Oubliez la patinoire, les chandails de hockey et l’arbitre au sifflet aiguisé. La Ligue nationale d’improvisation (LNI) repousse une fois de plus les limites du genre avec un tout nouveau projet virtuel. Son titre : Focalisation zéro.

La mission est osée pour les 17 casse-cous de l’improvisation qui ont décidé de plonger : créer en direct à la caméra de courtes fictions tout en suivant les directives d’un narrateur omniscient qui dévoile au compte-gouttes les détails de son récit.

Plusieurs figures connues du public participent au projet, tant du côté des improvisateurs que des auteurs/narrateurs. Ainsi, Sophie Cadieux, Laurent Paquin, Eve Landry et Guy Jodoin créent en instantané des fictions inspirées des univers proposés par Louise Portal, Marc Séguin, Chrystine Brouillet ou encore Guillaume Corbeil.

L’idée mijotait dans la tête du directeur artistique de la LNI, François-Étienne Paré, depuis quelque temps déjà.

On a déjà testé, à l’invitation du théâtre Espace Libre, une formule de courts spectacles sur scène avec bande narration préenregistrée. On avait aimé le résultat, seulement le développement de ce projet s’inscrivait mal dans le calendrier chargé de nos activités.

François-Étienne Paré, directeur artistique de la LNI

La pandémie, qui a forcé notamment l’annulation de la Coupe Charade, leur en a donné l’occasion. « Avec la pandémie, nous nous sommes demandé comment offrir une production de qualité à ceux qui nous suivent. Il y a eu des expériences d’impro sur Zoom, mais je voulais aller plus loin dans la qualité de production… Je voulais aussi neuf narrateurs d’horizons divers, comme les arts visuels, la bande dessinée ou le théâtre, pour proposer des univers différents. »

Neuf épisodes de vingt minutes ont ainsi été conçus. Pour chacun, on découvre en même temps que les improvisateurs – un gars et une fille, toujours – les détails de l’histoire à créer. Puis, action ! Le récit se déploie devant la caméra, dans de vrais lieux, avec de vrais accessoires et de vrais costumes. Les interventions du narrateur, hors champ, viennent s’ajouter pour relancer l’improvisation.

PHOTO FOURNIE PAR LA LNI

François-Étienne Paré, directeur artistique de la LNI, veille sur le bon déroulement de la captation.

Le tout est ensuite resserré au montage. Des scènes en noir et blanc, où on suit les comédiens dans les coulisses, s’ajoutent. À la lumière des deux premières capsules dévoilées aux journalistes, le résultat est très probant. Le fait d’approcher les artistes avant et après les segments improvisés ajoute à l’intérêt.

L’inconnu total

L’actrice et metteuse en scène Ines Talbi a accepté l’invitation de la LNI à titre d’improvisatrice. « Je n’avais jamais rien vécu de tel. C’est à la fois super excitant et super stressant, car on est dans l’inconnu total. J’étais au maquillage et je ne savais rien du personnage que j’allais incarner. Il y a énormément de contraintes, mais en même temps, ça laisse beaucoup de place à la création. » Son improvisation était plantée, à l’idée du bédéiste Jean-Paul Eid, dans l’hypothétique enfance de Donald Trump…

Pour la dramaturge Rébecca Déraspe, l’expérience de la narration s’est avérée tout aussi enrichissante. « Ça m’a véritablement sortie de ma zone de confort, ce qui est toujours un beau défi. Je me suis lancée sans savoir ce qui allait advenir, ni pour qui je devais écrire. » Son histoire de rencontre désastreuse entre deux utilisateurs de Tinder a servi de terrain fertile pour le duo composé de Sophie Cadieux et LeLouis Courchesne. « Ils ont été extraordinaires ! J’ai été étonnée du résultat et de la qualité de l’objet fini. Je ne m’attendais pas à ça. »

Le défi de l’équipe de réalisation, de son côté, est de ne rien échapper. Nous n’avons que des premières prises avec lesquelles travailler ! Et c’est important de montrer toute la vitalité des acteurs en jeu, de filmer leurs réactions aux indications de l’auteur.

François-Étienne Paré, directeur artistique de la LNI

« Robert Gravel disait que lorsqu’on écrit des improvisations, on n’a pas la qualité de plume d’un auteur qui développe son scénario et son style depuis des années. Par contre, ce qu’on perd en qualité de plume, on le gagne en vitalité. »

« Il faut donc montrer la peur des acteurs, leurs déceptions parfois ou leur satisfaction devant ce qu’ils ont fait. Ils ont beaucoup moins de contrôle sur le contenu que sur la patinoire ; le public va ressentir leur vertige. Et, j’espère, découvrir en même temps quelque chose de nouveau. »

Le premier épisode de Focalisation zéro est offert le jeudi 15 avril. Ensuite, deux épisodes seront dévoilés par semaine. Tarif : 10 $ par épisode, 70 $ pour les neuf épisodes.