Après un passage de huit ans au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), Annie Gauthier retourne au Musée d’art de Joliette (MAJ), qu’elle a dirigé il y a une dizaine d’années, a appris La Presse. Elle succède ainsi à Jean-François Bélisle, nommé au Musée des beaux-arts d’Ottawa en juillet dernier… et qui lui avait succédé en 2016 !

« Je me sens extrêmement fébrile, pour moi, c’est un retour à mes anciennes amours, a confié Annie Gauthier dans un entretien avec La Presse. Je suis une gestionnaire de cœur, donc ça me rend très heureuse de retrouver l’équipe du musée », nous dit la nouvelle directrice générale et conservatrice en chef du Musée d’art de Joliette (MAJ), qui a dirigé ce musée de 2012 à 2016.

C’est le président du conseil d’administration du Musée d’art de Joliette, Emmanuel Préville-Ratelle, qui a contacté Annie Gauthier à l’automne.

« Je n’étais pas en recherche d’emploi, indique Annie Gauthier, et je ne m’attendais pas à être sollicitée à ce moment-là, mais Emmanuel a trouvé les mots pour me persuader. Il a notamment insisté sur l’importance de continuer à bâtir sur ce qui a été fait par les directions précédentes. Le fait que je connaisse bien le musée était pour eux un scénario idéal. »

Si elle a finalement accepté, c’est d’abord « par amour pour le musée et sa collection », qui comprend notamment des pièces de Borduas, Riopelle, Ferron, Sullivan, Louise Robert ou Ozias Leduc, et encore le sculpteur français Rodin et la peintre canadienne Emily Carr, mais aussi parce qu’elle avait « envie de mettre les mains sur le volant ». Elle entre en fonction dès ce vendredi.

Au [Musée national des beaux-arts du Québec], on travaille dans les rangs, c’est bien différent. On a de grands moyens, c’est un moteur incroyable, on peut faire de grandes choses, mais le MAJ, par sa taille, est beaucoup plus agile, et me permet de prendre la barre, et ça, ça me tentait.

Annie Gauthier, directrice générale et conservatrice en chef du MAJ

Annie Gauthier ne s’en cache pas, elle revient avec un bagage qu’elle n’avait pas quand elle a dirigé le musée pour la première fois, il y a un peu plus de 10 ans. « J’avais 39 ans, je faisais mes armes », explique cette artiste de formation, qui a notamment été gestionnaire au Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec.

Il faut dire que pendant son passage au Musée d’art de Joliette, Annie Gauthier a consacré l’essentiel de ses énergies à piloter le projet de rénovation du musée – de plus de 13 millions de dollars –, « une aventure rocambolesque », nous dit-elle, qui a nécessité le déménagement de la collection permanente et forcé l’institution à louer un local commercial pendant un peu plus d’un an.

« C’est sûr qu’aujourd’hui, je vais pouvoir profiter des nouvelles installations du musée, dit-elle en riant. Je vais aussi pouvoir renouer avec le travail des artistes actuels, c’est l’avantage d’un plus petit musée. On a un rapport plus intime avec le milieu, c’est beaucoup moins hiérarchique que dans un grand musée comme le MNBAQ. Donc, j’ai hâte de retrouver le plaisir du contact avec la communauté. »

Parlons de Picasso

Au MNBAQ, elle a été tour à tour directrice des collections, des expositions et des partenariats internationaux. De quoi est-elle le plus fière en pensant à ces dernières années passées à Québec ? Annie Gauthier évoque le travail important réalisé pour l’exposition consacrée à Picasso, Ouvrir le dialogue.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

L’exposition Picasso au MNBAQ, en 2021

« C’était une expo qui nous a permis d’évoluer et d’aller à la rencontre de nos publics de manière différente. On a présenté des œuvres du musée Picasso à Paris, mais on a pu ajouter des nuances, parler de grossophobie, des corps atypiques et même de la misogynie de Picasso, sans pour autant faire son procès. Pour moi, c’est la preuve qu’on peut parler de tout. Je crois que le musée doit être un lieu de discussion. »

Annie Gauthier évoque également son travail auprès des artistes Stanley Février, Cozic ou encore Manasie Akpaliapik, premier artiste inuit à exposer en solo au MNBAQ.

Nous demandons d’ailleurs à Annie Gauthier si elle compte poursuivre le travail entamé par son prédécesseur au MAJ, Jean-François Bélisle, qui s’est rapproché des communautés autochtones à la suite de la mort tragique de Joyce Echaquan à l’hôpital Saint-Charles-Borromée. « Mon action va s’inscrire dans la continuité », assure-t-elle.

Le drame de la mort de Joyce Echaquan s’est produit localement, près du musée, et le musée a pris la parole. Donc la relation avec la communauté est vraiment importante et je vais continuer à jouer un rôle actif dans le service rendu aux citoyens. Mon objectif est de rencontrer l’équipe du musée, examiner les projets en route et m’assurer qu’ils sont inclusifs.

Annie Gauthier, directrice générale et conservatrice en chef du MAJ

Par rapport au débat sur la diversité et la décolonisation, Annie Gauthier se fait prudente. Elle insiste sur l’importance de « tisser des liens durables » avec sa communauté. « Pour moi, le musée est une rencontre entre l’art et la communauté, donc mon objectif est d’améliorer notre relation de vivre ensemble. C’est une question identitaire qui se travaille sur le long terme. »

Le poste de directeur de la Fondation du Musée d’art de Joliette, que Jean-François Bélisle occupait en plus de ses fonctions de directeur général et de conservateur en chef, sera finalement scindé des autres titres. La direction du MAJ a l’intention de procéder à une nomination prochainement.

Julie Armstrong-Boileau, qui assurait l’intérim de la direction générale avec Hélène Lacharité depuis le départ de Jean-François Bélisle en juillet dernier, retrouvera son poste de directrice du développement et des communications.

Le MAJ en bref

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le Musée de Joliette

  • Collection permanente : 8300 œuvres
  • Budget d’exploitation : 3,1 millions
  • Œuvres acquises en 2022-2023 : 198
  • Nombre d’employés : 27 permanents, 46 contractuels
  • Nombre de visiteurs en 2022-2023 : 30 827