Lors de l’annonce de la mort de Jean Lapointe, nous avons demandé à nos lecteurs de raconter leurs souvenirs de cet artiste aux multiples facettes. Certains y ont relaté les rencontres qu’ils ont eues avec lui et qui illustrent bien son amour des gens. À l’occasion de la chapelle ardente à sa mémoire ce jeudi à l’église Saint-Viateur d’Outremont, nous publions quelques témoignages.

« J’ai eu l’immense chance de rencontrer par hasard monsieur Jean Lapointe au CHUM de Montréal au début des années 2010. Monsieur Lapointe était présent pour des tests concernant une tache sur un de ses poumons, alors que ma femme, qui avait un cancer du sein très agressif (elle est décédée en 2016), y était pour divers tests.

Monsieur Lapointe s’est assis devant nous avec sa femme dans la salle d’attente et spontanément, c’est lui qui a commencé à nous parler.

Nous avons parlé naturellement de maladie et d’à peu près tout ce qui nous passait par la tête. Monsieur Lapointe nous a mis immédiatement à l’aise en nous demandant de l’appeler Jean et non pas monsieur Lapointe. Il a été d’une gentillesse, d’une spontanéité et d’une simplicité agréables.

Avant de partir, après son examen, il a pris des nouvelles de ma femme qui était encore en tests et est venu près de moi pour me serrer la main et me dire qu’il était content de nous avoir rencontrés. Je n’ai jamais oublié notre rencontre. »

Christian McSween

« En septembre 1970, j’ai pu rencontrer M. Lapointe chez lui. Il avait accepté de me recevoir. Mon but ? Obtenir le texte d’une chanson écrite en hommage au peintre de Sainte-Rose Marc-Aurèle Fortin. J’en étais à ma première année d’enseignement au primaire dans une nouvelle école de Fabreville au nom du peintre. Non seulement M. Lapointe a-t-il accepté de me transmettre le texte de cette chanson portant le titre Le peintre à bicyclette, mais il a aussi accepté (j’avais tenté le coup) de venir à l’inauguration de l’école et de chanter cette chanson devant les élèves et parents. Un moment et surtout une rencontre que je n’ai jamais oubliés… il y a 52 ans. Merci, M. Lapointe. »

Guy Bourdages

« Dans les années 1980, j’étais journaliste à Québec dans le milieu artistique. Jean Lapointe était alors au faîte de sa gloire. Les gens faisaient la file durant de très longues périodes en plein hiver afin de se procurer des billets pour assister au spectacle extrêmement couru qu’il donnait au Grand Théâtre où il mêlait musique, humour et tendresse dans un mélange qu’aucun autre artiste québécois n’est parvenu à répéter avec le même brio. […]

Il logeait toujours dans une chambre ou une suite du Château Frontenac quand il se produisait à Québec. Il m’avait raconté qu’il avait donné des directives à la réception de l’hôtel : “Vous me passez tous les appels qui sont faits à ma chambre.” Il ne voulait pas de filtre. Il prenait tous les appels de gens qui voulaient lui parler.

En entrevue, je lui avais demandé, à tout hasard, s’il jouait aux échecs. Il m’avait lancé son beau sourire rayonnant. “Oui, m’avait-il répondu. J’ai appris à jouer en studio pour passer le temps entre deux prises.” Il avait poursuivi en me disant qu’il disputait des centaines de matchs. Je m’étais étonné : des centaines de parties ? Contre un logiciel d’échecs, m’avait-il précisé, un jeu qui commençait à peine à cette époque. Il m’avait indiqué le nom de ce logiciel. Je m’en souviens encore aujourd’hui : Sargon 111. Je suis moi-même joueur d’échecs. “Je t’en ferai une copie”, m’avait-il lancé. Mais j’y avais vu davantage un geste de courtoisie qu’un véritable engagement.

Environ deux semaines plus tard, le téléphone sonne chez moi. À l’autre bout du fil, c’est lui. “Salut, me dit-il comme si nous étions des connaissances de longue date alors que je l’avais rencontré à peine deux fois. C’est Jean Lapointe. Ta copie de logiciel d’échecs est prête. Viens la chercher à ma chambre au Château…”

J’étais soufflé. Complètement. Je m’étais rendu au Château. Comme il était friand de tarte au sucre, m’avait-il déjà dit, je lui avais apporté celle qui était cuisinée au restaurant de mon père à Saint-Georges-de-Beauce. Logiciel d’échecs contre tarte au sucre, c’était un excellent échange ! De mon côté, dans les années qui ont suivi, j’ai disputé des centaines de parties d’échecs rapides grâce au Sargon 111. Chaque fois que j’ai ouvert mon logiciel pour lancer une autre partie, j’ai eu une pensée en sa direction !

Comment un artiste peut-il être à la fois si grand et rester en même temps aussi simple et aussi près des gens que l’a été Jean Lapointe ? Je ne sais pas, mais je suis absolument certain d’une chose, c’était naturel et sincère chez lui. Il avait le cœur aussi gros que le Château Frontenac, comme il l’a aussi démontré avec la Maison qui porte son nom. »

Denis Méthot

« C’était à l’été 2016, je préparais en secret le 50e anniversaire de mon conjoint et je m’étais mis en tête de communiquer avec les artistes et personnalités qui avaient marqué et inspiré mon conjoint. Parmi eux, le grand Jean Lapointe ! J’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai écrit pour lui dire comment il avait marqué mon conjoint – particulièrement par la personne qu’il était, par son parcours et par ses œuvres, notamment son interprétation incroyable dans la série Duplessis.

Rapidement, j’ai reçu un message téléphonique de sa part. Un message qui, comme c’était souvent le cas avec M. Lapointe, a suscité toute une gamme d’émotions. En l’écoutant, je suis passée de la surprise à l’émoi et au rire. Il me disait que mon message l’avait touché, qu’il m’invitait à le rappeler, car il souhaitait faire un geste pour souligner l’anniversaire de mon conjoint. Imaginez ! Il terminait en disant : “Votre message m’a touché. Vous me semblez des gens bons. Pas des jambons, mais bien de bonnes personnes !” J’en ris encore.

Je l’ai rappelé sur le coup, on s’est parlé quelques minutes, il m’a demandé mon adresse pour me faire parvenir un coffret de son œuvre. Encore aujourd’hui, j’ai des frissons à me rappeler ce moment. Imaginez maintenant la surprise de mon conjoint quand, le jour de son anniversaire, en compagnie de nos familles et de nos amis, je lui ai fait écouter le message de M. Lapointe et que je lui ai donné le cadeau que lui offrait son idole. »

Anne Lamothe

Derniers hommages à Jean Lapointe

Le public pourra rendre un dernier hommage à Jean Lapointe en chapelle ardente ce jeudi à l’église Saint-Viateur d’Outremont, de 17 h 30 à 22 h, en présence de ses proches. Une cérémonie funéraire privée se tiendra dans la même enceinte ce samedi, à 11 h. Elle sera télédiffusée sur ICI RDI.