Pour des millions de consommateurs de produits électroniques dans le monde, Rtings est le champion incontesté des bancs d’essai, menés avec la rigueur d’un laboratoire scientifique. Ce que peu savent, même à Montréal, c’est que les 70 employés de l’entreprise mènent leurs tests au sixième étage d’un édifice du Mile End, que La Presse a pu visiter.

Dès l’arrivée, on est saisi par la file de téléviseurs allumés en permanence sur CNN, une centaine d’appareils qui dégagent une telle chaleur que le chauffage devient facultatif. Ils restent allumés pendant des mois, avec de brèves interruptions, pour évaluer notamment leur durabilité et la tendance des écrans à griller.

C’est ici que le fondateur et président de Rtings, Cédric Demers, accueille les représentants de La Presse avec l’air satisfait d’un enfant dans un magasin de bonbons.

Ce qui est normal, puisque la fondation de Rtings en 2011, seul dans son sous-sol, correspondait d’abord pour lui à un besoin en tant que consommateur. « J’ai commencé avec un problème que j’avais : comment décider de l’achat d’une télé en ligne ? »

Ce natif de Delson, au sud de Montréal, diplômé en génie informatique de l’Université de Sherbrooke, voulait démarrer sa propre entreprise après un bref passage de 22 mois chez Microsoft.

Tests et subjectivité

Rtings a d’abord été un site compilant les notes données par d’autres critiques technos. L’intérêt était médiocre devant la subjectivité et l’inconstance des notes données un peu partout sur le web. Cédric Demers embauche son premier employé en 2015 pour lancer ce qui deviendra la marque distinctive de Rtings : des évaluations rigoureuses et constantes basées sur des tests scientifiques. Les visiteurs de Rtings.com, tout comme les fabricants, ont accès à toutes les données des tests, parfois aux photos sur lesquelles ils sont basés, pour se faire eux-mêmes une idée des résultats.

Par exemple, Rtings ne donnera pas la meilleure note à une imprimante ou un appareil photo qui aura tendance à enrichir les couleurs de façon exagérée. « Mais certains consommateurs vont aimer ça, note M. Demers. C’est à eux de décider. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Quel est le meilleur fabricant de casques d’écoute ? Comme pour bien des catégories de produits, impossible d’obtenir une réponse courte. « Ça dépend vraiment de l’utilisation », répond presque chaque fois le président de Rtings, Cédric Demers.

Des téléviseurs aux appareils photo en passant par les casques d’écoute, les haut-parleurs Bluetooth, les imprimantes, les ordinateurs portables et même récemment une vingtaine de grille-pain, ce sont 3000 produits au total qui ont été scrutés par les équipes de Rtings depuis 2015.

En ce moment, on en compte près d’un millier dans les locaux.

Tous ont été achetés par Rtings, jamais offerts par les entreprises, et sont conservés plusieurs années pour les comparer avec des nouveautés, tester leur durabilité ou leur faire passer de nouveaux tests. Les vieux appareils sont offerts à prix réduit sur le site de l’entreprise.

L’essentiel des revenus de Rtings provient d’ententes avec les sites de vendeurs en ligne comme Amazon ou Best Buy : quand un visiteur clique sur un lien offert après une critique, Rtings reçoit une commission. Pour 45 $ US par année, on offre par ailleurs un « accès d’initié » (« insider access »), avec quelques fonctions supplémentaires. Tout est en anglais, prévient M. Demers, car l’essentiel de la clientèle est aux États-Unis. « On va même faire venir par la poste les modèles offerts sur le marché américain », précise-t-il.

D’un labo à l’autre

À peu près tous les aspects des appareils sont passés en revue, dans des tests qui peuvent durer jusqu’à deux semaines. Avec les téléviseurs, on évaluera le contraste, la luminosité, la fidélité des couleurs. Colorimètre, spectroradiomètre, capteur de luminescence et analyses de réflectivité sont utilisés en soutien.

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Un technicien de Rtings, Raphaël Boyer, place deux rangées de microphones qui analysent le son des haut-parleurs.

Certains tests sont rigolos par leur ingéniosité. Dans une salle aux allures de faux salon, un aspirateur est placé devant un mur noir : on lance une machine fumigène, on filme ce qui sort de l’appareil ménager. « Certains aspirateurs ne retiennent presque rien, ils expulsent presque autant de poussière qu’ils en ramassent », note M. Demers.

Arrêt obligatoire au studio où les performances des écouteurs sont évaluées, notamment en les plaçant sur une tête de mannequin dotée de micros. C’est ainsi qu’on peut mesurer la réponse des écouteurs et l’efficacité de leur fonction d’annulation du bruit.

Dans un petit bureau fermé, on a l’impression de tomber dans l’antre d’un patenteux qui a vissé des bras de robot sur des planches. Ici, on procède à un test très poussé : le délai entre la poussée d’une touche de clavier par le doigt robotique et l’effet sur un écran, par exemple pour le déclenchement d’un tir de pistolet.

Quand on a mené autant de tests, on doit crouler sous les demandes d’amis et de proches qui voudraient un conseil d’achat technologique, non ? Le président sourit. « Je leur dis d’aller sur le site, tout est là. »

Impossible de ne pas profiter de son expertise pour trancher des questions qui obsèdent parfois les amateurs.

Est-ce vrai que les écrans OLED ont tendance à griller et à laisser une marque ? « Oui… et non. L’utilisateur normal qui écoute les nouvelles, puis un film, puis met un jeu vidéo n’aura pas ce problème. Celui qui laisse la télé allumée toute la journée sur CNN finira par voir le logo marqué en permanence. »

Une télé LG ou Samsung ? Nikon ou Canon ? Jet d’encre ou laser ? Et le débat qui déchire les mélomanes : WH1000XM5 de Sony ou QuietComfort Ultra de Bose ?

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Un domaine un peu moins connu, mais que couvre de plus en plus Rtings, c’est celui des électroménagers.

« Ça dépend vraiment de l’utilisation », répond presque chaque fois M. Demers. Et ce n’est pas une réponse de politicien, il multiplie les exemples. Les téléviseurs OLED de LG supportent mal la concurrence de la lumière du jour, mais sont les meilleurs pour le jeu vidéo, tandis que ceux de Sony rendent mieux les films. Un écran doté d’un taux de rafraîchissement à 120 Hz n’offrira pas une amélioration significative pour un film tourné à 24 images par seconde ou des émissions télé à 30 images.

Rares champions universels

Certains casques d’écoute haut de gamme comme le HD 660 S de Sennheiser sont remarquables, mais vous ne pourrez pas les utiliser dans le métro. « Tous vos voisins vont entendre votre musique. » Les casques d’écoute plus petits vont voir l’efficacité de leur son et l’annulation du bruit ambiant considérablement réduites s’ils ne collent pas pleinement aux oreilles, si vous portez une tuque ou des lunettes, par exemple.

Ces nuances selon l’utilisation sont la raison pour laquelle vous trouverez rarement un appareil champion toutes catégories sur Rtings, précise M. Demers. Et que les recommandations ne sont pas absolues.

« On montre les chiffres, on a des graphiques et des photos, des enregistrements pour les écouteurs, mais tu peux les écarter et choisir subjectivement. L’important, c’est que celui qui choisit un appareil en se fiant à nos tests soit content de son achat. »