À l'occasion des 70 ans du manifeste Refus global, La Maison amérindienne, à Mont-Saint-Hilaire, présente jusqu'au 4 novembre Riopelle - La célébration du beau, une exposition de bronzes, fusains et peintures de Jean-Paul Riopelle. Des oeuvres qui soulignent son amour de la nature et son approche sensible de la vie amérindienne.

Que Mont-Saint-Hilaire participe aux célébrations des 70 ans de Refus global tombait sous le sens. Le manifeste rebelle n'était-il pas une inspiration de Paul-Émile Borduas, né à l'ombre de la colline montérégienne? Jean-Paul Riopelle avait, lui aussi, des atomes crochus avec la région. Il y a souvent taquiné le poisson avec Borduas. Et il a résidé à Otterburn Park puis à Saint-Charles-sur-Richelieu à la fin des années 40.

Par ailleurs, Jean-Paul Riopelle avait appuyé, en 1999, la création de La Maison amérindienne, ce lieu multination administré par des autochtones et fondé par l'artiste peintre André Michel. Il l'avait fait par amitié pour ce dernier, mais aussi à cause de sa sensibilité vis-à-vis des peuples premiers.

Cet appui s'était concrétisé par une importante donation, notamment des artéfacts autochtones et des objets personnels qui ont permis à La Maison amérindienne de constituer son espace Salon Riopelle et d'exposer des oeuvres du grand maître sans payer de droits grâce à une entente avec lui. 

Prêts d'Huguette Vachon

Le lieu d'exposition, bordé ces jours-ci par une érablière «en feu», déploie un ensemble d'oeuvres dont la majorité a été prêtée par la dernière compagne de l'artiste, Huguette Vachon. Des oeuvres qui n'ont jamais ou que rarement quitté L'Isle-aux-Grues et que l'on peut admirer grâce à l'amitié qui lie Mme Vachon et André Michel. 

Riopelle - La célébration du beau permet de renouer avec la richesse artistique de Riopelle, son motif animalier récurrent et cette relation privilégiée qu'il avait avec la nature. La dizaine de bronzes exposés dans de petites vitrines date des années 1969 et 1970, des oeuvres où l'on retrouve son attachement aux animaux de la forêt (hibou, ours, loup). Avec, par exemple, son Hibou-nid, créé en France et pourvu de petits trous pour laisser s'y nicher les oiseaux.

Des sculptures qui se situent, comme ce fut souvent le cas avec Riopelle, entre figuration et abstraction. Comme le rappelle le commissaire de l'exposition, René Viau, Riopelle ne parlait pas d'abstraction, mais évoquait le «geste libre» de s'en rapprocher. Ce geste libre, il est possible de l'apprécier en contemplant ses sculptures. On peut alors ressentir la pression des pouces de l'artiste sur la matière brute dans le but d'en faire jaillir les contours de la vie. 

«On y retrouve le même bouillonnement, le même goût de la pulsion en rafales. Une pulsion vibratoire proche de celle qui anime la pâte, matière de ses époustouflantes peintures mosaïques des années 50. Une même méthode les travaille.»

Hibou accompagné

Une des sculptures provient du dernier atelier de Jean-Paul Riopelle, à l'Estérel. Il s'agit de Hibou accompagné, oeuvre dont il existe trois exemplaires, un hibou en bronze placé contre une roue industrielle en bois et métal pourvue d'un système qui lui permet de tourner sur elle-même. Une oeuvre imposante et lourde, présentée et accrochée dans un caisson de bois.

Les bronzes sont associés à une dizaine de fusains sur papier, une belle série, elle aussi à la frontière entre figuration et non-figuration, réalisée en 1975 et 1976. Avec des thèmes que Riopelle répète: treillis, lignes radiales, enchevêtrements et allusions figuratives.

Quelques techniques mixtes colorées ont aussi été choisies, des encres sur papier et la grande oeuvre Hommage à Calder, créée sur un panneau de 2,44 m x 1,22 m associé à 11 panneaux de 75 cm x 56 cm. Une oeuvre immense peinte à L'Isle-aux-Oyes après que Riopelle eut aperçu un vol de cormorans et alors qu'il avait Alexander Calder à l'esprit. Une oeuvre née de l'amitié et du respect qu'il vouait à Calder.

«Ce vol de cormorans, autant de cintres travaillés avec force et délicatesse, naît des mains de Jean-Paul comme si Calder lui-même dirigeait son geste», écrit Huguette Vachon dans le catalogue.

On découvre aussi des objets de Riopelle dont La Maison amérindienne a hérité. Une veste de chasse en peau de caribou, un petit contenant de liquide lave-glace qu'il s'est amusé à peindre (il l'utilisait pour récolter l'eau d'érable au printemps), des tubes d'acrylique, des pinceaux, une spatule, un petit tambour autochtone et son canot en écorce de bouleau, joliment décoré, que lui avait fait le célèbre fabricant atikamekw de canots César Newashish (1902-1994). 

L'exposition est présentée jusqu'au dimanche 4 novembre et s'achèvera ce jour-là avec, à 14 h, une causerie en compagnie d'Huguette Vachon et de René Viau. À noter que tous les jeudis après-midi, la visite guidée est gratuite.

Avec les belles couleurs de l'automne, le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire et la colline toute proche, une virée dans ce coin de la Vallée-du-Richelieu pour célébrer la beauté ne peut pas mieux tomber. 

À noter, enfin, que jusqu'à dimanche, la maison de la culture Marie-Uguay (6052, boulevard Monk, arrondissement Le Sud-Ouest) présente 13 gravures de Riopelle provenant de la collection de l'Université de Sherbrooke. Bonnes visites!

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Riopelle - La célébration du beau, à La Maison amérindienne (Mont-Saint-Hilaire), jusqu'au 4 novembre.

Photo fournie par La Maison amérindienne

Sans titre, 1976, Jean-Paul Riopelle, fusain sur papier, 65 cm x 50 cm