Lyne Bastien est artiste depuis plus de 30 ans. Elle a gravé, peint et dessiné avant d'enseigner. Lorsqu'elle a appris qu'elle était atteinte d'un cancer, en 2012, elle s'est remise à créer avec une frénésie quotidienne. Ainsi a surgi sa série Clair-obscur, exposée à Dorval jusqu'au 29 mars.

Renaître grâce au cancer. L'expression semble incongrue. Et pourtant, Lyne Bastien n'a jamais eu autant de bonheur à créer que depuis qu'elle se bat contre la sournoise maladie qui s'est attaquée à son corps il y a deux ans.

Lors d'une visite médicale à l'hôpital Royal Victoria, une affiche vantant les vertus de l'art-thérapie lui a redonné le goût de l'art. «J'ai décidé de couper 125 petites feuilles de papier de 5 pouces et demi par 5 pouces et demi et de les préparer avec du gesso et du sable pour créer une surface un peu brute, dit-elle. Je me suis dit que j'allais peindre une feuille par jour. C'est ce que j'ai fait, même les jours où ça n'allait pas du tout, quand j'étais fatiguée après mes traitements et que j'avais des nausées. Pour moi, ç'a été une renaissance. C'est bête que ça nous prenne des coups comme ça pour nous pousser à créer.»

L'artiste originaire de Val-d'Or - dont on retrouve 13 oeuvres dans la collection de Loto-Québec et plusieurs au Cirque du Soleil et à la Banque nationale de Paris - a donc créé plusieurs dizaines de petits formats qu'elle a intitulés Clair-obscur. Ses petites peintures sont dans les tons de noir, de blanc et de beige agrégés par des grains de sable. Ses formes sont rondes ou ovales, comme des cellules ou des espaces lumineux perçant un ciel cosmique.

Le mystère du désordre

Quand elle allait mieux, Lyne Bastien créait de plus grands formats, comme sa série Lueurs, des sortes de brillances émergeant du noir, ses sept tableaux Pèlerinage aux formes rappelant ses petits Clair-obscur ou encore ses deux larges peintures d'un orignal et d'un oiseau.

Mais les plus fortes sont ses deux grandes toiles Oraison 1 et 2, qui font inévitablement penser à des cellules humaines et à ce mystère du désordre qui génère tant d'angoisses et de peurs.

Dans ses oeuvres, il n'y a pas de couleurs vives. On le comprend aisément. Mais de la lumière, oui. On y sent une urgence de créer et le poids de la réflexion. Mais pas celui du doute. Le clair a pris le dessus sur l'obscur.

Pour retrouver chaleur et sérénité, elle a également réalisé une installation faite d'oeufs de différentes tailles et peints dans des variantes de tons allant du blanc au noir en passant par le grège.

Cette installation aux allures de cercle amérindien est un grand rond, comme un feu, comme un nid célébrant la vie, mais aussi l'entraide et l'amour, puisque de nombreux bénévoles et des commerçants de Dorval ont participé à la création de cette oeuvre en fournissant des oeufs de poules.

Les peintures de Lyne Bastien sont accompagnées de textes poétiques écrits par son compagnon, Marc Vachon, qui la soutient depuis le début dans ce combat qui est aussi le sien.

«C'est une toile blanche d'une neige nouvelle à peine déposée. Aucun faux pas sur l'immaculée, aucune ombre, que l'aurore d'une vie dans la lumière qui s'étale», lit-on près des toiles.

Deux jours après le vernissage de cette exposition, Lyne Bastien a appris que les résultats de son dernier examen étaient «fantastiques». «Il n'y a plus de cancer», dit-elle. Alors pour poursuivre son chemin, elle continuera de créer. Elle partira bientôt vivre dans le Grand Nord avec des Inuits.

«Pour m'inspirer du paysage et de la vie là-bas. C'est devenu plus important que jamais de créer, et ça va le rester. Créer, c'est un cadeau que je m'offre.»

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Au Centre culturel Peter B. Yeomans (1401, chemin du Bord de l'Eau, à Dorval), jusqu'au 29 mars.