Fini le limoncello à l’apéro, fini les tests de paternité des membres du clan Blanchette-Romero et fini Ronanémone ou Anérone ou même Manonémilien.

Aussi, fini les jumelles enceintes ou séropositives à Marie-Labrecque, fini le battement des portes dans le bureau de Tina (Hélène Bourgeois Leclerc) et fini la Communauto électrique de Christophe (Roy Dupuis).

Deux téléromans phares de Radio-Canada s’éteindront pour de bon lundi et mardi, soit Une autre histoire et Toute la vie. Les deux feuilletons ont été débranchés par leurs auteures respectives, Chantal Cadieux et Danielle Trottier.

J’ai pleuré pendant les 42 minutes du dernier épisode d’Une autre histoire. Seigneur, Jésus, Marie, Joseph que c’est émouvant et poignant, doux et dur, triste et lumineux.

Les larmes ont coulé encore plus fort au son des premières notes de The Great Escape de Patrick Watson (ouf !) et n’ont pas cessé jusqu’au générique final, bercé par la chanson (de circonstance) Les anémones, interprétée par Catherine Major et… Marina Orsini.

Bonsoir les yeux bouffis, ici. Ce n’est pas un divulgâcheur que de parler de l’aide médicale à mourir qu’Anémone Leduc/Manon Bouchard (Marina Orsini), 57 ans, a demandée au dernier épisode. C’est dans cette direction que se dirige la finale d’Une autre histoire, qui s’éteint après quatre saisons à l’antenne de Radio-Canada.

La façon dont la scénariste Chantal Cadieux aborde ce sujet délicat n’est pas racoleuse. C’est même très réaliste et hyper simple : Anémone, dont l’alzheimer progresse rapidement, souhaite partir paisiblement entourée des siens. Ses enfants le savent, ses amis aussi. Et c’est exactement ce qu’ils lui offrent, dans un cocon d’intimité à vous fendre le cœur.

Il y a aussi le cas de Sébastien (Benoît McGinnis), encore plus atteint par la maladie que sa maman. La scène qui scellera le destin de Sébastien est d’une douceur et d’une finesse à assécher votre réservoir de larmes. Je ne blague pas. Cet épisode d’Une autre histoire est celui qui m’a le plus bouleversé, toutes séries confondues, dans les dernières années. Soyez-en averti.

Si vous avez vu les 83 heures d’Une autre histoire (allô !), vous savez qu’il reste un tas de ficelles à attacher. Grâce à plusieurs petits sauts dans le temps, vous saurez ce qu’il adviendra de Ron (Vincent Graton) et Patricia (Marie Turgeon), Émilien (Patrice Godin) et Maryse (Marie-Laurence Moreau) et vous entreverrez l’avenir de Karla (Marilou Morin), Olivia (Laurence Barrette), Simon (Mikhaïl Ahooja) et Jean-Olivier (Adam Kosh). Chantal Cadieux nous offre un dernier épisode plus que satisfaisant.

Oui, Une autre histoire s’est égaré quelques fois dans les enquêtes du ténébreux croque-mort Vincent (Sébastien Ricard) et les empoisonnements en série de la mante religieuse de Belleville (Nathalie Coupal). Faut s’amuser et assumer son amour des soaps, je n’ai rien contre ça. Sur une note plus sérieuse, Chantal Cadieux a beaucoup fait pour la représentation des personnages LGBTQ+ dans son téléroman.

Je pense à Suzon (Stéphane Jacques) et à Lucie (Pascale Desrochers), dont la relation a été explorée avec une belle sensibilité. Je pense également au triangle complexe formé par Sébastien (Benoît McGinnis), Érik (Philippe Thibault-Denis) et Steeve (Francis Ducharme), qui ont traversé des épreuves comme tout autre couple, sans que leur orientation sexuelle ne devienne l’enjeu principal. Chantal Cadieux a raconté leurs vies, tout simplement.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Hélène Bourgeois Leclerc et Roy Depuis dans Toute la vie

Du côté de Toute la vie, la finale est touchante et remplie d’humanité. La fête orchestrée pour le départ de Christophe (Roy Dupuis) réserve plusieurs jolies surprises aux fans du téléroman de Danielle Trottier, qui ont vu, comme moi, les 72 épisodes d’une heure.

Et Roy Dupuis offre une performance digne d’un prix Gémeaux. Tout comme Hélène Bourgeois Leclerc, tout en nuances et en retenue.

Les collègues de Christophe à l’école Marie-Labrecque ne savent pas quelle nouvelle mission sociale appelle le psychoéducateur. Nous, oui. Le personnage de Christophe L’Allier traverse dans la série dérivée de Toute la vie qui s’appellera À cœur battant et qui démarrera en janvier 2023 sur les ondes de Radio-Canada. Christophe y travaillera comme intervenant au Centre de prévention de la violence.

Et comme les histoires des pensionnaires ont pratiquement toutes été bouclées la semaine dernière, la scénariste Danielle Trottier a braqué les projecteurs sur Christophe et ses relations familiales tordues, dont celle avec sa mère inadéquate, Édith (Micheline Lanctôt). Christophe pardonnera-t-il à Édith après lui avoir déjà dit « t’es vraiment la pire femme que j’ai rencontrée de ma vie » et « je ne suis plus le fils de personne » ?

Cet épisode final de Toute la vie, qui valse entre la nostalgie et la rédemption, fouille abondamment dans le passé glauque de la famille L’Allier. J’ai adoré la progression du personnage de Patrick L’Allier (Jean-Nicolas Verreault), un solide trou de cul qui a atteint le fond du baril pour ensuite remonter. Leur sœur Julie L’Allier (Larissa Corriveau), qui s’est suicidée en prison, a été au cœur des scènes les plus fortes de la série. Et oui, vous obtiendrez des nouvelles des jumelles séropositives Élodie et Mélodie.

La première année de Toute la vie a été plus tranquille, mais depuis deux ans, c’est un incontournable du mardi soir. En fait, les adieux de Toute la vie ressemblent plus à un au revoir. Car Christophe L’Allier nous reviendra en janvier avec une nouvelle cause à porter et un autre sac de cycliste à enfiler.