Ce n’était pas un vrai soir de retrouvailles puisque Metallica est revenu souvent à Montréal depuis le 8 août 1992, soir fatidique où James Hetfield a été atteint par des pièces pyrotechniques et où le concert — écourté — mettant aussi en vedette Guns N' Roses a viré à l’émeute. Cela dit, c’était un retour au Stade olympique pour le célèbre groupe heavy metal. En soi, c’était déjà événementiel.

Or, Metallica a relevé la barre d’un cran en proposant à ses fans un concept alléchant : deux concerts dans chaque ville visitée, avec une liste de chanson complètement différente d’un soir à l’autre. Le premier a eu lieu vendredi. Le second a lieu dimanche. Seule constante entre ces deux spectacles : James Hetfield, Lars Ulrich, Kirk Hammett et Robert Trujillo puiseront dans les profondeurs du catalogue du groupe et mettront en vedette des morceaux tirés de 72 Seasons, leur plus récent disque et leur plus convaincant depuis des lustres.

L’opération n’était pas qu’ambitieuse sur papier. En plus du défi artistique, Metallica se produit ce week-end au cœur du plus imposant dispositif scénique vu à Montréal depuis longtemps. Huit tours gigantesques avaient été érigées sur le parterre du Stade olympique, encerclant une scène centrale, pour soutenir deux bataillons de haut-parleurs : l’un tourné vers le haut, l’autre tourné vers le bas. L’objectif : offrir un son de qualité dans une salle réputée pour son acoustique difficile.

Et puis, il était bon le son ? Non. Il était mauvais ? Non plus.

Il ne faut pas toujours se fier à sa première impression, car en mettant le pied dans l’enceinte du Stade olympique alors que Pantera s’exécutait sur scène, on n’avait qu’une envie : tourner les talons et rentrer à la maison. Il ne s’élevait de la scène qu’un orage de son brouillon outrageusement dominé par la batterie. Ce n’était pas de bon augure pour Metallica. Ni pour le Stade, puisque le doublé de ce week-end est une sorte de test dont l’échec ou la réussite va déterminer si l’endroit sera considéré ou non pour des concerts de grande envergure au cours des prochaines années.

Les attentes n’étaient pas très élevées lorsque, peu avant 21 h, Metallica est entré en scène et a asséné coup sur coup Creeping Death et Harvester Of Sorrow. Ce n’est toutefois pas parce que nos attentes étaient basses qu’on a été agréablement surpris : au deuxième morceau, ce n’était déjà pas si mal. Il y avait un équilibre entre les guitares qui balançaient leurs riffs en béton armé et la puissante section rythmique. C’était déjà mille fois mieux que pendant Pantera.

Soyons franc : le son n’a jamais été assez bien calibré pour qu’on puisse percevoir ce qu’il y a de fin dans la musique tonitruante de Metallica. Disons que c’était bien assez pour un morceau au riff relativement simple comme Sad But True — un moment fort de la soirée —, mais nettement insuffisamment précis pour Leper Messiah ou Master Of Puppets, qui fut tout de même un triomphe en fin de concert. Parce qu’il est impossible de résister à Master Of Puppets.

Et c’est la leçon à tirer de ce spectacle : même dans des conditions qui ne sont pas optimales, Metallica a offert un concert du tonnerre. Même qu’on a songé plus d’une fois durant la soirée que si un groupe pouvait conjurer la malédiction du Stade, c’était bien celui-là.

De la générosité

L’alignement actuel de Metallica existe depuis 20 ans. Ça paraît : ces gars-là ont un plaisir évident à jouer ensemble (on a l’impression que c’est à cause de l’enthousiasme contagieux de Robert Trujillo) et ça se traduit par un jeu énergique et fluide. Ils ne sont pas sur le pilote automatique et se donnent à fond. James Hetfield est plus charismatique que jamais et Lars Ulrich reste d’une vigueur époustouflante à presque 60 ans. Ces gars-là sont généreux et on a envie de croire James Hetfield lorsqu’il dit que Metallica ne prend pas ses fans pour acquis.

Le gigantesque dispositif scénique ne servait pas qu’à tenir des haut-parleurs, bien entendu. Les huit tours étaient toutes coiffées d’un écran circulaire permettant aux spectateurs éloignés — c’est-à-dire à peu près tout le monde — de voir ce qui se passait sur scène. C’était efficace, beau et net. Ça donnait aussi du panache au spectacle, car même en étant installé dans la section la plus basse des gradins du Stade, le chanteur, qui est une armoire à glace de six pieds, était tout petit petit…

Et qu’est-ce qu’on a entendu vendredi ? Qu’est-ce que les spectateurs du concert de dimanche n’entendront pas ? 72 Seasons, If Darkness Had A Son et Shadows Follow, trois morceaux du plus récent disque de Metallica qui s’intègrent plutôt bien au vieux répertoire. En plus des deux titres déjà cités tirés de l’album Master Of Puppets, on a eu la chanson phare du disque Ride the Lightning, c’est-à-dire l’immense Fade to Black et sa « réécriture » des années 2000, The Day That Never Comes, bien servie par une finale musclée.

Du versant pop de Metallica, on a eu Until It Sleeps (quelconque) et Nothing Else Matters. Le groupe a sorti les flammes et les pétards pour Fuel et la fin de concert fut savoureuse pour ceux qui ont commencé à suivre Metallica durant sa phase thrash metal avec Seek & Destroy et Master Of Puppets, deux pièces sorties longtemps avant que le groupe ne devienne un peu les Rolling Stones du métal et osent envoyer des ballons gonflables dans la foule.

Un programme riche, le plus souvent accrocheur, qui avait de la profondeur, mais qui laisse évidemment un peu sur sa faim. Welcome Home (Sanitarium) ce serait sûrement dimanche. Enter Sandman aussi. Et One. Et Whiplash. On ne peut pas tout avoir. Et ce qu’on a eu vendredi, c’était un concert géant qui, avec un son à la hauteur, aurait été tout simplement titanesque.