L’expo Chaos et mémoires, que le Centre Phi propose jusqu’au 11 juin, est composée de FRAMERATE, une installation immersive britannique sur les relations tendues entre l’espèce humaine et la Terre, ainsi que de quatre œuvres taïwanaises de réalité virtuelle. Un programme corsé et aussi éprouvant que l’actualité internationale !

FRAMERATE : Pulse of the Earth [le pouls de la Terre] est une création du studio britannique ScanLAB Projects, spécialisé dans la numérisation 3D de la réalité du monde, afin de nous projeter dans l’avenir. Autant dire que les paysages en mutation, que cette installation diffuse en accéléré, ne sont pas franchement des images qu’on analyse de gaieté de cœur.

L’œuvre passe en revue quelques activités humaines qui contribuent à tuer, éradiquer, habiter, exploiter ou redessiner des espaces de la planète. Mais elle aborde aussi la croissance des plantes qui est un vrai baume, même s’il est passager durant l’expérience d’environ 25 minutes.

Le visionnement du film se fait dans une salle obscure, assis ou debout, ce qui contribue à nous immerger totalement dans le sujet. Une sensation de gêne nous envahit quand on voit tous ces bovins collés les uns contre les autres dans une ferme d’élevage, la vitesse de déroulement du film donnant l’impression que les bêtes n’ont pas de têtes mais seulement des corps. Les images accélérées dans une intersection londonienne nous renvoient à une condition humaine s’assimilant au destin des fourmis. Et celles prises dans une carrière font prendre la machinerie pour des vers cavernicoles…

Le film comme l’installation sont esthétiquement surprenants. Les écrans de projection, situés aux murs, au plafond et au sol, donnent le tournis si l’on ne veut rien manquer, augmentant ce sentiment de malaise qu’une analyse des sujets traités contribue à provoquer. Ces images enregistrées en continu pendant de très longues périodes puis accélérées à vitesse grand V nous mettent face à notre destin et à nos responsabilités. Difficile de ne pas sortir un peu barbouillé… de cette autre critique de notre espèce suicidaire.

  • Arrêt sur image du film FRAMERATE. Des clients d’un restaurant apparaissent en accéléré.

    PHOTO FOURNIE PAR PHI

    Arrêt sur image du film FRAMERATE. Des clients d’un restaurant apparaissent en accéléré.

  • La pousse des plantes nous est montrée grâce à des milliers d’images en 3D numérisées chaque jour, pendant des mois.

    PHOTO FOURNIE PAR PHI

    La pousse des plantes nous est montrée grâce à des milliers d’images en 3D numérisées chaque jour, pendant des mois.

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Réalité virtuelle

All That Remains (2022), de Craig Quintero, Taïwan, 12 min, en anglais

Voici une narration de type huis clos théâtral filmée en réalité virtuelle par Craig Quintero avec une approche poétique et un très beau et sensible jeu de l’actrice Yu-Hsin Yu et de son partenaire Ollie Huang. Un film sur la rencontre, l’intimité, nos craintes, nos besoins, nos rêves, nos solitudes et nos communions. Le film a été projeté l’an dernier à la Biennale de Venise.

Red Tail (2022), par Fish Wang, Taïwan, 20 min, en anglais et en mandarin

Film d’animation fantastique en 3D sur un petit garçon qui s’évade lors d’une sieste entamée sur le banc d’une gare merveilleuse en suspension dans le ciel ! Il se met à suivre la queue rouge d’un poisson, se retrouve dans un wagon de téléphérique rempli de créatures étranges. L’homme semble ne plus être qu’une espèce comme une autre, sur une Terre devenue désertique et laide. La suite est magique, le dessin est attirant et le propos, une invitation à apprendre de nos erreurs, à supporter nos petites tragédies et à garder le moral !

The Man Who Couldn’t Leave (2022), par Chen Singing, Taïwan, 35 min, en anglais, mandarin et taïwanais

Certainement le film le plus marquant des quatre. Une page sombre dans l’histoire de Taïwan que la « Terreur blanche », cette période de 38 ans (entre 1949 et 1987) durant laquelle des milliers d’intellectuels taïwanais soupçonnés de sympathie à l’égard du Parti communiste chinois ont été emprisonnés, voire exécutés. Le film de Chen Singing raconte l’histoire de quelques-uns d’entre eux. Très bien fait et plutôt flippant.

Missing Pictures Episode 2 (2022), de Clément Deneux, France, Royaume-Uni, Taïwan, Luxembourg, Corée du Sud, 11 min, en français, anglais, allemand, coréen et mandarin

PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE PHI

Image tirée du film Missing Pictures Episode 2

Un conseil, terminez votre visite par Missing Pictures ! Le film de Clément Deneux sur le cinéaste taïwanais Tsai Ming-Liang permet de rester de bonne humeur ! Les images de ce petit garçon (lui !) fasciné par son grand-père sont attendrissantes. Leur relation intime va construire le destin du futur réalisateur né en Malaisie et dont le film Les chiens errants a obtenu le Grand prix du jury à la Mostra de Venise en 2013.

Chaos et mémoires, au Centre Phi, 315, rue Saint-Paul Ouest, Montréal

Consultez le site du Centre Phi