Je suis vraiment confus. Mêlé de chez mêlé. Voici pourquoi. J’ai dévoré le roman Un lien familial de Nadine Bismuth quand il a été publié à l’automne 2018. Je l’ai offert en cadeau, je l’ai prêté à tous mes proches et j’ai chanté ses louanges jusqu’à en perdre la voix, comme Garou après 271 représentations consécutives de Notre-Dame de Paris.

L’adaptation télévisuelle de ce brillant livre, offerte sur l’Extra de Tou.TV depuis le début du mois d’août, se colle bien au récit d’origine, avec les mêmes personnages faillibles et leurs mêmes enjeux familiaux compliqués. Pourtant, je n’ai pas embarqué dans les six épisodes d’Un lien familial, réalisés par Sophie Lorain et scénarisés par Nadine Bismuth elle-même. Comme si le saut au petit écran avait dépouillé l’histoire de son ironie et de son souci du détail si singulier.

Voyez la bande-annonce d’Un lien familial

Je n’ai pas été séduit, mais j’ai persévéré. Personne ne m’a forcé et j’ai enfilé les six heures en deux soirs. Bing ! Bang ! Pow ! D’une certaine façon, j’ai apprécié. Mais pas tant. D’où ma confusion. Comment une série fidèle à un livre peut-elle provoquer une réaction aussi opposée que la lecture de la même intrigue ?

D’abord, Radio-Canada présente quasiment Un lien familial comme une comédie romantique, avec de gros plans de gens qui tombent en amour au ralenti, alors que le roman doux-amer de Nadine Bismuth raconte les grincements de la désillusion conjugale.

Ces deux pôles sont incompatibles. Surtout avec la fin de la série, qui a dû faire sacrer les téléspectateurs n’ayant pas lu le livre. Woups.

À l’écrit, Un lien familial est une affaire d’adultère, de manipulation, de jalousie, de vengeance et de désir de perfection poussé à l’extrême, avec la disparition inexpliquée d’une jeune femme en toile de fond. Transposé à l’écran, tout ça paraît, hélas !, trop superficiel et unidimensionnel pour secouer autant les protagonistes, qui s’étripent entre eux quand un internaute démolit leur entreprise sur une page de commentaires Google. Calmez-vous, seigneur !

Les deux personnages principaux d’Un lien familial sont difficiles à aimer et à appuyer. Il y a Magalie (Rachel Graton), une designer de cuisines haut de gamme, qui vit à Montréal avec son copain avocat Mathieu (Pierre-Yves Cardinal) et leur fille de 5 ans. Un couple de bourgeois bohèmes typique du quartier Rosemont.

À l’autre bout du spectre, il y a le policier Guillaume (Maxime Allard), qui habite la Rive-Sud et qui partage la garde de son adolescente avec son ex-conjointe (Émilie Bibeau), qu’il a rebaptisée la « germaine contrôlante ». Ce qu’elle est fois mille.

La designer Magalie est mêlée. Son chum la trompe, elle trompe son chum avec son associé (Maxime de Cotret), elle se sent prisonnière de sa vie, qu’elle subit plutôt que de la prendre à bras-le-corps. On la sent éteinte et à la dérive, à un cheveu de craquer.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Maxime Allard incarne Guillaume, policier de la Rive-Sud sans relief, qui se plie aux désirs des autres.

Le policier Guillaume est un homme plate, routinier, très bonasse, sans trop de colonne vertébrale. Un gars sans relief, qui se plie aux désirs des autres. Mettons que Guillaume ne provoque pas de feux d’artifice dans nos téléviseurs.

Ces deux personnages pivots, unis par le lien familial évoqué dans le titre de la série, se croisent car la mère de Magalie (jouée par Chantal Fontaine) se met à fréquenter le père de Guillaume (campé par Jacques L’Heureux).

Guillaume en pince pour Magalie qui, elle, comment dire, c’est flou. Magalie aime-t-elle Guillaume ou est-ce un flirt ? Un lien familial joue sur cette ambiguïté sentimentale très longtemps (pas de divulgâcheur ici).

Plusieurs personnages secondaires volent la vedette à nos héros, dont la maîtresse de Mathieu, la belle Sophie (Virginie Ranger-Beauregard), de même que la mentore du cabinet d’avocats, qu’interprète trop brièvement Macha Limonchik. Émilie Bibeau, en ex-femme acariâtre, hérite des répliques les plus assassines. Également, Julie Ringuette réussit à rendre attachante son esthéticienne de banlieue vulgaire, mais qui a le cœur à la bonne place.

Par contre, le personnage de la blogueuse de bouffe santé Isabelle (Noémie O’Farrell) est juste détestable, insupportable. On ne comprend pas ce que son conjoint lui trouve et pourquoi il reste avec elle. Elle en beurre autant épais que le glaçage sur ses cupcakes véganes au curcuma.

La série souffre d’un manque de rythme, on passe du burlesque au dramatique de façon assez raboteuse, et pourquoi avoir ajouté autant de musique de fond ? Ça devient agaçant. Le dernier épisode attache les fils à la hâte et le chapitre de la disparition de la jeune femme se clôt de façon abrupte.

Bravo cependant pour le choix des chansons de Charlotte Cardin, qui rythment chacun des épisodes. Et beau clin d’œil à Love Actually dans le cinquième épisode de Noël, où la tension bouillonne entre deux échanges de cadeaux à 50 $.

Ça me peine d’écrire ces mots plutôt durs, car j’adore autant Nadine Bismuth que Sophie Lorain. C’est peut-être le fan déçu qui parle ici plutôt que le critique. Dans mon entourage, plein de gens au bon jugement ont beaucoup aimé Un lien familial. La série devrait sortir de l’Extra de Tou.TV pour atterrir à la télévision de Radio-Canada dans les prochains mois.

En terminant, vous avez été nombreux à me demander où il était possible de visionner la troisième saison de Manifest (Turbulences, en français), qui n’est ni sur Netflix (anglais) ni sur l’Extra de Tou.TV. Voici la réponse : la chaîne spécialisée Max amorcera la diffusion de Turbulences 3 le mercredi 1er septembre à 20 h. Veuillez regagner votre siège, nous amorçons la descente vers notre destination finale, merci.