L’année 2022 a présenté plus d’un côté obscur. Un horizon souvent sombre duquel ont néanmoins émergé quelques rayons de soleil. Nos chroniqueurs reviennent sur un évènement qui leur a permis d’y croire et un autre qui les a découragés.

Une chose qui m’a fait espérer

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Adib Alkhalidey

Québécois Tabarnak d’Adib Alkhalidey

Dans son spectacle, Adib Alkhalidey joue habilement avec les mots autant pour faire des blagues très premier degré que pour lancer des phrases qui font réfléchir. « Rire, c’est la conséquence du miracle de la démocratie », dit-il. Alkhalidey se décrit comme un funambule sur le mince fil entre la décence et l’indécence. Il mène son récit de main de maître, en prenant bien des détours, de plus en plus drôles et absurdes. Ce n’est pas un spectacle frontalement ou démesurément politique. Des blagues de biscuits sont le prétexte à des paraboles et à des métaphores sur le privilège que l’on a de vivre ici, en paix et en liberté. Il parle du regard que l’on porte sur lui depuis qu’il est petit, des fois où on lui a dit « retourne dans ton pays ». Mais ce n’est pas un spectacle sur ce qui nous divise. C’est un spectacle sur ce qui nous unit.

Une chose qui m’a fait désespérer

PHOTO SCANPIX DENMARK, REUTERS

Salman Rushdie

La tentative d’assassinat de Salman Rushdie

Ce que plusieurs redoutaient depuis 33 ans s’est produit en août dernier. L’auteur des Versets sataniques, Salman Rushdie, 75 ans, a été attaqué et poignardé plusieurs fois par un homme de 24 ans alors qu’il se trouvait sur scène avant une conférence littéraire. Rushdie était à Chautauqua, petite ville du nord-ouest de l’État de New York, afin de discuter devant quelque 4000 spectateurs du statut des États-Unis comme refuge pour les écrivains en exil et les artistes menacés de persécutions. Triste ironie. Cette attaque inspirée d’une fatwa de l’ayatollah Khomeini datant de 1989 a fait perdre l’usage d’une main et d’un œil à Rushdie. Cette tentative d’assassinat était non seulement dirigée contre un homme libre et contre un écrivain courageux, mais aussi contre l’art et la liberté d’expression.

Une chose qui m’a fait espérer

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

La foule à un des spectacles de Stromae au Centre Bell, en novembre dernier

Redécouvrir que l’art est vital

Depuis le début de l’année, le retour du public dans les salles de spectacle se fait graduellement. En attendant de retrouver le rythme de croisière d’avant la pandémie, je me console en découvrant que, privés de grands pans d’art et de culture, les Québécois ont trouvé de nouveaux moyens de nourrir leur cerveau. La lecture, les livres audio, l’écoute de la radio et de la télé, les spectacles télédiffusés en circuit fermé, tout cela est venu à notre rescousse avant le grand redémarrage du printemps dernier. Cette expérience m’a montré que l’être humain ne peut se passer du travail des créateurs. L’art est un élément nutritif essentiel à son développement et à sa survie.

Une chose qui m’a fait désespérer

PHOTO SPENCER COLBY, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Catherine Tait, PDG de Radio-Canada

La persistance du « Québec bashing »

Le mouvement qui tend à augmenter la place des groupes minoritaires dans toutes les sphères de la société, notamment dans le monde des arts et des communications, est souhaité par une forte majorité de la population. Difficile d’être contre la vertu. Mais je déplore que, du même coup, on fasse perdre aux francophones ce statut qui leur revient encore. Les propos rapportés par le bureau de Catherine Tait, PDG de Radio-Canada, selon lesquels « la conversation sur le racisme n’est pas aussi avancée au Québec » marquent l’année 2022 au fer rouge. Il y a quelque chose de « vous, on vous a assez entendus » dans ces mots offensants et irréfléchis.

Une chose qui m’a fait espérer

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Annie Ernaux, lauréate du Nobel de littérature

Le Nobel à Annie Ernaux

Les parieurs misaient sur Houellebecq, c’est Ernaux qui l’a eu, le Nobel de littérature. Elle est la première femme de lettres française à recevoir ce prix qui a une résonnance mondiale, alors que la France a été particulièrement célébrée par le Nobel dans son histoire, mais principalement pour ses écrivains hommes. Ce pays de littérature où le scandale Patrick Poivre d’Arvor montre tout ce qu’il y a de dégueulasse dans le milieu littéraire parisien et où les misogynes crient au scandale devant cette reconnaissance… Dans ce contexte, le Nobel à Annie Ernaux aura été mon phare dans la nuit.

Une chose qui m’a fait désespérer

PHOTO STÉPHANE MAHÉ, ARCHIVES REUTERS

Manifestation à Paris dénonçant l’inflation galopante et l’inaction gouvernementale contre la crise climatique, à laquelle participent des personnalités politiques de gauche, dont le chef de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon (au centre), le 12 octobre

La crise écologique et économique

Par où commencer ? Nos sociétés sont devenues des coupe-gorges, je me demande tous les jours comment nous pourrons tenir si les gens n’arrivent pas à arriver, qu’il s’agisse d’avoir un toit ou de payer le panier d’épicerie, cela sur fond de crise climatique qui va continuer de tout bouleverser. Heureusement qu’il y a les arts pour nous garder un peu ensemble, pour nous faire réfléchir à notre époque. Ce n’est pas encore revenu comme avant la pandémie, mais ça n’a jamais arrêté, même au pire des creux.