Parce qu’ils ont coupé le bon vieux câble, parce qu’ils préfèrent l’équipe de RDS à celle de TVA Sports ou parce que la CBC leur offre gratuitement le signal de Sportsnet, de nombreux fans francophones du Canadien de Montréal ont visionné les parties de la finale de la Coupe Stanley en anglais, s’il vous plaît.

Selon des données compilées par la firme Merkle, qui appartient à l’agence Dentsu, environ 30 % de l’auditoire des quatre premiers matchs entre le CH et le Lightning de Tampa Bay provenaient, au Québec francophone, de la CBC et de la chaîne Sportsnet, propriété de Rogers Média. C’est énorme.

Examinons ces chiffres de plus près. Lundi soir, 1 483 000 téléspectateurs ont regardé le quatrième affrontement CH-Lightning sur TVA Sports, contre 601 000 qui ont assisté à la victoire du Canadien en syntonisant CBC/Sportsnet. Toujours lundi soir, la diffusion du hockey sur CBC/Sportsnet en anglais a été la troisième émission la plus regardée au Québec francophone, se faufilant devant Sucré salé de TVA (564 000) et Question de jugement (474 000) à Radio-Canada.

Ce genre de situation ne se produit jamais. Jamais une émission en anglais ne se hisse aussi haut dans le palmarès des cotes d’écoute chez les francophones. C’est la magie des séries, faut croire.

Lundi soir, entre 20 h et 23 h 15, 67 % des téléspectateurs québécois devant leur téléviseur regardaient le duel Canadien-Lightning, en français ou en anglais.

La moyenne des quatre premières parties de la finale de la Coupe Stanley donne 1 447 000 mordus à TVA Sports et 565 000 à CBC/Sportsnet. Encore une fois, c’est énorme. Surtout en plein mois de juillet.

Précision ici. La CBC reprend intégralement la retransmission de Sportsnet en vertu d’une entente commerciale reconduite en 2017 pour offrir du hockey — sans frais — au plus grand nombre possible d’amateurs. C’est donc la même émission aux deux postes pendant les séries éliminatoires de la LNH (et les parties du samedi soir). Ce partenariat n’existe pas, hélas, pour la clientèle francophone, RDS et TVA Sports se partageant les droits exclusifs — et très coûteux — de diffusion de la Sainte-Flanelle jusqu’en 2025-2026.

D’un point de vue financier, la CBC n’a aucunement profité du buzz sportif des dernières semaines. Toutes les recettes publicitaires générées par le hockey à son antenne ont été empochées par le propriétaire de Sportsnet, Rogers Média, qui détient les droits nationaux de la LNH au Canada.

« Il faut être abonné à TVA Sports pour regarder le hockey des séries en français, alors que c’est possible de l’écouter sur la CBC gratuitement. C’est donc l’option adoptée par des foyers qui n’ont pas d’abonnements », observe la vice-présidente activations chez Cossette Média, Marie-Christine Simard.

Selon Marie-Christine Simard, les séries de fin d’année attirent une clientèle plus vaste que celle de la saison régulière. « Des gens qui ne suivent habituellement pas le hockey et qui ne regardent pas souvent la télévision sont devenus fans à la suite de la performance surprenante du Canadien, notamment chez les 18-34 ans, où une large proportion sont des cord cutters. Ce sont des personnes qui ont annulé leur abonnement à un service de télévision ou qui n’ont jamais même été abonnés à tout type de télé payante. Ce type de profil se tourne alors vers des chaînes anglophones gratuites », ajoute-t-elle.

Bien sûr, plus le Canadien progressait dans sa marche vers la Coupe Stanley, plus les audiences de TVA Sports gonflaient. Le premier tour, disputé en sept parties contre les Maple Leafs de Toronto, a intéressé en moyenne 938 000 partisans. Le deuxième tour, gagné en quatre matchs contre les Jets de Winnipeg, a rallié 1 122 000 personnes. Le troisième tour, arraché en six matchs aux Golden Knights de Vegas, a captivé 1 304 000 amateurs.

À titre comparatif, pendant sa saison régulière de 2021, le Canadien a rameuté 622 000 téléspectateurs à RDS (moyenne des 41 parties) contre 633 000 à TVA Sports (pour 15 parties). L’an dernier, dans une formule modifiée par la COVID-19, les 10 matchs post-saison régulière du CH ont capté l’intérêt de 804 000 téléphages, en plein moins d’août, il faut le préciser.

Et malgré le parcours étincelant des Glorieux de 2021, l’engouement mesuré par Numeris n’a pas atteint celui des séries éliminatoires de 2014, 2015 et 2017, où les cotes d’écoute ont oscillé entre 1,4 million et 2 millions de sportifs de salon.

Une époque pas si lointaine où le Canadien de Montréal n’avait même pas atteint la grande finale.

Par contre, c’est injuste de comparer des statistiques de 2021 à celles de 2014. En un court laps de temps, le paysage médiatique a été fortement bousculé. Les abonnements aux chaînes sportives spécialisées ont dégringolé et les consommateurs ont migré vers les plateformes numériques.

Netflix, Crave, Disney+, Amazon Prime Video, Club illico ou Extra de Tou.tv, la télé coûte de plus en plus cher. Quand un truc gratuit passe, c’est normal que les clients sautent dessus comme JiCi Lajoie sur de la poésie d’avant-match.