entendu que du feu (de l’enfer, évidemment). Voilà tout le bonheur des néophytes, ou alors nous étions dans un bon spot, même très haut. Pour une critique approfondie, je vous invite à lire mon estimé collègue Alexandre Vigneault.

Lisez « Metallica brasse le Stade olympique »

Pénétrer dans le stade au son de Walk de Pantera qui faisait la première partie, ça nous est rentré dedans comme une tonne de briques, nous étions déjà conquis avant même de voir Metallica. Simplement de faire la vague et de cogner les bancs en attendant l’arrivée du groupe nous a émus et rappelé des souvenirs. Cette atmosphère de messe noire avec près de 60 000 personnes toutes sombrement habillées et poings en l’air, c’est dur à battre. Ayant déjà vécu un tremblement de terre, la seule malédiction du stade que je redoute, parce qu’il a toujours besoin de travaux, est que le béton nous tombe sur la tête. Ce que j’ai complètement oublié en hurlant du Metallica pendant deux heures, avec l’impression d’être dans un immense vaisseau viking dirigé par James Hetfield, Lars Ulrich, Kirk Hammett et Robert Trujillo, des bêtes de scène expérimentées ayant chacun environ 60 printemps. Je me souviens d’ailleurs que James Hetfield était le seul « pouèle » (avec Slash) que je trouvais de mon goût quand j’étais ado, et il porte encore très bien la camisole de cuir, le bougre. Il fallait remercier les écrans, car d’où on était, les artistes nous apparaissaient comme des fourmis.

En vérité, j’ai compris que j’étais en cruel manque de longs, sales et lourds solos de guitare et de batterie.

C’était difficile de résister à l’envie de faire du « air guitar », mais le gars devant nous faisait du « air drum », donc on ne s’est pas gênés. J’ai tout aimé, du début à la fin, même les pièces que je ne connaissais pas, car j’ai pu chanter à pleins poumons plusieurs de mes préférées : Fade to Black, Nothing Else Matters, Sad but True, Seek & Destroy, Master of Puppets… Deux jours plus tard, non seulement j’ai les tympans abîmés, mais je n’ai plus de voix.

J’ai écrit ce texte avant le deuxième spectacle de dimanche et j’espère que le public a connu la même joie que nous, avec une autre liste de pièces. Metallica a tellement un bon répertoire qu’il peut combler deux foules avec des programmes différents. Imaginez ceux qui se sont tapé les deux spectacles !

« J’ai vraiment compris quelque chose ce soir, m’a dit mon frère en sortant. Veux-tu ben me dire pourquoi je ne suis pas allé voir un show de métal avant ? Toutes ces années de perdues ! »

Un peu plus et il m’annonçait qu’il avait raté sa vocation de métalleux. Je pense qu’on ne manquera plus jamais un show de Metallica, au Stade ou ailleurs.

« Il n’est jamais trop tard pour comprendre, frérot. Et Nothing Else Matteeeeers… »