Le premier épisode du Temps des framboises du Club illico nous donne la fausse impression de labourer un champ dans 5e Rang, mais avec deux fois plus de budget et de musique anglophone.

Comme Marie-Luce Goulet (Maude Guérin) à Valmont, l’héroïne (Sandrine Bisson) du Temps des framboises porte ses cheveux courts et bruns, elle devient subitement veuve, elle hérite d’une exploitation maraîchère de Hemmingford qui sollicite des travailleurs étrangers, elle subit les foudres d’une belle-mère malcommode (Micheline Lanctôt) et quatre sœurs aux humeurs variables lui compliquent la vie sur la ferme.

Je veux dire, ça commence à faire beaucoup de coïncidences. Heureusement, à partir du deuxième épisode, la beauté et la singularité du Temps des framboises sortent de terre. Cette émission inclassable trace son propre sillon original et se détache de 5e Rang, qui creuse dans la criminalité agricole depuis quelques saisons déjà.

Et oui, c’est très bon, Le temps des framboises, notamment grâce à la réalisation inspirée de Philippe Falardeau (Monsieur Lazhar), qui magnifie les intrigues des brillantes auteures Florence Longpré et Suzie Bouchard. C’est du cinéma au petit écran avec une délicieuse trame sonore. C’est plus accessible qu’Audrey est revenue, une autre excellente œuvre de Florence Longpré, dont la plume unique brise le moule conventionnel de la télé québécoise.

C’est difficile de décrire Le temps des framboises avec justesse et précision. Il y a des touches d’humour absurde entrelacées de moments poignants. C’est doux et dur, drôle et grinçant, tragique et comique. C’est une histoire finement tricotée de deuil, d’exils et d’incapacité à communiquer.

Déclinée en dix épisodes d’une heure, la série tourne autour de l’agriculteur John Conley (Anthony Lemke) et de sa femme Élisabeth (Sandrine Bisson), une fonctionnaire municipale déracinée à la campagne. Le bon John exploite la ferme familiale avec sa maman Martha (Micheline Lanctôt) ainsi que ses cinq frères et sœurs bilingues. Élisabeth se sacre des récoltes et est incapable de distinguer Emilio de Francisco ou de Santiago, qui habitent pourtant à deux pas de sa maison.

On sent parfaitement le profond malaise dans les premiers épisodes : les employés hispanophones – parfois illettrés – ne se mélangent pas aux autres et vivent, une fois de plus, en retrait de la société. Un mur invisible, similaire à celui érigé entre le Mexique et les États-Unis, les sépare.

Après la mort inattendue de John, qui révèlera, bien sûr, plusieurs surprises, tout bascule pour Élisabeth. Elle hérite de la ferme et de la belle-famille mesquine. Bref, l’équivalent du pire scénario pour elle.

De plus, Élisabeth s’éloigne de son ado Junior (Elijah Patrice-Baudelot), un sportif qui refoule énormément de colère. Et elle ramasse à la petite cuiller son plus jeune William (Xavier Chalifoux), qui est sourd.

PHOTO TIRÉE DU SITE IMDB

Sandrine Bisson est la vedette de la série Le temps des framboises.

Sandrine Bisson, qui apparaît dans presque toutes les scènes du Temps des framboises, crève l’écran. Son personnage de femme brisée se reconstruit, morceau par morceau, sous nos yeux.

Au fil des épisodes, Élisabeth trouve du réconfort là où elle s’y attend le moins : chez les exclus, soit les agriculteurs saisonniers de sa ferme, dont elle se souciait si peu avant la mort de son mari John.

Le temps des framboises fouille aussi dans les non-dits qui ont façonné la famille Conley, éparpillée entre l’anglais, le français, l’espagnol et la langue des signes. À coups de petits retours en arrière, le réalisateur Philippe Falardeau remonte l’historique de la relation tumultueuse entre John et Élisabeth, qui cachait un côté ni givré ni sucré. Pas de divulgâcheur ici.

Comme Audrey est revenue ou M’entends-tu ?, Le temps des framboises de Florence Longpré et Suzie Bouchard s’attaque à des enjeux locaux pour ouvrir sur des thématiques universelles. C’est le type de série « étrangère » qui connaîtrait une belle carrière sur Netflix si jamais elle sortait du Club illico de Vidéotron.

On y montre le Québec, ses terres agricoles et ses problèmes de main-d’œuvre spécialisée, mais aussi des personnages à la dérive, pris dans un chaos, qui peinent à se connecter les uns aux autres. Ça crie, ça pleure et ça rit dans Le temps des framboises. Et c’est rempli de saveur comme une framboise du Québec gorgée d’eau et de soleil.

La saison des récoltes

La saison printanière s’est officiellement installée à la télé québécoise avec le retour des Chefs !, de Bonsoir bonsoir ! et de L’île de l’amour à TVA. La téléréalité culinaire de Radio-Canada a rallié 738 000 épicuriens de salon, une petite coche sous la quotidienne de Star Académie à TVA (824 000). Le talk-show estival Bonsoir bonsoir ! a décollé avec 591 000 téléphiles à bord et le début de la deuxième saison de La Maison-Bleue à Radio-Canada a intéressé 620 000 personnes.

Sur les ondes de TVA, les aventures des célibataires insulaires de L’île de l’amour ont diverti 370 000 amateurs de téléréalité Cupidon (et de gags de Mehdi Bousaidan). Sans surprise, au début de sa semaine d’adieu, District 31 (1 460 000) est demeuré au sommet du palmarès des émissions les plus populaires.

En raison du congé pascal, toutes les productions du dimanche soir ont baissé dans les sondages d’écoute. L’avant-dernier gala de Star Académie a été regardé par 1 307 000 fans, tandis que 756 000 fidèles ont communié avec Guy A. Lepage à Tout le monde en parle, où l’eau s’est changée en vin blanc.