C’est le Festival de Lanaudière qui lance le bal des programmations estivales en musique classique au Québec. Discussion avec son directeur artistique Renaud Loranger.

« Le milieu musical fonctionne à la fois au ralenti et en septième vitesse. On n’a pas tout à fait retrouvé nos marques. Il y a beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas exactement comme avant la pandémie, beaucoup de mécanismes qui sont beaucoup moins fluides, mais j’ai l’impression que tout le monde essaie de faire comme s’il ne s’était rien passé », résume l’administrateur.

Il se dit néanmoins « très fier de ce qui se passe à Lanaudière cette année. Il y a quand même plusieurs blockbusters dans la saison ».

La structure de l’été lanaudois, qui se déroulera du 7 juillet au 6 août, est la même que les années précédentes, avec un week-end d’ouverture assuré par l’Orchestre symphonique de Montréal et un concert de clôture avec l’Orchestre Métropolitain.

PHOTO ANNIE BIGRAS, FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE LANAUDIÈRE

Rafael Payare et l’Orchestre symphonique de Montréal

Dans le premier cas, Rafael Payare dirigera non pas Mahler, comme lors des trois éditions précédentes, mais la bien-aimée Symphonie no 9 en ré mineur de Beethoven, qu’il a donnée en juin passé à la Maison symphonique. L’œuvre n’a plus été jouée au festival depuis 2007. Le lendemain, on aura droit au Concerto pour orchestre de Bartók, mais surtout aux débuts, dans le Concerto no 2 en do mineur de Rachmaninov, du jeune pianiste russe Denis Kojoukhine, qui jouera également Schubert et Liszt en solo le 10 juillet.

« Il appartient à cette génération de virtuoses russes absolument extraordinaire. C’est un garçon qui ne ressemble pas aux autres, qui a une technique extraordinaire, un son d’une épaisseur qui fait penser à Emil Gilels. Ce n’est pas une esthétique qu’on entend souvent aujourd’hui », précise Renaud Loranger, qui a travaillé avec lui à titre de vice-président chez Pentatone.

PHOTO MARCO BORGGREVE, ARCHIVES FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE LANAUDIÈRE

Le jeune pianiste russe Denis Kojoukhine

On retrouvera de nouveau l’OSM et son chef les 4 et 5 août, d’abord pour une intégrale de L’oiseau de feu de Stravinski et le Concerto pour harpe de Reinhold Glière avec le virtuose Xavier de Maistre (également en solo le 2 août), puis pour la Symphonie n2 en do majeur de Schumann et les Wesendonck-Lieder de Wagner avec la mezzo-soprano Karen Cargill, une habituée de l’OSM.

Pour ce qui est du concert de clôture, c’est Yannick Nézet-Séguin qui sera aux commandes de l’OM dans la Symphonie no 6 en si mineur, dite « Pathétique », de Tchaïkovski, donnée l’été dernier au Domaine Forget, mais aussi le Concerto pour piano no 1 en mi mineur de Chopin avec le Sud-Coréen Seong-Jin Cho, un partenaire fréquent du chef québécois.

L’OM et Nézet-Séguin auront eu l’occasion, le week-end précédent, de donner la monumentale Symphonie alpestre de Strauss et le très athlétique Konzertstück pour quatre cors et orchestre de Schumann, avant Les pins de Rome de Respighi et le Concerto pour piano no 3 en ré mineur de Rachmaninov avec Marc-André Hamelin.

Deux pôles

Entre le début et la fin du festival, les mélomanes auront également l’occasion de réentendre le légendaire William Christie et ses Arts florissants, cette fois-ci dans le rare opéra Partenope de Haendel, mais aussi le phénoménal Leonardo García Alarcón, pour la première fois ici avec sa Capella Mediterranea (en plus du Chœur de chambre de Namur) pour rien de moins que L’Orfeo et les Vêpres de la Vierge de Monteverdi.

Côté orchestral, on aura aussi droit aux Violons du Roy (14 juillet) dans un programme tout Haydn et au National Youth Orchestra of the USA sous la direction du chevronné Andrew Davis (16 juillet), qui donneront la Symphonie fantastique de Berlioz, puis le Concerto pour violon de Barber avec l’immense Gil Shaham.

Quant aux récitals en solo et petits ensembles, notons la venue du grand accordéoniste Richard Galliano (9 juillet), un concert Brahms avec le pianiste Charles Richard-Hamelin, le violoniste Andrew Wan et la violoncelliste Alisa Weilerstein (11 juillet), mais aussi des apparitions du Quatuor Calder dans Beethoven (18 juillet) et de la pianiste Angela Hewitt dans Bach (27 juillet).

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DE LANAUDIÈRE

Renaud Loranger, directeur artistique du Festival de Lanaudière

Comme le résume Renaud Loranger, « il y a deux figures tutélaires dans la saison : Monteverdi et Rachmaninov. On a deux pôles extrêmes : l’hybris absolue avec Rachmaninov ; l’ascèse, le renoncement avec L’Orfeo. Haendel et Haydn s’inscrivent à peu près au milieu de cela, comme contrepied des extrêmes, par l’humour ou la transcendance ».

« Tout cela peut permettre, comme l’espérait Fernand Lindsay [fondateur du festival] de son vivant, de proposer des pistes au public pour, dans le meilleur des cas, avancer vers la vie bonne », conclut-il avec philosophie.