La série Grand Theft Auto, enfant terrible de l'industrie du jeu vidéo, frappe à nouveau. La quatrième version du titre le plus controversé de l'histoire du divertissement vidéoludique est disponible depuis hier en magasin, et les boîtes s'envolent comme des petits pains chauds. Mais cette fois-ci, le débat moral que GTA a l'habitude de soulever ne semble pas avoir lieu.

Comme c'est désormais la norme pour les sorties de jeux très populaires, plusieurs grandes chaînes d'électronique ont ouvert leurs portes à minuit hier, attirant des dizaines de gamers. «Pour les ventes, c'est du jamais vu. Nous avons écoulé au-delà de 1000 copies en une seule journée», affirme Jean-François Patenaude, gérant du magasin spécialisé GameBuzz, rue Sainte-Catherine. Même son de cloche à la boutique Micro-Play de l'avenue du Mont-Royal, où tous les exemplaires non réservés ont trouvé preneur en quelques heures.

La série Grand Theft Auto, lancée en 1997 par l'éditeur Rockstar Games, met en scène un héros voyou qui fait son chemin dans le monde du crime. Vols de voitures, règlements de comptes violents, assassinats de policiers et exploitation de prostituées sont au menu. Pour la quatrième version du jeu, l'éditeur met en vedette un immigrant d'Europe de l'Est et ex-soldat pendant la guerre de Bosnie, Niko Bellic, qui souhaite vivre le rêve américain en débarquant à Liberty City (sorte de New York City virtuel décadent).

Aux États-Unis, la série compte plusieurs joueurs devenus tristement célèbres. Parmi eux, Devin Moore, un garçon de 17 ans qui est accusé d'avoir volé le pistolet d'un policier et de l'avoir assassiné, ainsi que deux de ses collègues, en 2003, après avoir été arrêté pour une banale histoire de voiture volée. En 2005, le jeu, classé «M» (pour 17 ans et plus), a aussi défrayé la chronique à cause d'une mission cachée appelée Hot Coffee, dans laquelle le héros devait faire le tour de la ville pour obtenir des faveurs sexuelles de ses maîtresses, le tout présenté de façon très explicite. Sous pression de grands détaillants, Rockstar avait dû rappeler des millions d'exemplaires et a vu la cote de son jeu être revue à «R» (18 ans et plus). Dans la foulée, la sénatrice Hillary Clinton, indignée et soutenue par une coalition de politiciens influents de Washington, avait demandé une vaste enquête publique sur l'efficacité de l'ESRB, qui attribue les cotes aux jeux vidéo.

Mais cette fois-ci, pour la sortie de Grand Theft Auto IV, Hillary Clinton a préféré passer son tour, rapporte le site spécialisé CNET. «Nous ne commenterons pas», a dit une porte-parole. Un des principaux pourfendeurs de la série, l'avocat Jack Thompson, qui a soulevé à maintes reprises un tollé à propos des jeux controversés de Rockstar, a aussi eu de la difficulté à faire entendre sa voix. «Je pense que ça démontre que l'industrie du jeu est maintenant mieux organisée. Ils ont des dizaines de lobbyistes qui s'assurent que le message selon lequel les jeux vidéo ne s'adressent pas nécessairement aux enfants passe», estime Éric Hébert, gérant à la boutique Micro-Play.

Des études sérieuses, notamment effectuées par le professeur André Caron, de l'Université de Montréal, tendent par ailleurs à soutenir la cause des jeux vidéo violents en démontrant qu'il n'y a pas nécessairement de lien direct entre l'exposition à la violence dans les jeux et le fait de passer à l'acte.