Brad Pitt se battait au son de la version japonaise de Holding Out for a Hero, une chanson de 1984 de Bonnie Tyler popularisée par le film Footloose. J’ai pensé à Fiston à mes côtés, en me disant qu’une fois de plus, on regardait un film (Bullet Train) « assez fort pour moi, mais conçu pour lui » (oui, je détourne un slogan publicitaire d’antisudorifique des années 1980).

Je ne compte plus le nombre de films et de séries qui tablent, 40 ans plus tard, sur la nostalgie des années 1980 pour plaire autant aux adolescents et jeunes adultes auxquels ils sont d’emblée destinés qu’à leurs parents qui ont grandi à l’époque des jeans taille haute, des cotons ouatés à capuche et des souliers de basket blancs. Oui, je sais, la mode est une roue qui tourne…

Les années 1980 sont omniprésentes dans la culture populaire des années 2020. Dans le matériel informatique rétro de séries telles Loki et Severance (qui fait une judicieuse utilisation d’Ace of Spades, chanson de 1980 de Motörhead), comme dans les chansons des bandes originales des films et des séries les plus populaires du moment.

On en a beaucoup parlé : Running Up That Hill (A Deal with God), modeste succès de 1985 de Kate Bush, est devenu en mai un phénomène mondial grâce à la série de Netflix Stranger Things, rapportant quelque 2 millions de dollars en droits d’auteur à l’artiste britannique grâce à l’écoute en ligne.

Un mois plus tôt, Sweet Child O’ Mine de Guns N’ Roses (1987) s’est aussi retrouvée au sommet des palmarès — celui des chansons hard rock du magazine Billboard –, grâce à la bande-annonce de Thor : Love and Thunder. Le réalisateur Taika Waititi, qui dit avoir songé à inclure une pièce de Kate Bush dans son film, a puisé abondamment dans l’esthétique des années 1980. Il a choisi une police de caractères typique des groupes métal de l’époque pour l’affiche de Thor : Love and Thunder, ainsi que trois chansons de GN’R et une pièce d’Enya, la diva du new age celtique.

Quand j’ai appris que Master of Puppets, morceau de thrash metal de Metallica de presque neuf minutes, qui date de 1986, dominait en juillet le palmarès des chansons rock d’iTunes, je n’en revenais pas.

Si on m’avait dit ça pendant mon adolescence — alors que je contraignais mes parents à écouter Ride the Lightning dans l’auto vers nos destinations de vacances entre un album de Brel et un autre des Beatles —, je ne l’aurais pas cru. Je peine à le croire aujourd’hui.

C’est pourtant logique. Les jeunes admirateurs de séries et films populaires tendent à embrasser tout ce qui se rattache à cette décennie (de la pop new wave au thrash metal, qu’importe, semble-t-il). Et comme la nostalgie est une drogue dure, pour les plus vieux, réentendre par hasard dans un film ou une série télé contemporains un refrain ou un riff de guitare de leur adolescence s’apparente à une forte dose d’endorphines.

Ce que provoque accessoirement ce mariage de récits d’aujourd’hui et de musiques d’hier, c’est une communion intergénérationnelle. J’ai eu autant de plaisir que Fiston à découvrir le flegmatique Brad Pitt dans Bullet Train, même si j’ai souri à certaines références à la culture populaire (celles que « les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître ») qui lui ont échappé, et vice versa.

On déteint forcément l’un sur l’autre. Sans lui, je ne comprendrais pas toutes les subtilités des intrigues des plus récents films de Marvel. Sans moi… ben sans moi, il ne serait pas là !

Je reconnais en lui une part de moi. Et pas seulement parce qu’il a la même coupe de cheveux que Chris Cornell, le regretté chanteur de Soundgarden, avait en 1989. Il s’est mis à écouter des chansons de Nirvana, le groupe de mes 18 ans, après avoir entendu en mars une reprise de Something in the Way dans le film The Batman, que nous avons aussi vu ensemble au cinéma.

Je suis tombé par hasard récemment sur une de ses listes d’écoute de chansons, y reconnaissant quelques-uns de mes artistes préférés : de Bowie à Arcade Fire en passant par The Velvet Underground et Radiohead. Il y avait Eye of the Tiger, chanson de 1982 du groupe Survivor — sans aucun doute parce que nous avons regardé ensemble la série des films de Rocky —, et une reprise de Mad World, chanson de 1983 de Tears for Fears, qu’il a entendue à la fin de Donnie Darko.

Ce phénomène n’est pas nouveau. Je pense à toutes les chansons que j’ai connues grâce aux films de Quentin Tarantino. Aujourd’hui, l’accessibilité quasi illimitée à la musique, par des abonnements à des services numériques qui coûtent l’équivalent d’une cassette des Pixies en 1988, fait en sorte que la découverte de vieilles chansons est beaucoup plus facile.

Il reste à espérer que pour sa prochaine et ultime saison, Stranger Things ne décidera pas de populariser de nouveau We Built This City de Starship ou The Lady in Red de Chris de Burgh. Je vous demande pardon d’avance pour ces terribles vers d’oreille.