Après 30 ans d’existence, dont bientôt une décennie sous la gouverne de l’entrepreneur Olivier Primeau, le populaire Beachclub de Pointe-Calumet entamera au mois de mai son dernier été.

« Le Beachclub est mort ! Vive le Beachclub ! », laisse tomber l’entrepreneur de 38 ans. « On va revenir avec un concept qui n’a jamais été vu au Québec ou au Canada. En affaires, se retirer ou se renouveler au top, il n’y a rien de plus payant. On travaille sur les plans. »

Olivier Primeau reçoit La Presse à Laval, dans le quartier général de l’entreprise Midway Group, décrite avant tout comme une « agence marketing », avec son escouade d’influenceurs, son plateau tout neuf d’émission-débat et ses productions exclusivement vouées aux réseaux sociaux.

Le groupe commercialise notamment les boissons prêtes à boire Beach Day Every Day (BDED), fabriquées par Labatt, et produisait jusqu’à tout récemment les festivals Metro Metro et Fuego Fuego, vendus à evenko en janvier dernier.

Avec la fin annoncée du Beachclub, « plus grand club extérieur en Amérique du Nord » qui a vu défiler David Guetta, Tiësto et Martin Garrix, Olivier Primeau enlève quasi complètement sa casquette de promoteur. Seul le festival Escapade, à Ottawa, restera dans son giron, en partenariat avec Live Nation.

PHOTO MATHIEU WADDELL, ARCHIVES LA PRESSE

Des festivaliers au Beachclub

Dans la dernière année, Oliver Primeau a aussi retiré presque toutes ses billes dans la restauration, incluant la franchise Slice Gang Pizza, dont l’établissement de Sainte-Thérèse a été visé par deux tentatives d’incendie en mai 2023. Quelques jours plus tôt, le condo de l’entrepreneur, à Laval, avait été criblé de balles.

Il ne sait toujours pas qui a commandité ces attaques. « Ça brasse tellement au Québec, dit-il. Je suis une personnalité publique, mais ce n’est pas juste moi. Des incendies et des coups de feu dans les restaurants, on en entend parler tous les jours. […] Est-ce que le message a été passé et quelqu’un d’autre y a répondu ? Je ne le sais pas et je pense que je ne le saurai pas. C’est mieux comme ça. Je me concentre sur le positif. »

Une carte professionnelle

En se concentrant sur le marketing et le commerce au détail, l’homme d’affaires explique vouloir s’offrir une paix d’esprit. Le monde évènementiel, par définition, expose à des « côtés négatifs », dit-il. À Pointe-Calumet, les médias auront tour à tour pointé la présence du crime organisé, les plaintes du voisinage, des troubles avec la Régie des alcools, des retards de paiement à des fournisseurs, un litige avec la police de Deux-Montagnes ou encore des impôts impayés.

« On a le spotlight sur nous autres, c’est correct, ça fait partie de la game », commente Olivier Primeau.

Le Beachclub, oui, c’est un club, mais c’est aussi un minifestival tous les week-ends. Du négatif, il y en a dans tous les festivals. J’ai toujours vécu avec et j’ai toujours répondu aux questions. Mais est-ce qu’il y a eu de la désinformation, mettons avec le truc du fisc ? 100 %.

Oliver Primeau

L’entrepreneur affirme ne jamais avoir fait « une cent » avec le Beachclub, qu’il a vite considéré comme une carte professionnelle. « J’ai perdu des millions là-bas. Sauf que d’un autre côté, les canettes BDED ont été créées grâce à ça, on a pu avoir de gros artistes sur nos festivals, lancer Escapade, la restauration, l’évènementiel. Ça a explosé. Ç’aura été un loss leader [produit d’appel] pour nous autres. »

L’aventure promet toutefois d’être rentable grâce à l’augmentation de la valeur du terrain de la presqu’île du lac des Sables, « acheté pour pas cher en 2015 ». « J’ai vraiment pensé le vendre, mais comme un savant l’a déjà dit, le bon Dieu ne va plus jamais créer de terres. Je dis souvent que je ne fais pas d’immobilier, mais mon plus gros move, il est là. »

Olivier Primeau explique avoir décliné des offres d’achat. Il préfère, pour l’instant, rester propriétaire du site, qu’il entend exploiter différemment. Il est question, au cours de la discussion, d’un établissement réservé aux adultes, de restauration, de développement immobilier et de « pancarte d’autoroute » métaphorique pour promouvoir ses boissons prêtes à boire.

Le projet, qui nécessite un changement de zonage, devrait être annoncé à l’automne prochain. « Ça m’a pris six mois convaincre mes partenaires [du Beachclub]. On va devoir réinvestir un autre 2, 3, 4 millions. »

En attendant, l’entrepreneur hyperactif entrevoit le dernier chapitre du Beachclub avec le proverbial sentiment de la mission accomplie.

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Des centaines de retraités de 70 ans et plus lors d’un rassemblement au Beachclub de Pointe-Calumet, en 2018

« L’image que les gens avaient du Beachclub, et que plusieurs ont encore, c’est le gros douchebag. En même temps, on accueille aussi l’initiation des médecins de McGill. Mon activité préférée, c’est d’inviter des gens qui ne sont jamais venus au Beachclub et qui ont des critiques. Ils arrivent et voient que personne ne regarde personne, que tout le monde a du fun et qu’il y a de tout. C’est devenu une salle de spectacle extérieure multigenre : hip-hop, latino, électro. On a vraiment agrandi le brand. »

Le premier DJ à user les platines en 2024, qui sera annoncé ce mardi, promet prestige et nostalgie.

Ses trois moments phares

La journée d’ouverture, 17 mai 2015

« La veille, je vendais des oranges au IGA de mon père. Et là, il y a 6000-7000 personnes au Beachclub. Je voyais un club comme à Miami, avec des gros DJ comme Tiësto. J’ai vu la clientèle et je me suis dit : oh my god, j’ai du travail à faire pour attirer les jeunes. Ce n’est pas du tout ce que j’avais en tête. Ça m’a vraiment marqué. »

Les 18 ans de Kylie Jenner, 16 août 2015

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Kylie Jenner au Beachclub de Pointe-Calumet pour son 18e anniversaire de naissance

« Pas parce que c’est elle, mais parce que le monde entier est débarqué : tous les TMZ, les paparazzis à travers les clôtures. Le monde s’évanouissait. On avait tout un star-system qui débarquait, c’était fou. C’est ça qui nous a mis sur la map. »

Le « bachelor » de Tiësto, 5 août 2019

« Des gars comme Tiësto et David Guetta font ça depuis plus de 30 ans, ils font des millions, ce sont des superstars. Tiësto, qui est venu cinq ou six fois, a fait son bachelor party [enterrement de vie de célibataire] chez nous. Il a fait voler tous ses amis avec des jets. Pas à Vegas, pas à Ibiza, pas à Mykonos, pas à Dubaï. Chez nous, au Beachclub. »

Olivier Primeau sur…

Les menaces du crime organisé

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Un autre cocktail Molotov à la pizzeria d’Olivier Primeau, Slice Gang

En mai 2023, le condo d’Olivier Primeau a été la cible de coups de feu et sa pizzeria Slice Gang de Sainte-Thérèse – il n’est plus copropriétaire – a été visée par une tentative d’incendie à deux reprises. « Ç’a été très difficile : amis, famille, collègues. Je suis devenu parano. J’ai été caché pendant deux ou trois semaines. Ma mère m’appelait en pleurant. […] C’est rough, la restauration. Ça m’a fait réaliser que c’était tellement de job pour un retour tellement petit. J’adore la restauration, mais avec le prix à payer, je voulais mettre mon énergie ailleurs. » Qui aurait pu lui en vouloir ? « Est-ce que c’est moi, est-ce que c’est un partenaire ? Est-ce que c’est le fait que ce soit une pizzeria ? Je n’ai aucune idée et j’ai plein d’idées. Est-ce que je vais le savoir un jour ? Je ne pense pas. On dirait que les gens ne me croient pas quand je dis ça, mais dans la restauration, j’avais beaucoup de partenaires, je travaillais avec beaucoup de personnes, et j’étais un peu la mascotte de tout ça. L’enquête est en cours. »

La commercialisation de l’eau potable

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En 2022, Olivier Primeau et un partenaire ont investi 3 millions dans l’entreprise publique Dominion Water Reserves, devenue Prime Drink Group, qui détient 7 des 42 permis de captation d’eau souterraine au Québec. Ces droits, inexploités pour l’instant, pourraient se traduire par la marchandisation de plus de 3 milliards de litres par année, soit plus du tiers de l’eau potable sous permis de la province. « J’avais plein d’options pour acheter une coquille vide. Je me suis dit : “Tant qu’à acheter une entreprise minière qui a fait faillite, je vais payer un peu plus cher, mais je ne perdrai jamais d’argent avec de l’eau.” Ça n’a aucun bon sens que j’aie pu acheter ça. Comme population, au Québec, on a décidé que les sociétés d’État contrôlaient les plus grosses compagnies. L’eau, un jour, c’est soit qu’elle va être vendue au plus offrant, soit qu’elle va être nationalisée. Je ne comprends pas que le gouvernement ne comprend pas que demain matin, ma compagnie publique peut être achetée et toute cette eau-là n’appartiendra plus aux Québécois. »

Sa « coquille » publique et l’achat d’une usine

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Olivier Primeau

Pour sa première acquisition d’importance, Prime Drink Group a jeté son dévolu sur Triani Canada et son usine de Terrebonne. « Ce n’est pas très excitant quand je dis que j’ai acheté une usine, mais je me suis enfin lancé dans un business coté en Bourse. Les gens voient ce que tu fais et te jugent directement. Chaque annonce a une répercussion directe sur la valeur de l’entreprise. Dans une journée, tu fais 10 millions et dans l’autre, tu en perds 12. » L’établissement de Terrebonne fait partie d’un projet d’« intégration verticale » et doit notamment accueillir les spiritueux et les boissons énergisantes BDED, tandis que le contrat avec l’usine de Labatt pour les boissons maltées court jusqu’en 2026. « Au Québec, on est dans 4500 points de vente pour à peu près 30 millions de business. Aux États-Unis, on va rentrer dans 20 000 points de vente. C’est des affaires de fou. Ça devient trop gros. Je suis à une ou deux années de devoir vendre. Est-ce que c’est ma compagnie publique qui va l’acheter ou un gros brasseur ? » À suivre…