Fondé en 2009, le festival Art souterrain présente sa 15édition jusqu’au 9 avril dans les espaces souterrains montréalais, sur le thème de la fête. Une célébration… des célébrations. Avec la musique, les rencontres, les danses, les partages. Mais aussi les fêtes qui dérapent. Intéressant parcours artistique, gratuit et qui débute aujourd’hui !

Le festival montréalais d’art contemporain durera trois semaines cette année, avec la participation d’une trentaine d’artistes qui exposent dans les espaces de Place Ville Marie, du Centre de commerce mondial, du Palais des congrès, de l’édifice Jacques-Parizeau et de la Place de la cité internationale. Le thème de la fête est né au début de la pandémie quand le fondateur d’Art souterrain, Frédéric Loury, a réalisé que la crise sanitaire nous a largement empêchés de festoyer, de sortir, de rencontrer famille et amis.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Les commissaires Jean-François Prost et Eddy Firmin entourent le fondateur d’Art souterrain, Frédéric Loury.

Pour cette édition, Frédéric Loury a sondé l’artiste Jean-François Prost – qui a publié La fête en 2021, un livre d’art conçu au Brésil. « Avec Jean-François et les commissaires Eddy Firmin (Montréal) et Ayrson Heràclito (Brésil), on a voulu aborder la fête en tant qu’extase, occasion de réunion et de partage, et qu’on parle aussi de l’isolement, de la détresse et des lendemains de fête moins drôles », dit Frédéric Loury.

La fête a aussi un aspect universel. Elle existe pour se détacher de la réalité, voire pour réinventer le monde.

Jean-François Prost, un des trois commissaires de la 15édition du festival Art souterrain

Nous avons commencé notre visite Place de la cité internationale (un conseil : ayez les plans d’Art souterrain avec vous !), avec une murale d’Ayrson Heráclito sur les microcultures du Brésil déclinées sur un char forain. L’artiste torontoise Camille Jodoin-Eng expose, à côté, Disco Teardrop, une boule disco dorée, en forme de goutte. Les petits miroirs marqués de symboles projettent la lumière sur un grand miroir circulaire posé au sol. La boule disco, symbole des fêtes des années 1970.

PHOTO FOURNIE PAR ART SOUTERRAIN

Des panneaux fournissent les plans des lieux d’exposition.

Au sous-sol, You Can Feel It All Over est une œuvre sonore de 30 minutes de Magali Babin qui découle d’entrevues réalisées avec des employés d’entretien, du stationnement ou de la sécurité de l’endroit. On s’arrête, on s’assoit et on écoute les témoignages et des extraits de musique associés aux 22 personnes rencontrées qui parlent de leur approche de la fête. Leur anniversaire, la Saint-Valentin, Noël, Halloween, etc. Un travail délicat avec des gens d’origines diverses et donc des musiques de tous les styles. Intéressant.

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On découvre ensuite les photographies de David Champagne, fort amusantes. Gros fun sale montre des gens qui s’ennuient à mourir alors qu’autour d’eux, c’est la fête ! Un travail sur l’échec de certaines quêtes de plaisir. Plus loin, des photographies de mises en scène féministes d’Annie Baillargeon évoquent l’envers du décor de la fête.

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Une des photos du corpus Gros fun sale, de David Champagne

Les dessous de la fiesta sont aussi le sujet de l’installation La dernière fête, du Franco-Italien Mehryl Levisse. « La fête comme métaphore de la société, dit-il. Comment les minorités sont écrasées par les poids sociaux et les discriminations. » Une vitrine et des photos colorées sur une fête un peu glauque ou qui dérape.

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Mehryl Levisse devant son installation

Eddy Firmin et Géraldine Entiope se sont intéressés au sound system. L’organisation de fêtes où simplement écouter de la musique retransmise par une chaîne stéréo est devenue une tradition dont on retrouve l’origine dans la Jamaïque des années 1940. Les Jamaïcains avaient besoin de se divertir alors qu’ils n’avaient pas accès aux bals des colonisateurs.

Le sound system est une démocratisation de la fête.

Eddy Firmin, un des trois commissaires d’Art souterrain 2023

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Une des photographies d’Ajamu X

Suite du parcours

Le parcours comprend bien des images de populations sud-américaines ou des Caraïbes en train de danser et de fêter dans l’espace public. Au sous-sol de l’édifice Jacques Parizeau, on peut aussi voir trois photographies de l’artiste britannique noir et queer Ajamu X, qui célèbre la masculinité noire LGBTQ+et l’émancipation du corps. « Une célébration de l’intime profondément sensible », dit Eddy Firmin.

À l’entrée du 950, rue du Square-Victoria, l’œuvre de Robbin Deyo est fixée sur les vitres de l’édifice. Des vagues qui miment le rythme musical. Au Centre de commerce mondial, dans un escalier menant au métro, une installation rend hommage au Paradise Garage, l’ancienne boîte de nuit de New York où des générations de jeunes ont festoyé dans les années 1970.

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L’œuvre sur vitre Flow de Robbin Deyo

Place Ville Marie, ne pas manquer la vidéo des fourmis qui transportent des confettis, du duo brésilien Cao Guimarães et Rivane Neuenschwander. Une œuvre délicate sur les conséquences environnementales des fêtes. Au même endroit, des performances musicales sont présentées tous les jeudis.

Né dans la foulée de Nuit blanche, grâce à l’impulsion de Frédéric Loury et à l’aide initiale de Michel Labrecque, Art souterrain est, encore cette année, plus qu’un déploiement d’art. C’est une façon d’animer et de transformer artistiquement le réseau souterrain de la métropole. Une animation trop brève, se dit-on chaque année. Dans une ville de design comme Montréal, réputée pour sa « ville souterraine », Frédéric Loury aimerait bien que nos « catacombes montréalaises » deviennent des lieux d’art tout au long de l’année plutôt que durant trois semaines. « Les artistes, les amateurs d’art et les touristes l’apprécieraient beaucoup, mais ça prend du financement », dit-il. Bon festival !

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