Après quelques minutes d’un épisode de Barbada, une nouvelle série jeunesse mettant en vedette la drag queen Barbada, la chose m’a sauté aux yeux ! Avec sa perruque mauve exubérante, sa robe à froufrou et ses longs faux cils, ce personnage, c’est finalement Dame Plume de La Ribouldingue !

Barbada est un personnage qu’a créé Sébastien Potvin il y a 17 ans. Originaire de Beauport, le jeune homme n’a jamais connu son père qui est d’origine barbadienne, de là ce nom. Entre deux engagements dans des cabarets, des évènements d’entreprise ou des mariages (oui, oui, il a animé plus de 30 mariages à ce jour), il offre des cours de musique aux élèves du primaire.

Il y a quelques années, il a eu l’idée de créer L’heure du conte avec Barbada, un concept qu’il présente déjà aux enfants dans des bibliothèques. Alors qu’il racontait une histoire à des bouts de chou à BAnQ, le comédien et producteur Marc-André Grondin a aperçu cette Fanfreluche nouveau genre.

Peu de temps après, il m’a proposé de créer un projet de télévision destiné aux enfants avec ce personnage. Je dois dire qu’il a fait preuve de beaucoup d’audace.

Sébastien Potvin

De fil en aiguille, le concept a pris la forme d’une série de dix courtes émissions dans lesquelles Barbada reçoit des invités et aborde des sujets reliés au monde de la musique. La visite de Klô Pelgag est l’occasion de parler du pouvoir de la musique et celle de Guylaine Tanguay, d’offrir une leçon de yodel aux enfants. Barbada accueille également Normand Brathwaite, Ariane Moffatt, Les Louanges et bien d’autres.

Regardez la bande-annonce de la série

Le décor est aussi kitsch que fantasmagorique. Barbada est entourée de quelques personnages comme Jérémy, Fred et Yodel. Sans adopter une diction pointue infantilisante, Sébastien Potvin s’exprime dans un langage clair et simple. J’ai regardé quelques épisodes : que du beau et gros plaisir !

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sébastien Potvin, alias Barbada

Sébastien Potvin m’a reçu chez lui, dans une pièce de son appartement qui a été transformée en loge. Des dizaines de costumes, de perruques et d’accessoires couvrent les quatre murs. Quand je suis arrivé, il était déjà habillé et maquillé en Barbada. « Comme on est là pour parler de mon personnage, j’ai préféré ne pas me montrer en Sébastien. »

La discussion a immédiatement porté sur la fameuse question : est-ce que les enfants sont prêts à accueillir une drag queen ? Et la sous-question : est-ce que les parents le sont aussi ?

Les enfants sont prêts, il n’y a aucun doute. On a tendance à l’oublier, mais l’enfant, ce qu’il veut dans la vie, c’est s’amuser et avoir du plaisir. L’enfance n’est faite que de ça.

Sébastien Potvin

« Les enfants ne voient que le costume coloré, ils ne se préoccupent pas du fait que j’ai du poil sur les jambes. Parfois, les plus vieux se demandent pourquoi j’ai une voix grave, mais ça s’arrête là. »

Quand il présente L’heure du conte, Sébastien Potvin prend quelques minutes pour expliquer ce qu’est une drag queen. « Quand ils me disent que c’est un homme qui s’habille en femme, je corrige le tir. J’explique que si j’avais voulu m’habiller en femme, je n’aurais pas mis une grosse perruque rose. Je leur parle de mes costumes qui ne sont pas des déguisements, je leur demande s’ils aiment l’Halloween, évidemment tout le monde lève la main. Au bout de trois minutes, tout le monde a compris et on plonge dans le conte. »

Les enfants n’ont évidemment pas de références avec les drag queens qui travaillent dans les bars. Ils n’entendent pas les blagues cochonnes et les « calembours mouillés d’acide » (comme dit Aznavour) qu’ils s’échangent sur scène. « Certains adultes font cet amalgame : drag-bar-vulgaire… vulgaire-drag-enfant… À cela je réponds qu’il y a des parents qui permettent que leur enfant s’habille en Batman, mais qui refusent qu’il regarde les films avec ce héros parce qu’ils sont trop violents. C’est la même chose avec les drag queens. On peut vivre dans des univers différents. »

De plus en plus de drags s’immiscent dans l’univers des enfants. L’idée du conte a fait son apparition aux États-Unis avec The Drag Queen Story Hour. Il y a quelques années, le public québécois a découvert les personnages de Samantha Oups où deux comédiens, portant des vêtements féminins, personnifiaient Samantha et Chantal, deux filles rigolotes, fans de Jean-Luc Delarue.

Mais avec ces capsules offertes sur Tou.tv, on peut dire que Barbada réalise une première au Québec.

Sébastien Potvin ne possède pas de formation en théâtre, mais il considère que son expérience comme drag queen est une formidable école.

Ça englobe le jeu, le chant, l’improvisation et la danse. Même si ça ne se passe pas comme au théâtre, il reste qu’on crée et qu’on joue un personnage.

Sébastien Potvin

Avant de quitter Sébastien Potvin, je lui ai demandé s’il avait songé à l’effet que ce personnage pourrait avoir dans sa vie si jamais il devenait très populaire auprès des enfants. Est-ce que cela emprisonnerait Barbada ?

« Oh, mon dieu, je n’ai pas pensé à cela une seconde. Mais maintenant que vous me le dites, j’ai des sueurs froides. Si je suis pour devenir la drag queen des enfants, je vivrai avec ça. »

Barbada, dès le 29 mars sur Tou.tv