Le musée de Pointe-à-Callière présente l’exposition 3000 ans sur le Nil, consacrée à trois millénaires d’Égypte ancienne, au moyen de 320 objets en provenance du Museo Egizio, de Turin, en Italie. Un regard porté non pas sur les pharaons, mais sur le peuple égyptien de l’Antiquité, principalement des artisans et des agriculteurs.

Pointe-à-Callière a déjà collaboré en 2018 avec le musée turinois, pour Reines d’Égypte. Il faut savoir que l’endroit possède une des plus importantes collections égyptologiques au monde et a des relations privilégiées avec les égyptologues du Caire depuis des lunes. À l’occasion de son 200anniversaire, en 2024, le Museo Egizio présentera une exposition exceptionnelle, mais avant son ouverture, il a accepté de prêter des objets de sa collection à Pointe-à-Callière.

Cela a permis à la Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal de monter cette expo inédite sur le peuple égyptien et sa fascination pour la vie après la mort. « Dans l’Égypte ancienne, quelque 40 % de la production agricole était réservée à la préparation des tombeaux, dit Anne Élisabeth Thibault, directrice générale de Pointe-à-Callière. Ça donne une idée de cette civilisation égyptienne assez fascinante. »

Tout en variété

L’exposition aborde ces 3000 ans d’histoire égyptienne par le Nil, ce fleuve immense qui se trouve au centre de cette civilisation marquée par des périodes historiques caractérisées par des invasions, des guerres, des échanges commerciaux et des règnes ayant leurs propres particularités, compte tenu des différents pharaons qu’ont été Khéops, Akhénaton, Toutankhamon, Ramsès II ou Cléopâtre. Ces épisodes sont tous marqués par des styles artistiques propres liés à l’évolution des techniques et aux matériaux utilisés.

Cette variété, on la note dans les changements esthétiques des vases, la poterie ayant évolué au fil des millénaires. Il est aussi intéressant de découvrir les objets qui illustrent l’intérêt des Égyptiens pour les sciences, notamment pour le calcul du temps, avec ce fragment d’un cadran solaire primitif (gnomon). Et de constater leur sens de l’innovation dans la transmission du savoir et la célébration de la vie, avec la définition d’une écriture hiéroglyphique unique, puisque essentiellement figurative. Constituée de signes évoquant des animaux, des dieux, des plantes ou des humains, elle raconte leur vie quotidienne.

Ces écrits, on les retrouve sur des stèles funéraires, bien sûr, mais aussi sur des ouchebtis, ces petites statuettes sculptées généralement en faïence et qui comportaient des écritures sur la personne disparue. On les plaçait dans les tombeaux car elles étaient censées « libérer le défunt » et travailler à sa place dans l’au-delà !

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Quelques exemples d’ouchebtis

Une section est consacrée à la famille, avec des tissus en lin, des explications sur la façon de se coiffer, sur l’alimentation, l’éducation des enfants et le rôle de la femme qui, à l’époque, pouvait divorcer et reprendre sa dot, travailler et participer à la société, comme le cas de Cléopâtre l’a montré. « La société était, toutes proportions gardées, très avancée », dit Anne Élisabeth Thibault.

Chef de la hiérarchie, le pharaon est évidemment présent dans l’expo avec quelques œuvres fort belles. Comme le splendide couvercle du sarcophage d’Ibi, une autorité religieuse importante de Thèbes représentée sous les traits du dieu Osiris.

Une sculpture en grauwacke, une roche sédimentaire souvent métamorphisée, ce qui lui permet d’être polie et de donner des reflets somptueux.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Bateau de pêche d’ancienne Égypte à droite, et bateau funéraire à gauche

Il y a aussi, en granite rose d’Assouan, une belle statue idéalisée du pharaon Amenhotep II datant de l’époque Nouvel Empire, soit entre 1539 et 1292 avant Jésus-Christ, l’âge d’or de l’art égyptien. Grand guerrier, le pharaon aux muscles saillants est représenté à genoux, en position d’humilité, offrant à Râ deux jarres de bière et de vin pour adoucir le dieu solaire !

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le pharaon Amenhotep II

Accompagnées d’explications sur la momification et sur les croyances des Égyptiens, les momies exposées sont impressionnantes. Il y a d’ailleurs toute une partie de l’expo consacrée aux momies d’animaux, les animaux ayant eu une place particulière dans la vie des Égyptiens. Comme ils allaient les accompagner dans leur vie après la mort, ils étaient aussi momifiés. On peut donc voir d’authentiques momies de chats, de crocodiles, de serpents, de grenouilles, etc. « On a retrouvé des millions de momies de chats dans les temples égyptiens », fait remarquer Anne Élisabeth Thibault.

  • Une momie exposée avec un scarabée sur le cœur pour favoriser le passage du défunt vers l’au-delà

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Une momie exposée avec un scarabée sur le cœur pour favoriser le passage du défunt vers l’au-delà

  • Une momie avec son propre sarcophage. La momification s’est démocratisée au fil des millénaires.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Une momie avec son propre sarcophage. La momification s’est démocratisée au fil des millénaires.

  • Momies de serpents et d’un poisson

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Momies de serpents et d’un poisson

  • Momies de chats et de bébés crocodiles

    PHOTO CAROLINE THIBAULT, FOURNIE PAR POINTE-À-CALLIÈRE

    Momies de chats et de bébés crocodiles

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Voici une expo peut-être moins spectaculaire que les précédentes consacrées à l’Égypte, mais tout aussi intéressante. La scénographie est extrêmement soignée. Des espaces plairont particulièrement aux plus jeunes, avec des éléments interactifs, des jeux sur écran, des questionnaires et la diffusion d’un documentaire sur le quotidien des Égyptiens dans l’Antiquité. Un espace est consacré à la compréhension de la société égyptienne de l’époque avec des explications sur chaque type de citoyen, de l’agriculteur au pharaon en passant par l’artisan, le militaire, l’architecte, le scribe, le noble, le religieux ou le vizir.

PHOTO CAROLINE THIBAULT, FOURNIE PAR POINTE-À-CALLIÈRE

Éléments décoratifs représentant les quatre fils d’Horus. Période ptolémaïque (entre l’an 722 et l’an 30 avant Jésus-Christ).

Une exposition pour toute la famille, un déploiement brillant et instructif qui fait prendre conscience, une nouvelle fois, de l’excellence de cette civilisation raffinée, aux traditions marquées et soucieuse d’un bien-être autant sur Terre que dans l’au-delà.

Trois mille ans sur le Nil, à Pointe-à-Callière, jusqu’au 15 octobre.

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