Pour sa deuxième année en mode festival, la Société des arts technologiques (SAT) projettera dans son dôme fraîchement rénové une trentaine de courts métrages immersifs provenant d’une dizaine de pays. Une compétition de plus en plus relevée, qui réunira de nombreux artistes montréalais, dont Lydia Yakonowsky.

Il en a coulé de l’eau sous les ponts des arts numériques et multimédias depuis les balbutiements du SAT Fest en 2012. Des quelques rares films soumis peu de temps après l’inauguration de la Satosphère, le festival montréalais quasi confidentiel s’est peu à peu démocratisé et a gagné en popularité.

« Il y a de plus en plus d’artistes qui s’intéressent à ce format-là, nous dit le responsable de la programmation du SAT Fest, Mourad Bennacer, et de gens qui viennent voir leurs œuvres. L’accès aux outils et à la production s’est beaucoup démocratisé. Le développement des outils de jeux vidéo a aussi permis à plus d’artistes d’expérimenter ces univers-là. »

Les œuvres sélectionnées ont été reçues à la suite d’un appel de projets, plusieurs d’entre elles ayant été projetées dans des festivals de dômes, précise Mourad Bennacer, qui mentionne Fulldome UK, en Angleterre, Jena Festival à Berlin ou encore le Dome Under en Australie.

Au total, 93 propositions de films ont été reçues. De ce nombre, une trentaine ont été retenues pour la compétition – dont une dizaine sont signées par des créateurs québécois. Des artistes issus du cinéma d’animation, des arts numériques ou multimédias, de la réalité virtuelle, de la musique et du VJing.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

L’artiste visuelle Lydia Yakonowsky et Mourad Bennacer, responsable de la programmation du SAT Fest

Parmi elles, on retrouve Trajectoires interrompues et autres modèles de déséquilibre transitoire, de la Montréalaise Lydia Yakonowsky. Économiste et artiste multimédia, mais également VJ dans des évènements de musique électronique – Mutek, Igloofest, SAT –, elle utilise des graphiques économiques pour créer des œuvres visuelles immersives.

« En économie, on travaille beaucoup sur des modèles de prévisions, mais souvent, il y a des éléments externes qui font en sorte que les prévisions doivent être révisées ou recalculées parce qu’elles sont erronées », explique l’artiste.

Ça peut aussi se traduire par des trajectoires de vie, qui pour toutes sortes de raisons, comme la maladie ou le deuil, nous font dévier de notre trajectoire, nous font faire des spirales… Donc je me suis servie de ces éléments graphiques pour créer l’univers du film.

Lydia Yakonowsky, artiste multimédia

Les visuels ont été créés sur la musique du compositeur polonais Wojciech Golczewski. « C’est la musique qui m’aide à raconter mon histoire », précise l’artiste multimédia.

Bande-annonce de Trajectoires interrompues et autres modèles de déséquilibre transitoire (2024)

De la « dentelle mathématique »

Lydia Yakonowsky a commencé à explorer ces éléments graphiques il y a une vingtaine d’années dans des cours d’arts plastiques – des quadrillages, des lignes graphiques, des courbes, etc. –, mais c’est vraiment en travaillant comme VJ sur la scène électronique, à partir de 2010, que la métamorphose artistique de ce vocabulaire économique s’est véritablement opérée.

« J’ai découvert un logiciel qui me permettait de faire des visuels génératifs en temps réel et je trouvais que c’était une manière très mathématique de faire de l’art. Je me suis rendu compte que ça fonctionnait vraiment bien, dit-elle. C’est un univers où on se sent flotter dans un monde de dentelle mathématique. »

Extrait du film Introduction à l’économétrie, de Lydia Yakonowsky

En 2022, son premier film en format fulldome était présenté au SAT Fest : Introduction à l’économétrie, pour lequel elle a reçu une mention spéciale du jury.

« L’économétrie fait référence à un ensemble de prévisions économiques où l’on teste différentes hypothèses, explique Lydia Yakonowsky. On réfléchit aux impacts que peuvent avoir tels éléments sur tels autres. Sur le plan créatif, j’ai tenté de créer une expérience où on explore une courbe dans un monde mathématique, une courbe qui se libère peu à peu de son quadrillage. C’était comme un rêve fiévreux d’économiste, avec des couleurs chatoyantes. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Mourad Bennacer, responsable de la programmation du SAT Fest

Mourad Bennacer parle d’une belle « découverte » en évoquant le travail de Lydia Yakonowsky.

Elle s’inspire de sa pratique pour faire de la visualisation de concepts économiques, mais le résultat est très vivant, très coloré, très organique. On a pu voir son travail comme VJ à la SAT la semaine dernière et on a constaté à quel point ça parlait à énormément de monde. Je pense aussi qu’il y a une certaine maturité chez cette artiste-là, donc c’est quelqu’un à surveiller.

Mourad Bennacer, responsable de la programmation du SAT Fest

Les films immersifs d’une durée de 2 à 10 minutes sont regroupés par catégories. Chaque soir, ce sont une dizaine de films qui seront projetés dans le dôme.

« Le premier bloc s’inspire beaucoup de la réalité, qui comprend des prises de vue réelles et des manipulations héritées de la vidéo, précise Mourad Bennacer. Dans le deuxième bloc, on travaille beaucoup plus sur l’animation, qui nous vient de la communauté de creative coding. Le troisième bloc a une coloration de science-fiction, des artistes qui sont souvent issus du monde des jeux vidéo. »

Le dôme de la SAT a été rénové après plusieurs mois de travaux. Le système de diffusion de huit projecteurs laser a été mis à niveau, tandis que le système sonore a été bonifié avec un total de 93 haut-parleurs répartis dans le dôme. Avec le Planétarium, le dôme de la SAT compte l’un des deux seuls écrans sphériques de Montréal.

Le jury composé de cinq artistes et experts du milieu remettra six prix, en plus d’une mention spéciale. Une compilation des œuvres récompensées sera diffusée dès la semaine suivante, à partir du 27 mars, jusqu’au 4 mai.

SAT Fest, du 21 au 24 mars à la Société des arts technologiques de Montréal (SAT).

Consultez la page du SAT Fest