(AlUla) Des œuvres du maître du pop art et de l’art moderne Andy Warhol sont exposées pour la première fois en Arabie saoudite, où les autorités cherchent à mettre en avant « les grands changements » en cours dans le royaume ultra-conservateur.  

En plein désert, dans la ville d’AlUla, des portraits iconiques de stars américaines, comme Marlon Brando et Dolly Parton, sont présentés dans le cadre d’une exposition consacrée à la fascination de l’artiste pour la célébrité.  

Mais les organisateurs tentent de faire le parallèle entre le monde incarné par Warhol - la ville de New York il y a un demi-siècle - et l’Arabie saoudite d’aujourd’hui.  

« Warhol a grandi à une époque de changement radical en Amérique dans les années 1950 et 1960, celle de la culture d’une jeunesse pleine de vie et complètement nouvelle » qu’il a reflétée, affirme Sumantro Ghose, directeur de la programmation artistique d’AlUla.  

« Actuellement, en Arabie saoudite, nous vivons une période de grands changements », ajoute-t-il.  

Il serait toutefois difficile d’imaginer un ambassadeur plus improbable que Warhol pour le royaume, où l’essor de la scène artistique se marie à une répression sévère des dissidents politiques, et où l’homosexualité est criminalisée.  

« Icône gay »

Le maître du pop art aux perruques platine et argentées, décédé en 1987, est en effet décrit comme une « icône gay » par le musée Andy Warhol à Pittsburgh, qui a collaboré au projet.  

L’exposition s’intéresse peu à la vie privée de Warhol, car cela ne s’inscrit pas dans le thème de l’exposition qui est la célébrité, selon Patrick Moore.  

« Personne ne m’a jamais dit :’Ne parle pas de lui en tant qu’homosexuel’ », a assuré le directeur du musée Warhol, en affirmant que, lui-même, « en tant qu’homme gay », a pu s’exprimer très librement sur son « identité » dans le cadre de son travail sur l’exposition, qui se tient jusqu’au 16 mai.  

Andy Warhol avait également peu de liens avec le Moyen-Orient, si ce n’est de brefs voyages dans les années 1970 en Iran et au Koweït, où il se plaignait du « café étrange », et écrivait dans son journal intime que « cet endroit n’a pas d’histoire ».  

Mais pour M. Moore, l’artiste aurait apprécié de voir ses œuvres exposées dans la monarchie du Golfe.  

« Je pense que ce pays qui évolue sous nos yeux l’aurait fasciné, et il aurait adoré être peut-être le premier artiste occidental à exposer à ce niveau en Arabie saoudite », a-t-il estimé.  

Organisée dans la grande salle de concert de Maraya, recouverte de miroirs et entourée de montagnes de grès, l’exposition présente des pièces parmi les plus glamours du catalogue Warhol.

Les visiteurs peuvent y découvrir de courtes vidéos de célébrités filmées dans son studio « Factory » de Manhattan : une Edie Sedgwick pensive, un Dennis Hopper sombre et Lou Reed sirotant un Coca.  

Viennent ensuite les portraits de plusieurs grands noms de l’époque : de Jacqueline Kennedy Onassis et Judy Garland à la princesse Caroline de Monaco.  

La dernière partie est consacrée aux fameux « Silver Clouds »,  des grands ballons argentés gonflés à l’hélium.

Influence

En parallèle, une exposition des « 100 meilleures affiches arabes » se tient en plein air, soulignant l’influence de Warhol dans le monde arabe.  

« Vous pouvez voir l’influence (de Warhol) au fil du temps, les couleurs et la culture pop qui découlent de cette époque », souligne Omar AlBraik, un responsable d’ArtsAlUla, l’organisme officiel chargé de l’organisation des activités culturelles dans la ville.

Les organisateurs ont invité l’artiste et photographe marocain Hassan Hajjaj, parfois surnommé « l’Andy Warhol de Marrakech », à réaliser des portraits des habitants d’AlUla sur des fonds de couleurs vives.

Les projets culturels se sont multipliés ces derniers mois dans cette ville, que les autorités tentent de positionner comme un nouveau centre artistique mondial.  

L’initiative est dénoncée par certains comme de l’« Artwashing » (blanchiment d’image par l’art), le royaume étant accusé d’utiliser l’art pour détourner l’attention des violations des droits de l’Homme.  

Mais Donald Warhola, le neveu de Warhol, n’est pas de cet avis. « J’ai lu la presse […] Cela pourrait être interprété comme ’Hey, Andy Warhol est utilisé’, mais je ne le pense pas personnellement », a-t-il affirmé à l’AFP.

« Personne ne sait où cela va aboutir, mais j’ai beaucoup d’espoir », a-t-il encore dit, tout en remerciant le royaume pour « avoir permis à l’art de l’oncle Andy d’entrer dans leur espace culturel ».