Tous les ans, l’International Symposium on Electronic Art rassemble des milliers de gens venus de dizaines de pays. C’est un rendez-vous incontournable pour les adeptes et les créateurs d’art numérique. Cette année, il a lieu à Barcelone. Et l’évènement phare de cette 27e édition sera la projection de l’un des tableaux de Cité Mémoire, des artistes Michel Lemieux et Victor Pilon, produit par H2Emotion. Bref, le talent et l’expertise de Montréal seront mis en valeur tous les soirs, du 14 au 16 juin, dans cette fabuleuse ville.

Le tableau choisi est celui qui est normalement projeté sur l’immense mur du palais de justice de Montréal. D’une durée de 35 minutes, il évoque la présence amérindienne, le régime français, la Conquête britannique pour se conclure sur le Montréal contemporain.

À Barcelone, il sera projeté sur la façade de l’hôpital Sant Pau de la Recinte Modernista, un magnifique bâtiment du début du XXe siècle inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, et situé non loin de la Sagrada Família. C’est l’un des endroits les plus visités de la capitale de la Catalogne.

Avant qu’il ne s’envole pour l’Espagne en compagnie de Michel Lemieux (des tests ont été faits durant le week-end), j’ai tenu à rencontrer Martin Laviolette, l’homme qui est dans l’ombre de Cité Mémoire. Avec ses 200 projecteurs, ce projet bien de chez nous constitue le plus long parcours de vidéoprojection au monde.

Issu du milieu communautaire, Martin Laviolette est un Montréalais pur jus. Originaire de Montréal-Nord, il fut l’un des premiers travailleurs de rue à se joindre à l’organisme Rue Action Prévention Jeunesse. Cet hyperactif (il a déjà été joueur de hockey junior en Europe) a ensuite fondé, en 1997, le FestiBlues, dont il a tenu les rênes pendant 19 ans.

Je me considère comme un faiseux de projets. Quand on me confie quelque chose, j’aime le mener à terme.

Martin Laviolette, producteur de Cité Mémoire

Alors qu’il est employé à la Ville de Montréal comme conseiller en développement social dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, on lui parle d’un projet de « festival sur l’histoire ». Nous sommes en 2006. Il prend la balle au bond.

« J’ai longuement réfléchi à ce que cela pourrait devenir et je suis arrivé à cette phrase : “Un évènement historique dans un corpus contemporain.” C’était flou, mais j’avais une direction. »

Muni de cette phrase, il invite un soir Michel Lemieux et Victor Pilon au Steak Frites de la rue Saint-Denis. « Au cours du repas, quelqu’un a dit : “Les murs nous parlent”, se souvient Martin Laviolette. Il y a eu un déclic. Moi, j’aime déclencher l’étincelle et voir ensuite les choses éclater. Mon plaisir est de laisser rêver les artistes. »

L’art technologique ayant peu de secrets pour Lemieux et Pilon, le projet prend la forme de tableaux lyriques projetés sur des murs aveugles ou sur le sol qui racontent des pans de notre histoire.

Une fois le concept établi, le dramaturge Michel Marc Bouchard est recruté. L’équipe se met au travail. L’OBNL H2Emotion est créé. En 2016, un an avant le 375e anniversaire de Montréal, 19 tableaux sont dévoilés dans le Vieux-Montréal. Aujourd’hui, on en retrouve 28.

Pas moins de 28 millions de dollars ont été injectés à ce jour dans ce projet qui suscite l’intérêt de plusieurs villes du monde. « Seulement 12 à 18 % de l’argent que l’on reçoit provient de subventions, dit Martin Laviolette. On ne peut pas dire que nous sommes des gobeux d’argent public. »

Martin Laviolette jongle avec plusieurs projets. Il a récemment dévoilé une projection interactive au sol dans l’arrondissement de Pointe-aux-Trembles. Ce tableau, présenté à la place du Village-de-la-Pointe-aux-Trembles, est le premier à être présenté dans l’est de Montréal.

PHOTO VICTOR D. LAMICH, FOURNIE PAR H2EMOTION

H2Emotion a récemment dévoilé une projection interactive au sol dans l’arrondissement de Pointe-aux-Trembles.

Des parcours de cinq tableaux seront bientôt créés dans d’autres villes du Québec. Les détails seront dévoilés sous peu. Par ailleurs, un fascinant projet de réalité augmentée appelé INSITU, œuvre de Michel Lemieux, sera offert au public et aux touristes à compter du mois d’août.

Pour l’avoir expérimenté en primeur avec son créateur, je peux vous dire que le résultat est absolument renversant.

Et puis, il y a ce projet appelé Espace Saint-Denis qui est en développement. Il occupera un espace de 3500 pieds carrés dans l’édifice du Cinéma du Quartier latin. On retrouvera huit salles thématiques portant sur Montréal et qui combineront l’intelligence artificielle, le métavers et des projections.

« J’avoue, je suis ambitieux, dit Martin Laviolette. Je suis aussi tenace. Mais dans tout cela, je laisse beaucoup de place au plaisir. C’est fondamental pour moi. »

J’ai quitté Martin Laviolette en me disant que nous avons beaucoup de créateurs talentueux au Québec, mais qu’il faut plus de « faiseux de projets » comme lui. Les artistes ont besoin d’eux. Et nous aussi.