L’heure bleue et Les moments parfaits. C’est périlleux pour ces deux téléromans de TVA de s’inscrire à contre-courant de la télévision à revirements – Bing, Bang, Pow ! – et d’insuffler un rythme plus lent à leurs intrigues.

En théorie, « lent » ne signifie pas « ennuyant ». Au secours de Béatrice en demeure l’exemple le plus éclatant. Mais pour une série Notre vie réussie, combien d’autres séries alanguies endorment leurs fans mieux qu’un Zopiclone ?

En cette période où l’offre télévisuelle surpasse quasiment la demande, les diffuseurs hésitent à plonger dans ce type de télévision dite réconfortante, qui mène souvent au décrochage. Mon doux que c’est looong et assommant. Il y a quoi de bon sur Netflix ? Et sur Crave ? Et sur le Club illico ?

L’abondance d’émissions sur une multitude de plateformes a rétréci notre patience. Au moindre creux de vague dans une histoire, on abandonne. Ce n’est juste plus possible de demander aux consommateurs d’attendre cinq épisodes avant que ça devienne bon.

Si L’heure bleue avait démarré avec les épisodes que TVA relaie cet automne, ce téléroman d’Anne Boyer et Michel d’Astous n’aurait jamais duré cinq saisons. Le scénario y est étiré, dilué. L’abus de transitions musicales donne l’impression de rembourrer les épisodes comme un sac de croustilles rempli d’air. Il ne reste que sept semaines à L’heure bleue, et ça sent la fin depuis longtemps.

Bien sûr, je vais me rendre jusqu’au bout. Parce que j’ai déjà visionné 89 épisodes d’une heure de L’heure bleue et parce que je veux avoir la satisfaction de boucler le destin des personnages établis dans le Mile End et à Cowansville.

PHOTO FOURNIE PAR TVA

Le personnage d’Hubert (Jean-François Pichette) fait du surplace dans sa relation avec Anne-Sophie, qui travaille trop.

Mais ça prend beaucoup de volonté et de contrôle pour poursuivre. Encore mardi soir, les scénaristes ont insisté sur les problèmes de gestion de l’organisme communautaire que supervise Anne-Sophie (Céline Bonnier) et sur la crise chez les bénéficiaires déclenchée par Derya (Natalie Tannous), l’employée dépassée toujours sur le bord de capoter, et je me demandais : ça intéresse qui, exactement ?

Le récit tourne en rond. Anne-Sophie travaille trop. Son chum Hubert (Jean-François Pichette) l’attend en boudant dans le lit. Anne-Sophie se sent incomprise. Hubert aussi. Et on reprend du début.

Chez les colocs montréalais, même cycle de répétitions. Jules (Frédéric Lemay) boude encore sa mère Carole (Sylvie-Catherine Beaudoin) qui sort avec son ancien coloc Michel (Mustapha Aramis). Casey (Victoria Diamond), la sœur de David (Nico Racicot), débarque à l’improviste avec son bébé bruyant. Elle se plaint de son mari, refuse de le quitter, puis revient chez son frère avec son bébé bruyant. Ne me partez pas non plus sur la maudite brocante.

Il y a aussi la pauvre Clara (Alice Morel-Michaud), encore secouée par le suicide du père (Alex Godbout) de son fils Charlot, qui a été kidnappé, ne l’oublions pas. Après cinq épisodes, Clara s’est enfin décidée à consulter un thérapeute. D’ici la finale, Clara aura peut-être obtenu son premier rendez-vous, on croise les doigts.

Parenthèse : c’était sympathique de voir Clara regarder l’excellente minisérie Mon fils dans L’heure bleue (les deux émissions ont été fabriquées par Duo Productions). Trop souvent, les personnages de fiction évoluent dans un univers parallèle où ils ne parlent jamais de séries télé qu’ils consomment ou de musique qu’ils écoutent.

Cette descente au ralenti de L’heure bleue est dommage, car j’ai bien aimé ce téléroman au fil des saisons. L’arrivée de Pascale Bussières, qui a décampé pour la série Chaos, avait fouetté tous les protagonistes. Ça et l’importance prise par Raphaël (Jean-Philippe Perras) à mi-parcours.

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Scène des Moments parfaits

Les mercredis soir, dans l’ancienne case d’Au secours de Béatrice, TVA tente de raviver notre intérêt pour la télé douce et enveloppante avec Les moments parfaits de Marc Robitaille. Après plus d’un mois en ondes, on devine les contours que prendra cette série-chorale centrée sur la famille Thomas.

Ce n’est pas un grand coup de cœur après cinq épisodes. Ce n’est pas non plus un ratage. Ça se regarde tranquillement, sans provoquer de dépendance.

Le couple formé par Bianca Gervais et Émile Proulx-Cloutier est mon préféré. Le clan de Catherine Trudeau et Gabriel Sabourin a aussi beaucoup de potentiel, pas encore exploité à son maximum, cependant.

C’est loin d’être évident de pondre une œuvre comme Les moments parfaits alors que ce qui cartonne, c’est Une autre histoire, Alertes, 5e Rang, Toute la vie ou L’échappée, des émissions au flux rapide et qui sont peuplées de gens détraqués, de personnes multipoquées ou de meurtriers patentés.

Il faut de la profondeur et de la tendresse pour nous accrocher à un feuilleton axé sur une famille dite « normale », qui porte le vêtement de détente avec énormément de classe. Trop d’épanchements, et ça devient dégoulinant et peu crédible. Pas assez d’affection, et ça devient froid et détaché.

Il faut aussi doser les drames qui affectent les Thomas. Cet équilibre dans Les moments parfaits est en voie d’être atteint, un air de guitare folk à la fois.

Palmarès des téléromans

  • District 31 : 1 812 000
  • Toute la vie : 1 139 000
  • 5e Rang : 1 107 000
  • L’heure bleue : 1 004 000
  • L’échappée : 998 000
  • Alertes : 995 000
  • Une autre histoire : 973 000
  • Les moments parfaits : 652 000

Source : Numeris, données confirmées, semaine du 27 septembre au 3 octobre 2021