C’est un sujet de chronique télé difficile à bien vendre, je vous préviens. Ne décrochez pas, même si la série de l’heure, qui récolte des critiques dithyrambiques, suit un ado de 19 ans qui mesure 13 pi, soit plus du double de ses parents.

Oui, c’est étrange, bizarre et décalé. Pas mal plus qu’Eaux turbulentes à Radio-Canada, mettons. Mais ne sautez pas au sudoku tout de suite, car ça vaut la peine de se frotter à I’m a Virgo de la plateforme Amazon Prime Video, qui l’offre en français et en anglais.

Il s’agit de la série la plus originale et la plus déroutante de la saison actuelle. À mi-chemin entre un film de Wes Anderson et un conte sur le fentanyl, I’m a Virgo s’articule autour de Cootie, un adolescent noir de 19 ans aux allures de géant, qui n’a pas été socialisé.

À part la télévision et les bandes dessinées, Cootie, qui fait 4 m, ne connaît rien du monde extérieur, dont il a été protégé de la cruauté. Dans la cour arrière de la maison familiale, à l’abri des regards indiscrets des voisins, ses parents adoptifs lui ont construit une résidence à sa grandeur, où il ne se fracasse plus le crâne sur les cadres de porte.

En banlieue d’Oakland, le gentil Cootie vit reclus (il fait des haltères avec une vieille voiture) et, comme tous les jeunes de son âge, il a soif d’expériences exaltantes. En cachette, il sort de chez lui et découvre la bière, la marijuana, les amis, les burgers, les voitures et les filles, comme dans tout récit initiatique classique, mais pour un colosse de 13 pi.

Sans surprise, chacune des apparitions publiques de Cootie déclenche une frénésie sur les réseaux sociaux. Les effets spéciaux qui montrent Cootie au restaurant, plié en deux, ou dans une discothèque bondée de gens miniatures sont époustouflants.

Même si Cootie est doux, introverti et pacifique, sa stature et sa couleur de peau le rendent menaçant dans le regard des autres. Campé dans un univers surréaliste à la Michel Gondry, I’m a Virgo aborde des thèmes contemporains comme le racisme, le capitalisme et la répression policière (il y a même un justicier volant !) sans que ça ne ressemble à une conférence TED.

Le premier épisode (sur un total de sept) est super déstabilisant, il faut s’habituer a) à sa façon éclatée de raconter une histoire avec, entre autres, des extraits de dessin animé et b) au héros lui-même, pas mal plus imposant que le géant Beaupré, qui ne faisait que 8 pi 3 po. C’est bizarre, oui, mais c’est bon.

Plus on avance dans l’écoute de I’m a Virgo, plus on découvre la richesse de cet univers hyper original, qui évoque également Sweet Tooth de Netflix.

En cette période où les émissions regorgent de médecins névrosés, de policiers dérangés et d’avocats survoltés, I’m a Virgo ne ressemble à rien d’autre, et c’est parfait comme ça.

Terminée, la torture télévisuelle

PHOTO FOURNIE PAR HBO

Abel Tesfaye, alias The Weeknd (Tedros), et Lily-Rose Depp (Joss)

On pensait que The Idol avait touché le fond du troisième sous-sol de la niaiserie. La finale de la minisérie, relayée dimanche soir par Crave et Super Écran, nous a cependant tous fait mentir. C’était encore pire que le plus mauvais de l’exécrable.

Mais, comme plusieurs d’entre vous, il a fallu que je souffre jusqu’à la dernière seconde de The Idol pour haïr cette série jusqu’au bout de l’affreuse queue de rat du gourou huileux Tedros (Abel Tesfaye, alias The Weeknd).

Pour les retardataires, l’alerte au divulgâcheur joue ici comme une chanson éthérée de The Weeknd, pire acteur de sa génération et maître incontesté de la complainte pop geignarde. Ça va ?

Donc, aviez-vous décodé toute la dimension « féministe » de The Idol, que ses créateurs masculins ont enfouie sous d’épaisses couches de scènes similipornos dégradantes ? Pas moi. C’était sûrement trop subtil pour mononcle Hugo, qui n’a rien détecté de woke là-dedans.

Alors, depuis sa première poffe de cigarette, la chanteuse-cheminée Joss (Lily-Rose Depp) a été en contrôle de sa carrière et de sa vie personnelle, oui madame. C’est Joss – et non l’inverse – qui a utilisé le suintant Tedros pour puiser loin en elle la musique la plus inspirée. Du grand n’importe quoi.

En une heure, le visqueux Tedros est passé de gourou agresseur et voleur, démoli par le magazine Vanity Fair, à copain, génie créatif et muse de Joss, à qui elle a déclaré son amour devant 70 000 spectateurs dans un stade de Los Angeles. Euh, pardon ?

Ne cherchez pas de logique, il n’y a que des fausses notes et de la confusion dans The Idol. Et quelle chanteuse pop en 2023 sort trois simples et démarre une tournée mondiale en moins de six semaines ? C’est techniquement impossible.

J’ai aimé détester The Idol jusqu’à la dernière cartouche de vapoteuse de Xander (Troye Sivan). Le scénario des cinq épisodes a renfermé plus de trous que le chandail de Chris Tie Dye à Survivor Québec. Par exemple, pourquoi le personnage de Dan Levy (Schitt’s Creek) a disparu après le premier épisode ?

Pourquoi la fausse accusation de viol portée contre l’ex-petit ami de Joss n’a eu aucune conséquence sur personne ? Et pourquoi me suis-je infligé volontairement cette torture télévisuelle dominicale ?

Parce que je ressemble à Joss, finalement. Je préfère m’infliger moi-même de la douleur plutôt que d’attendre que la souffrance s’abatte sur ma pauvre petite personne. Garder le contrôle, c’est rock’n’roll, pour citer Vilain Pingouin en 1992.