Texto inquiet, reçu d’un estimé collègue et ami, mercredi matin : « Coudonc, sont tu en train de fermer District 31 » ?

Même panique dans la voix de mon père, au bout du fil : « Pour vrai, s’ils se débarrassent du commandant Chiasson, c’est certain que je décroche. »

Les fans du feuilleton policier de Radio-Canada vivent dans l’anxiété constante depuis l’assassinat de Stéphane « Poupou » Pouliot (Sébastien Delorme) et l’annonce d’électrochocs violents à venir dans les intrigues par la productrice Fabienne Larouche. Aucun personnage — même les pivots — ne semble à l’abri d’aller rejoindre Gabrielle Simard (Geneviève Brouillette) à son guichet automatique de la Barbade.

Chers accros à District 31, et je m’inclus dans le lot, ne paniquez pas. Luc Dionne n’orchestre pas la démission de Daniel Chiasson (Gildor Roy), même si notre commandant préféré en arrache présentement. Aussi, le sergent-détective Bruno Gagné (Michel Charette) retournera à son bureau dans la deuxième semaine de janvier après sa cure de désintox.

Ne stressez pas non plus avec les plans de démantèlement du 31 imaginés par le chef Carl St-Denis (Hugo Dubé), qui ne se concrétiseront pas de sitôt.

Pour résumer vite, vite : District 31 ne prépare pas sa sortie définitive de nos écrans. C’est trop payant comme émission. Payant pour Radio-Canada, pour les acteurs, pour les producteurs, pour l’auteur et pour nous, apôtres du kratom et des distributeurs Pez.

Les craintes des téléspectateurs à propos de l’avenir du commandant Chiasson font bien rigoler le scénariste Luc Dionne. « Mon métier, c’est de créer des réactions. Je fais exprès pour provoquer des choses. Quand je m’attaque à des personnages que les fans aiment, ils menacent de s’en aller, ils me disent depuis six ans : “je ne vous regarderai plus, c’est fini, j’abandonne”. Mais ça provoque l’effet contraire et les gens reviennent le lendemain. Pour Daniel Chiasson, ce qui m’intéresse, c’est de montrer comment il va s’en sortir », explique Luc Dionne, un sourire dans la voix.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Luc Dionne, scénariste de la série District 31

La colonne vertébrale de District 31, c’est Daniel Chiasson. C’est ce flic costaud — et non syndiqué — qui soude l’équipe et qui sert de père de remplacement à bien des policiers. Jamais Luc Dionne n’écartera un acteur aussi doué du générique.

Le commandant Chiasson en découd avec le patrouilleur zélé Hugo Simard (Alex Godbout), le petit cousin de Gabrielle, qui le traîne en déontologie. Et la pugnace Mélissa Corbeil (Brigitte Paquette) n’en rate pas une pour essayer de crucifier son ennemi juré.

« Dans la vraie vie, le Bureau des enquêtes indépendantes [BEI] fonctionne vraiment comme ça. Ils ne lâchent jamais le morceau », précise Luc Dionne.

Parlons du pauvre Bruno Gagné, maintenant. Au départ, le sergent-détective Gagné devait quitter (temporairement) le populaire téléroman dans la même semaine où Poupou tombait sous les balles. Raison : l’acteur Michel Charette entamait les tournages de la comédie Le bonheur de François Avard pour le réseau TVA.

Mais la production du Bonheur, également chapeautée par Fabienne Larouche, a été décalée et Michel Charette a pu rester quelques semaines supplémentaires au 31, d’où la longue descente aux enfers de Bruno Gagné dans la dépression, la boisson et les pilules. « Nous avons donc gardé Bruno un peu plus longtemps que ce qui était prévu initialement », précise Luc Dionne.

La question à 1000 piasses : pourquoi la lieutenante Mélanie Charron (Ève Landry) ou le commandant Chiasson n’ont-ils pas suspendu Bruno Gagné plus rapidement, alors qu’il empestait l’alcool ? Parce qu’il n’a pas commis de faute grave, répond Luc Dionne. « Bruno allait boire dans les toilettes ou dans son auto. Personne ne l’a vu faire. Un patron ne peut pas congédier un syndiqué sur des soupçons », poursuit le prolifique scénariste de District 31.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

La nouvelle lieutenante du 31, Mélanie Charron (Ève Landry)

À propos de l’autoritaire Mélanie Charron, qui a succédé à Gabrielle Simard dans le bureau à double porte, il fallait qu’elle soit très différente de sa prédécesseure. « Mélanie fait le ménage, elle va finir par tomber dans la gang comme les autres. L’air bête lui va bien ! Les contrastes sont toujours payants dans District 31, », rappelle Luc Dionne.

Et est-ce que Mélanie Charron aime les femmes, comme le supposent plusieurs téléspectateurs ? L’auteur Luc Dionne ne s’aventurera pas, pour l’instant, dans la vie personnelle de sa nouvelle recrue.

« Je ne pense pas que ça soit important. J’aurais l’impression de reculer 50 ans en arrière en parlant de l’orientation sexuelle de Mélanie. Si jamais cette information devait sortir, ça se ferait d’une façon très banale. Du genre : ma blonde et moi sommes allées dans un chalet ce week-end. Je pourrais aussi aborder ce sujet par Manu [Sébastien Huberdeau]. Mais je ne ressens pas le besoin de dévoiler des orientations sexuelles. Dans District 31, je suis pas mal plus préoccupé par la pédophilie et la violence », confie Luc Dionne dans une longue entrevue avec La Presse.

Avis aux détectives de salon : Luc Dionne émaille toujours ses épisodes d’indices subtils sur les intrigues à venir. Ouvrez l’œil… et le bon !

« C’est vrai, je plante plein de petites affaires. Les téléspectateurs ont oublié le gars brûlé du début de la saison. Pas moi. Ce n’est pas fini, cette affaire-là. Tout ce que j’ai semé, je vous le dis, c’est du bonbon », indique Luc Dionne.

Pourvu qu’il s’agisse de bonbons de dépanneur, et non ceux vendus par Cédric Doucet (William Lapierre), moi, j’achète. Toute la cargaison.