Le producteur et scénariste Will Reiser s'est retrouvé, à la mi-vingtaine, en équilibre entre la vie et la mort. Le crabe l'a terrassé. Mais il est sorti vainqueur du combat. Quelques années plus tard, encouragé par son ami Seth Rogen, il a exorcisé cette parenthèse douloureuse dans un scénario en équilibre entre le drame et la comédie. Comme ses artisans, le résultat, 50/50, est tout sauf tiède. Rencontres.

C'était au début des années 2000. Deux Vancouverois dans la jeune vingtaine faisaient leurs premières armes à Hollywood. Seth Rogen et Evan Goldberg étaient parmi les scénaristes du Da Ali G Show mettant en vedette Sacha Baron Cohen. Dans les coulisses de l'émission, ils ont croisé un producteur associé de leur âge, Will Reiser. Se sont lié d'amitié avec lui. Le rythme de travail était insensé, c'était du sept jours sur sept, du 24 heures sur 24. Mais, bon, à 20 ans, ce n'est pas la fin du monde.

Sauf que ça semblait l'être pour le troisième membre du trio: «Evan et moi avons littéralement vu Will se désagréger sous nos yeux. C'était comme dans Raiders of the Lost Ark, quand les Nazis fondent. Mais nous ne savions pas qu'il était malade et souvent, on faisait des blagues avec ça. Et il riait avec nous», se souvient Seth Rogen, rencontré pendant le TIFF.

Finalement, huit mois après que la série ait été bouclée, Will Reiser a lancé la bombe: il avait un cancer. Une tumeur dans le dos. Traitements, opération. Les mois qui allaient suivre seraient difficiles. «On n'était pas préparés à l'aider, poursuit Seth Rogen. Alors, on faisait ce qu'on sait faire: des farces. On disait qu'il fallait faire un film de cette histoire... et quand il s'est senti mieux, on a commencé à y penser plus sérieusement.»

Cela a donné 50/50. Un film «dont le thème n'est pas le cancer, mais avoir 27 ans et être atteint d'un cancer. Ce n'est pas la même chose», souligne le réalisateur Jonathan Levine. Un scénario qui a porté plusieurs titres, dont I'm With Cancer: «Mais avouons que le cancer n'est pas le sujet le plus attrayant, laisse tomber Seth Rogen avec ce rire reconnaissable entre tous. Nous voulions faire une comédie dramatique pour tous, nous ne pouvions pas la coiffer d'un titre qui nous aliénerait immédiatement une partie du public potentiel.»

Il a fallu deux ans à Will Reiser pour se sentir prêt à écrire «son» histoire. «Ça a été dur par moments, cathartique à d'autres, indique-t-il. Mais je voulais le faire parce qu'il y a tellement de choses que je voulais dire.» Entre autres, qu'il est normal que les amis ne sachent pas quoi dire, quoi faire. «Des copains ont disparu parce qu'il ne savait plus comment m'aborder.» D'autres sont restés. Ne faisant pas toujours la bonne chose, mais étant là.

Will Reiser s'est inspiré de plusieurs d'entre eux, dont Seth Rogen bien sûr, pour créer le personnage de Kyle - incarné par Seth Rogen. Face à lui, l'ami malade, l'alter ego de Will, a pris le nom d'Adam. Il devait, au départ, être interprété par James McAvoy. À la suite d'un conflit d'horaire, le rôle est allé à Joseph Gordon-Levitt. Une semaine avant le début du tournage à Vancouver: «C'est un film à petit budget, nous ne pouvions pas attendre, raconte Jonathan Levine. J'ai envoyé le scénario à Joseph, il est venu me rencontrer, nous avons parlé de tout et de rien pendant toute une soirée, je me suis réveillé le lendemain avec la gueule de bois en me disant que je n'avais pas «vendu» le projet. Sur ce, il m'a appelé et m'a dit qu'il embarquait.»

Sa première scène: se raser la tête, sous l'oeil catastrophé de Seth Rogen - qui, en tant que producteur de 50/50 (avec Evan Goldberg, bien sûr), a eu «à critiquer Will durant l'écriture du scénario»: «C'est son histoire, ce n'était pas facile de le faire retourner à sa table de travail, mais il le fallait. Adam était, au départ, trop sympathique. Et l'histoire, dans sa première version, sombre et déprimante. Il a fallu tout réécrire, ne pas rester fidèle aux faits, mais plutôt aux émotions, comment nous nous sommes sentis à travers la maladie de Will, comment nous avons, tous, changé. Et puis, il fallait distribuer des rires à travers tout le scénario.»

Parce que rires il y a. Cinquante pour cent du temps, quoi. «Je viens d'une famille qui a traversé des temps durs, mais où on a toujours su rire. Ce n'est pas toujours la chose la plus appropriée à faire, mais parfois, c'est la seule chose que vous pouvez faire», dit Will Reiser, qui s'est plié aux demandes de son producteur et pour qui, de toute manière, «le meilleur humour découle du drame».

Il découle aussi de certains personnages. Autour d'Adam évoluent trois femmes très différentes les unes des autres: sa mère, interprétée avec autant de tendresse que de flamboyance par Angelica Houston; sa petite amie, «un personnage difficile à interpréter, car il fallait qu'on en saisisse tout le désarroi: elle vient de commencer sa relation avec Adam, ils ne sont pas faits l'un pour l'autre, c'est évident, elle est en voie de le laisser tomber quand elle apprend qu'il est malade. Or, ça ne se fait pas, de quitter quelqu'un dans de telles circonstances. Elle va essayer de composer avec la situation, mais assez maladroitement. Elle n'est pas machiavélique, simplement pas à la bonne place et désemparée», assure Bryce Dallas Howard, qui l'incarne; et la psychologue que l'hôpital lui assigne: «Ils font la paire, Adam et elle: ils vivent des choses qu'ils sont trop jeunes pour vivre. Lui, le cancer. Elle, la prise en charge de gens malades alors que, sous sa façade de «je-sais-tout» se cache beaucoup d'insécurité, car elle se sent, se sait incompétente», explique Anna Kendrick, qui tenait mordicus à avoir ce rôle.

En fait, en présence des artisans de 50/50, on sent la passion qui a porté ce projet. Et la fierté que tous éprouvent de l'avoir mené à terme. Comme le dit Seth Rogen: «On a pris ce qui est arrivé de mauvais, on en a fait quelque chose de bon.» Un film drôle à 50%, dramatique à 50%. Réussi à 100%.

50/50 (50/50) prend l'affiche le 30 septembre