Pour une jeune femme, ne pas vouloir d’enfants, le dire haut et fort et passer à l’étape de la stérilisation médicale, c’est un énorme tabou. Bonjour les regards remplis de jugement, trois fois plutôt qu’une.

Juste le mot qui décrit une femme n’ayant jamais accouché est affreusement laid : nullipare. Dans la troisième et ultime saison de l’excellente et pertinente série Fourchette, offerte mercredi sur le volet gratuit de Tou.TV, l’auteure et comédienne Sarah-Maude Beauchesne attaque ce sujet délicat de front, sans faux-fuyant.

Le personnage qu’elle interprète, soit l’écrivaine Sarah Milot, une version romancée d’elle-même, subit une ligature tubaire. À 30 ans. Une décision mûrie et assumée.

« Je ne veux pas d’enfants. Mon corps est épuisé. Il a envie de se sentir en sécurité, d’arrêter de se battre contre la nature, d’être libre de servir à autre chose, à toutes les autres choses. Je ne veux pas d’enfants parce que je ne veux pas d’enfants. C’est comme ça. Je suis comme ça. Pis je ne changerai pas d’idée quand je vais retomber en amour », explique Sarah Milot, couchée sur la table d’opération.

Voilà l’essence de Fourchette, une série moderne à la Fleabag qui s’adresse à une génération que la télé traditionnelle boude : les vingtenaires et les jeunes trentenaires. C’est à la fois drôle et poignant, triste et rempli d’espoir, attendrissant et confrontant.

Et ça s’enfile comme un shooter. Sarah-Maude Beauchesne compresse ses histoires dans huit courts épisodes de 12 minutes, bercés par la musique de Daniel Bélanger et de Marie-Jo Thério. On en prendrait volontiers des versions allongées en demi-heures.

Fourchette, c’est le surnom de Sarah Milot, l’alter ego de Sarah-Maude Beauchesne, une jeune professionnelle élancée et piquante comme l’ustensile de cuisine. Sarah a traversé une relation aussi passionnée que toxique avec le barman Sam (Guillaume Laurin). Elle a fréquenté l’homme marié Noah (Jean-Moïse Martin) et explore maintenant le large spectre de sa sexualité dans ce troisième chapitre.

Sam lui joue encore dans la tête. Mais en parallèle, Sarah croise le regard de la maquilleuse Claire (Camille Léonard) dans la loge du talk-show estival Soleil, nuage, où elle dépouille un courrier du cœur. Et son petit cœur s’emballe.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Camille Léonard (Claire) et Sarah-Maude Beauchesne (Sarah Milot) dans Fourchette 3

Au fil des épisodes de Fourchette, Sarah-Maude lève le voile sur des discussions qui résonnent plus souvent dans des soupers d’amis qu’à la télévision généraliste. La pharmacienne qui juge une cliente qui a pris trois fois la pilule du lendemain dans la même année, les hommes qui demandent rarement aux femmes ce qui leur plaît au lit ou les critères de beauté d’une vulve, notre milléniale préférée s’exprime toujours sans filtre. L’incident du mamelon visible sur le plateau de Soleil, nuage est aussi super rigolo.

Le grand thème de Fourchette 3 demeure la maternité ou plutôt la non-maternité volontaire. La ligature des trompes de Sarah la plongera dans une crise existentielle.

Se complique-t-elle la vie afin de générer du matériel pour ses prochains livres ? Doit-on absolument porter un enfant pour s’accomplir en tant que femme ? Ces doutes intenses nécessiteront plusieurs verres de rouge léger, l’alcool fétiche de cette héroïne complexe et décomplexée.

Selon la scénariste Sarah-Maude Beauchesne, il existe peu de documentation sur les ligatures tubaires pratiquées sur des patientes de 30 ans. Pour l’obtenir, il faut convaincre un médecin que ce choix est définitif et réfléchi, et peu de femmes en parlent publiquement, note Sarah-Maude Beauchesne.

Tu es tellement jeune, tu vas changer d’idée, tu vas le regretter, ne fais pas ça sur un coup de tête, tu vas tout comprendre le jour où tu vas prendre ton bébé pour la première fois. C’est ce qu’entendent celles qui posent des questions à propos de cette intervention chirurgicale irréversible.

Sur une note plus légère, comme un vin nature pas trop trouble, l’esthétisme dans Fourchette est magnifique. C’est Mélodie Wronski, qui travaille avec Jay Du Temple sur Occupation double, qui habille les personnages. Et la réalisatrice Catherine Therrien (Virage, Une révision) a l’œil aiguisé pour les beaux meubles, les draps doux et les chansons parfaites qui enjolivent chacune des scènes.

Domination de TVA

Chanteurs masqués et Révolution génèrent énormément de trafic télévisuel à TVA, qui domine encore une fois la bataille des cotes d’écoute du dimanche. La compétition musicale des mascottes a été vue par 1 556 000 personnes et le tournoi de danse a été suivi par 1 290 000 amateurs.

Tout de suite après, la première de JMP a profité de l’effet d’entraînement avec 843 000 fans de l’humoriste devant leur poste. Le TVA 18 h (936 000) a frôlé le million.

À Radio-Canada, Tout le monde en parle, regardé par 847 000 téléspectateurs, a pratiquement décroché le même pointage que Jean-Marc Parent. La soirée d’élimination d’Occupation double (562 000) a mieux fait que le match du Canadien (425 000), let’s go !