Les Canadiens ont déjà inscrit plus de deux millions de numéros de téléphone sur la liste que le gouvernement fédéral a établie le 30 septembre dernier pour protéger les consommateurs contre la sollicitation téléphonique.

Est-ce que cela signifie que les entreprises se tourneront vers le marketing sur l'internet et feront déborder les boîte de réception de courriels?

«Il y a peut-être une possibilité, mais ça m'étonnerait un peu, déclare Sylvain Sénécal, professeur de marketing à HEC Montréal. Il y aura peut-être un peu plus de pourriels, mais ils seront souvent interceptés avant que nous ne les recevions.»

Il rappelle que le modèle d'affaires des entreprises de télémarketing est basé sur les centres d'appels et les listes de numéros de téléphone à appeler.

«Mais si ces firmes voient qu'une grosse proportion de la population s'inscrit sur la liste nationale et qu'elles n'ont plus personne à appeler, elles vont peut-être repenser leur modèle d'affaires.»

Il affirme cependant que plusieurs obstacles se dressent devant les entreprises de télémarketing qui voudraient se recycler.

«Elles ne sont pas en mode de questionnaires électroniques, affirme-t-il. Elles ne sont pas équipées, elles n'ont pas de listes de courriels. Il leur faudrait louer des listes, aller sur des sites publics pour trouver des numéros, mais elles seraient vite identifiées comme des émetteurs de pourriels.»

M. Sénécal ajoute que la vente personnalisée, soit par téléphone, soit en personne, demeure plus efficace pour les vendeurs que la vente sur l'internet. «Quand les agents font de la vente en télémarketing, ils ont une liste de contre-arguments, ils peuvent discuter en temps réel, rappelle-t-il. Sur l'internet, on a moins cet aspect de vente à pression ou de stratégie de vente pour amener les gens à dire oui.»

Même dynamique

Une petite entreprise de Québec qui se spécialise dans le marketing sur l'internet, REP Solution Interactive, tente cependant de tirer avantage de l'établissement de la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus (LNNTE).

«Le courriel est une excellente alternative au téléphone dans le développement des affaires puisque la nouvelle législation (LNNTE) ne l'affecte pas», fait valoir REP Solution Interactive dans un communiqué diffusé jeudi dernier, moins de deux jours après l'entrée en vigueur de la liste.

«Les processus se ressemblent, c'est la même dynamique, mais sur le Web, affirme la coordonnatrice communication et marketing de REP Solution Interactive, Vanessa Martel, dans une entrevue avec La Presse Affaires. Les gens peuvent utiliser cette plate-forme pour maximiser les retours sur leurs investissements.»

Elle indique que les entreprises pourraient contourner la liste fédérale de numéros de téléphone exclus et prendre contact avec la clientèle par courriel. Elle rappelle cependant qu'il y a des règles très strictes à suivre: pour envoyer des courriels à des clients actuels ou potentiels, il faut avoir leur autorisation.

«On ne parle pas de pourriels, on parle de clients qui ont accepté de recevoir ces messages, souligne-t-elle. Il y a une éthique à respecter.»

Il s'agit notamment de personnes qui ont visité un site Internet et qui se sont inscrites à une liste d'envois. Les courriels qui leur sont alors envoyés comprennent une disposition qui leur permet de se désabonner si elles le désirent.

Impact faible

L'impact de la LNNTE sur l'industrie du télémarketing pourrait cependant être faible. Cette initiative comporte de nombreuses exceptions: les maisons de sondage et les journaux qui vendent des abonnements pourront continuer d'appeler les numéros inscrits sur cette liste.

En outre, une étude de Dimension Data indique qu'un an après l'entrée en vigueur d'une liste semblable en Australie, les entreprises de télémarketing n'ont pas enregistré une réduction significative de leurs appels. La liste australienne a cependant eu un succès un peu moins frappant que celui de la liste canadienne: les Australiens ont inscrit 2,3 millions de numéros sur cette liste en un an. Les Canadiens ont inscrit un nombre pratiquement aussi élevé en trois jours.