Projet pigeons est le premier film que scénarise et réalise le comédien Emmanuel Schwartz. C’est aussi l’envol des élèves de la cohorte 2020-2021 du programme d’interprétation théâtrale du collège Lionel-Groulx. Par-dessus tout, c’est une émouvante réflexion sur la place de l’art dans nos vies. Le film sera présenté au Théâtre Outremont, jeudi soir, et au MNBAQ, à Québec, vendredi, dans le cadre du Festival international du film sur l’art, où il figure en compétition officielle.

Tourné en noir et blanc, le film de fiction plonge les cinéphiles à l’intérieur d’un groupe de finissants en théâtre, alors que l’un d’eux vient de mettre fin à ses jours. On assiste alors aux réactions de ceux qui restent, on les entend réfléchir aux abus de pouvoir dans le milieu et à ce qu’ils sont prêts (ou non) à accepter pour travailler. Le tout est entrecoupé de réflexions philosophiques et émouvantes sur ce qu’ils attendent de l’art dans leur vie.

PHOTO FOURNIE PAR LE FIFA

Scène du film Projet pigeons

Plus de 18 mois après le tournage, La Presse leur a demandé à nouveau ce qu’ils attendent de l’art. « Un peu de sens, répond l’élève de dernière année Benjamin Therrien. Quand je regarde les nouvelles, on dirait que ce n’est pas le monde dans lequel j’aurais aimé vivre quand j’étais enfant, mais que l’art peut me donner un sens et m’aider à être heureux là-dedans. »

Son ancienne collègue, Victoria Leblanc, souhaite quant à elle devenir un vecteur de changement.

Ce qui me donne envie de faire de l’art, c’est la possibilité de créer une poussière de quelque chose qui va faire que le monde va peut-être aller un peu mieux.

Victoria Leblanc, élève en théâtre

Proposition inattendue

Le réalisateur, présent par visioconférence, les écoute avec émotion. « J’adore leurs réponses, dit Emmanuel Schwartz. Selon moi, les thèmes difficiles abordés dans le scénario ne pourraient pas l’être autrement que par l’art. On peut en discuter entre amis ou dans un contexte très balisé où tout le monde se sent en sécurité, mais quand on entre dans le territoire de l’art, on peut tout dire, aller trop loin, se reprendre et émettre des nuances qui ne seraient pas possibles dans la vie de tous les jours. »

Dès les premiers instants du film, on comprend que le comédien possède un véritable talent pour scénariser et réaliser. Pourtant, le projet est né de façon inattendue. Après avoir mené un atelier avec les apprentis-comédiens, la pandémie a frappé et il a eu l’idée d’un film en forme de point d’orgue de leur parcours.

« Le moment le plus paniquant après l’école de théâtre, c’est le premier été, si tu n’as pas encore de contrats, explique-t-il. J’ai voulu faire quelque chose pour les occuper. Le Collège m’a ensuite demandé si je pouvais tourner le film que j’avais écrit pour eux avec le budget d’un spectacle de fin d’études. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Benjamin Therrien

Un projet fort apprécié des cégépiens. « La proposition du film est arrivée il y a deux ans quand tout s’est arrêté et qu’on s’est retrouvés à suivre des cours de clown sur Zoom, se souvient Benjamin Therrien. Manu a eu le courage de proposer un projet qui s’adaptait parfaitement à la situation. »

Je nous trouvais chanceux de faire ça quand je voyais d’autres étudiants en interprétation travailler sur scène avec des masques.

Benjamin Therrien, élève en théâtre

Transition aisée

Pour des acteurs principalement formés pour jouer sur les planches, le travail à la caméra a été une exploration très intéressante. « À l’exception d’une forme de technique vocale, presque toutes les compétences acquises au fil de leur formation en théâtre sont récupérables pour le cinéma », explique Emmanuel Schwartz.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Victoria Leblanc

Victoria Leblanc a beaucoup aimé naviguer entre les deux formes de jeu. « On n’est pas allés juste dans quelque chose de cinématographique, dit-elle. On montre l’intensité de l’école de théâtre et dans notre jeu, mais adaptée pour la caméra. »

D’étape en étape, ils ont analysé le texte, l’histoire et les personnages avant de vivre un tournage avec Schwartz. « Manu nous parlait beaucoup de l’état de grâce dans lequel il voulait nous amener, dit Benjamin Therrien. Avec le temps, on peut se perdre là-dedans, mais quand on a vu le film pour la première fois, on a compris où il voulait nous amener. Je n’avais pas l’impression que c’était nous qui avions fait ça tellement le résultat est cool. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Emmanuel Schwartz

Heureux de faire un bilan, même en pleine entrevue avec La Presse, le réalisateur considère que les finissants lui prêtent beaucoup d’intentions qui n’étaient pas nécessairement conscientes. « Les entendre me replace dans la posture de l’étudiant qui n’est pas encore submergé dans le métier et qui projette beaucoup de choses sur les professionnels qui viennent travailler avec nous. Ce qu’ils disent me fait plaisir, mais comme directeur d’atelier et réalisateur, j’ai l’impression de transmettre ce que je pense avoir saisi du métier de manière un peu désorganisée et à l’instinct. La transmission est une expérience artistique pour moi. »

Projet pigeons est diffusé dès maintenant en ligne sur le site du Festival international du film sur l’art et sera présenté en présence du réalisateur, ce jeudi, au Théâtre Outremont et le 18 mars au Musée national des beaux-arts du Québec.

Consultez la fiche de Projet pigeons