C’est sur le thème Les forces du sommeil. Cohabitation des vivants que se déploie la 11e édition de la Manif d’art – Biennale de Québec. Jusqu’au 28 avril, les visiteurs sont invités à faire l’expérience d’états de sommeil et d’éveil à travers de multiples parcours.

Des œuvres actuelles et historiques, un volet pour la relève, de l’art public, et ce, à Québec, mais aussi au Musée d’art de Joliette et au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul ; la Biennale de Québec marque le coup. Difficile à saisir dans son entièreté à cause de son ampleur, l’évènement propose des itinéraires dans la capitale nationale pour couvrir les volets présentés, de l’exposition centrale aux œuvres extérieures et publiques, en passant par les galeries d’art. À l’image de la thématique, il faut prendre le temps pour visiter ces expositions, ce qui ne peut pas se faire en une seule journée.

De l’hiver à l’éveil politique

Si tout le milieu des arts visuels de Québec bat au rythme de la Manif d’art actuellement, les aspects de Les forces du sommeil. Cohabitation des vivants résonnent et se répondent dans une cohérence remarquée. La biennale est la seule en Amérique du Nord à se tenir en hiver, et la commissaire Marie Muracciole exploite toutes les facettes de cette condition.

Faire une biennale l’hiver, c’est beaucoup plus difficile. Surtout lorsqu’il faut au moins 10 œuvres d’art public.

Marie Muracciole

De là est issue sa proposition à l’artiste Yann Pocreau (parc de la Francophonie) de travailler avec de la glace.

  • Yann Pocreau travaille avec de la glace. Son œuvre est présentée au parc de la Francophonie.

    PHOTO RENAUD PHILIPPE, FOURNIE PAR LA BIENNALE DE QUÉBEC 

    Yann Pocreau travaille avec de la glace. Son œuvre est présentée au parc de la Francophonie.

  • Yann Pocreau travaille avec de la glace. Son œuvre est présentée au parc de la Francophonie.

    PHOTO RENAUD PHILIPPE, FOURNIE PAR LA BIENNALE DE QUÉBEC 

    Yann Pocreau travaille avec de la glace. Son œuvre est présentée au parc de la Francophonie.

1/2
  •  
  •  

L’hiver renvoie surtout, pour la commissaire, aux éléments du sommeil : « Ça produit cette idée de sommeil qui est une question qui traverse toute l’histoire. » Il s’agit ainsi de repenser le ralentissement, l’isolement, les phases de latence et d’hibernation. De là, l’on peut interroger autre chose que le rendement demandé dans notre société : « Cette idée des moments de faiblesse m’intéresse dans le sommeil. Comment la faiblesse humaine peut nous rendre service ? Comment elle peut nous aider à trouver une place plus juste sur terre, alors qu’elle est tellement dévalorisée dans notre culture occidentale ? », énumère celle qui a travaillé depuis plus de deux ans à la préparation de cette biennale.

Retour au chaud

L’exposition centrale se déploie sur trois étages à l’Espace Quatre Cents et présente ces réflexions dans une mise en scène contemplative, entre la pénombre et la clarté. Les dessins de l’artiste inuit Tuumasi Kudlik, choisis spécifiquement pour l’occasion par la commissaire, permettent de s’attarder à une description de gestes de la vie quotidienne par une économie de moyens. Les 25 œuvres photosensibles d’Eveline Boulva, quant à elles, renvoient à l’archivage d’icebergs. À l’instar de ces glaces, les œuvres sont amenées à disparaître d’ici la fin de l’évènement. La mousse vivante qui compose le travail d’Elodie Pong nous rappelle les capacités d’adaptation, de résilience, mais aussi de résistance de ce végétal face aux transformations climatiques.

PHOTO RENAUD PHILIPPE, FOURNIE PAR LA BIENNALE DE QUÉBEC 

La mousse vivante qui compose le travail d’Elodie Pong nous rappelle les capacités d’adaptation, de résilience, mais aussi de résistance de ce végétal face aux transformations climatiques.

La résistance est un mot bien choisi par la commissaire qui souligne qu’une biennale, « c’est une prise de position ». Pour elle, « les grands évènements artistiques sont des moments pour se penser dans le monde tout entier, aujourd’hui ».

Ainsi, alors que l’exposition centrale présente différentes itérations de l’acte de s’endormir et de phases d’éveil, le thème soulève également des réflexions sur le fait que l’on peut être endormi d’un point de vue politique. « L’Occident est sommé de prendre en considération les conséquences de ses actes. On ne peut plus les ignorer. On est obligé de se réveiller politiquement. On ne peut pas être indifférent à ce qui se passe. » Ces réflexions de la commissaire transparaissent dans plusieurs œuvres d’artistes engagés.

La politique et les droits

  • La tente de Mounira Al Sohl invite à repenser ce lieu de sommeil en situation de guerre.

    PHOTO RENAUD PHILIPPE, FOURNIE PAR LA BIENNALE DE QUÉBEC 

    La tente de Mounira Al Sohl invite à repenser ce lieu de sommeil en situation de guerre.

  • Installation de Liz Magor

    PHOTO RENAUD PHILIPPE, FOURNIE PAR LA BIENNALE DE QUÉBEC 

    Installation de Liz Magor

1/2
  •  
  •  

C’est d’abord l’installation monumentale de l’artiste québécois François Morelli concernant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui donne le ton à l’exposition. Un amoncellement de lits et d’estampes de grandes dimensions suspendues s’impose à l’entrée du bâtiment de l’Espace Quatre Cents. Le film de Catarina Simão crée des ponts entre la politique canadienne et celle du Mozambique, tandis que l’œuvre de l’artiste palestinienne Nour Bishouty revisite les rapports entre le corps, le repos et le territoire. Yto Barrada présente quant à lui un radeau comme lieu de flottement précaire pour réfléchir à la migration d’une rive à l’autre et l’artiste renommée Kapwani Kiwanga use de grains de riz en céramique pour souligner la circulation des vivants marquée par l’exploitation. La tente de Mounira Al Sohl invite à repenser ce lieu de sommeil en situation de guerre et elle fait écho aux installations de Liz Magor qui renvoient entre autres à l’idée d’enfermement.

Certaines œuvres d’artistes canadiens et internationaux déjà bien reconnus, à découvrir ou de la relève offrent des contrepoints à ces angles et méritent le détour. C’est le cas de la série de méditations Insect Silver Noir de Joachim Koester et Stefan A. Pedersen ou encore Song for Lupita (Mañana) de Francis Alÿs qui créent des espaces où le temps est paralysé ou du moins, freiné.

L’exposition centrale se déroule à l’Espace Quatre Cents et l’Exmuros

Consultez la page de l’exposition centrale Consultez la page du Musée d’art de Joliette Consultez le site de la Manif d’art

L’art dans les centres, les galeries… et ailleurs en ville !

PHOTO RENAUD PHILIPPE, FOURNIE PAR LA BIENNALE DE QUÉBEC 

Sansoiseaux, d’Abbas Akhavan, fait partie de l’exposition centrale.

La Manif d’art propose un nombre important d’œuvres inédites et plusieurs résidences ont été créées pour l’occasion. « J’ai fait travailler beaucoup d’artistes sur le contexte. Le travail de Barbara Manzetti (Maison de la littérature), Xavier Le Roy… Il y a eu de vraies collaborations », souligne Marie Muracciole. La plupart des galeries et centres d’artistes de Québec, dont L’Oeil de poisson, La Chambre blanche, le Centre d’artistes Ahkwayaonhkeh, mais aussi le Centre culturel Morrin ou encore Regart s’arriment à la programmation et présentent des créations originales.

Si, pour la commissaire, une biennale, « c’est un échange » et, surtout, « un échange avec le monde extérieur », il faut rappeler l’importance du programme d’art public qui rejoint les usagers de Québec. L’œuvre de Félix Gonzalez-Torres s’inscrit dans la ville sans commentaires ni indications. Elle surgit ainsi dans le quotidien des personnes, sporadiquement, sur des panneaux publicitaires, à six emplacements différents. « Il y a déjà eu des réactions de gens qui étaient très surpris, qui ne comprenaient pas, mais qui avaient adoré cette intrusion dans le monde contemporain, d’un geste à la fois spectaculaire et intime », explique la commissaire invitée. D’autres œuvres sont toutefois moins visibles et apparaîtront plus clairement dans le catalogue d’exposition qui sera publié au cours des prochaines semaines. C’est le cas de Sansoiseaux, d’Abbas Akhavan ; un film de l’artiste fait d’ailleurs partie de l’exposition centrale. Le terme est inscrit sur le toit du bâtiment Kaméléon dans le quartier Saint-Roch et il est impossible d’y avoir accès directement.

Découvrez les galeries d’art participantes Découvrez les artistes du volet art public

La place des Jeunes commissaires

Quatre expositions sont à l’honneur dans le volet Jeunes commissaires. Parmi celles-ci, la commissaire Sevia Pellissier présente les œuvres de Delphine Egesborg, d’Izabelle Desroches et de Frédérique Laliberté dans le cadre de Réactives : réveiller les archives à la Maison Hamel-Bruneau. L’évènement fait se côtoyer des créations originales et des documents d’archives. Dans Passer l’hiver, la commissaire met de l’avant les liens intimes au territoire à partir des travaux d’Anne-Marie Proulx, de Maryse Goudreau, de Richard Ibghy et de Marilou Lemmens. L’exposition se tient à l’Espace parenthèses et au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Virginie Brunet-Asselin présente l’exposition La débâcle au Centre Materia et Imaginaires de corps flottants a été réalisé par Sara Toung Ondo dans les bibliothèques de Québec.

Consultez les expos du volet Jeunes commissaires