Depuis plus de 30 ans, l’artiste multidisciplinaire Michel Lemieux s’amuse à déjouer la réalité. C’est ce qui est au cœur de l’ensemble de ses créations. Encore une fois, l’infatigable concepteur arrive avec un projet qui sera sans aucun doute l’un des buzz de l’été dans la métropole.

In Situ est un parcours de réalités augmentées conçu pour mettre en lumière 17 institutions culturelles de Montréal.

À l’aide d’un téléphone (ou d’une tablette), vous pourrez voir et entendre (munissez-vous de bons écouteurs) des artistes évoluer sous vos yeux dans différents lieux de la ville tout en continuant de contempler le paysage urbain, le vrai celui-là.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le projet In Situ de Michel Lemieux

En clair, après avoir téléchargé l’application d’In Situ, vous serez en mesure de découvrir par géolocalisation les lieux où vous pourrez regarder 24 performances d’artistes conçues et réalisées par Michel Lemieux.

J’ai vécu l’expérience la semaine dernière en compagnie de Michel Lemieux et de Martin Bundock, directeur de création du projet. Sur l’esplanade de la Place des Arts, alors que des gens marchaient à côté de moi, j’ai eu sous les yeux Rafael Payare et un groupe de musiciens de l’OSM interprétant une œuvre de Mozart.

L’effet est saisissant, car les personnages et les objets sont en 3D. On peut s’en approcher et les contourner avec notre téléphone. On a l’impression qu’ils sont là uniquement pour nous.

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Michel Lemieux et Martin Bundock intégrés dans la réalité virtuelle du projet d’In Situ

« Normalement, pour voir un spectacle, tu dois entrer dans un théâtre, m’a dit Michel Lemieux. Dans ce cas-ci, les artistes sont devant toi, juste pour toi. Il y a un rapport intime. J’aime à dire que c’est un spectacle pour un seul spectateur. »

Ce concept est né d’une discussion entre Martin Laviolette, directeur de Montréal en Histoires, l’organisme qui a produit le projet Cité Mémoire, et Lorraine Pintal, directrice générale du TNM. Ils voulaient trouver une façon de rassembler les grandes institutions culturelles de Montréal.

C’est ainsi qu’on a réuni la Place des Arts, les Ballets Jazz Montréal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, le Cirque Éloize, le Théâtre Duceppe, Les Grands Ballets Canadiens, la Maison Théâtre, le Musée des beaux-arts de Montréal, le musée McCord-Stewart, l’Opéra de Montréal, l’Office national du film du Canada, l’Orchestre symphonique de Montréal, le Centre PHI, le musée Pointe-à-Callière, la Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal, le Théâtre du Nouveau Monde, la TOHU — Cité des arts du cirque et la salle Bourgie.

Chacune des institutions a offert sa collaboration afin que Michel Lemieux puisse créer des numéros originaux qui se fondent au concept et à la technologie utilisée. « Ce ne sont pas des extraits, insiste le concepteur-réalisateur. Ce sont des numéros conçus spécialement pour In Situ. »

Ainsi, le TNM nous fait entendre un fragment de L’avalée des avalés de Réjean Ducharme, le Cirque Éloize nous offre un numéro de cerceau avec une artiste, le Théâtre Duceppe offre quelques minutes de la pièce King Dave d’Alexandre Goyette et Elisapie interprète une chanson sur l’esplanade de la Place des Arts.

« C’est fascinant, car il y a un équilibre et une diversité qui sont apparus naturellement », m’a confié Martin Bundock.

Michel Lemieux et Martin Bundock reconnaissent qu’ils ont dû « se battre avec de nombreuses limites » pour réaliser ce projet qui n’a pas d’égal dans le monde.

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Martin Bundock et Michel Lemieux

Le seul exemple qui me vient en tête est le truc avec les Pokémon. Les gens devaient retrouver des Pokémon dans la ville avec ce type d’approche.

Michel Lemieux

À ce parcours s’ajoute une autre expérience. Elle se joue tous les soirs sur le mur de la Maison symphonique qui donne sur l’esplanade de la Place des Arts. En se positionnant sur une pastille éclairée, une personne peut faire apparaître sa silhouette sur l’immense mur. Un système de vidéo enregistre les mouvements et conserve les images pour des diffusions ultérieures.

« On a fait des tests et déjà 3000 personnes se sont prêtées au jeu », se réjouit Martin Bundock.

Michel Lemieux ne s’en cache pas : il espère que des milliers de gens vont télécharger l’application et parcourir la ville à la recherche de ces instants irréels, mais il souhaite surtout séduire le jeune public. « Et on va le faire avec leur jouet préféré, le téléphone, dit-il. Si ça peut les intéresser à l’art et aux créateurs, tant mieux. Et si ça peut les inciter à entrer plus tard dans un théâtre, on aura atteint notre objectif. »

Il y a en effet dans ce projet un fabuleux métissage entre les arts de la scène et l’univers du numérique. « Oui, c’est hautement technologique, mais il y a de l’émotion. C’était primordial pour moi », ajoute Michel Lemieux.

Au cours de l’été, vous risquez d’apercevoir très souvent des gens qui tiendront leur téléphone au bout d’un bras tout en bougeant autour d’un artiste ou d’une œuvre d’art qui sera invisible à vos yeux. Avant de les traiter de cinglés, dites-vous qu’ils sont en train de vivre une expérience hors du commun, quelque part entre la réalité et l’irréalité.

Le regard que préfère Michel Lemieux !

L’application In Situ est offerte gratuitement dans tous les magasins d’applis iOS ou Android.