En décembre dernier, alors que les élèves découvraient le nouvel outil d’intelligence artificielle ChatGPT, la crainte qu’il crée un tsunami de triche s’est répandue à travers les États-Unis.

Pour contrer le plagiat par intelligence artificielle (IA), certaines grandes écoles publiques américaines ont rapidement bloqué ChatGPT sur leurs ordinateurs et leurs réseaux Wi-Fi.

Cette crainte était peut-être exagérée, du moins au secondaire.

Selon une étude de l’université de Stanford, l’arrivée de l’IA n’a pas fait augmenter le taux de triche dans les écoles. Dans un sondage visant 40 écoles secondaires américaines, cette année, de 60 à 70 % des élèves ont déclaré avoir récemment triché, soit à peu près le même niveau qu’avant, révèlent des chercheurs en éducation de Stanford.

« Il y a eu de la panique à l’idée que ces modèles d’IA permettent une toute nouvelle façon de faire quelque chose d’assimilable à de la triche », a déclaré Denise Pope, chargée de cours à la Stanford Graduate School of Education, qui étudie les élèves du secondaire depuis une décennie. Mais « les données ne montrent tout simplement aucun changement ».

ChatGPT, lancé par OpenAI, de San Francisco, a fait sensation fin 2022 grâce à sa capacité à rédiger du texte et des courriels à consonance humaine. Des partisans de la technopédagogie ont aussitôt affirmé que ChatGPT allait révolutionner l’éducation. À l’opposé, les sceptiques ont prévenu que de tels outils – capables du meilleur comme du pire – annonçaient une ère de tricherie généralisée et de désinformation dans les écoles.

Un an plus tard, l’étude de Stanford et un rapport du Pew Research Center contestent l’idée que l’IA soit en train de bouleverser l’école.

Selon Pew, bien des ados connaissent à peine ChatGPT. La plupart disent ne jamais s’en être servis pour leurs devoirs. Cela pourrait évidemment changer, à mesure qu’ils se familiariseront avec les outils d’IA.

ChatGPT ? C’est quoi ?

Cet automne, le Pew Research Center a interrogé 1400 élèves américains âgés de 13 à 17 ans sur leur connaissance, usage et opinion de ChatGPT. Les résultats surprennent, compte tenu des manchettes alarmistes du printemps 2023.

Près d’un tiers des ados indiquent avoir entendu « rien du tout » sur ChatGPT ; 44 % disent en avoir entendu parler « un peu » ; seuls 23 % disent en avoir beaucoup entendu parler. (L’enquête Pew, menée du 26 septembre au 23 octobre 2023, n’a pas abordé les autres robots d’IA comme Bard de Google ou GPT-4 d’OpenAI).

Les réponses varient en fonction de certains facteurs et du revenu familial : 72 % des Blancs disent avoir entendu parler de ChatGPT, contre 56 % des Noirs. Les trois quarts des adolescents issus de foyers dont le revenu annuel est d’au moins 75 000 $ disent avoir entendu parler de ChatGPT, contre seulement 41 % des adolescents issus de foyers dont le revenu annuel est inférieur à 30 000 $.

Le Pew Center a aussi demandé aux adolescents s’ils avaient déjà utilisé ChatGPT pour leurs devoirs. Seulement 13 % ont répondu oui.

Les résultats de l’enquête Pew suggèrent que ChatGPT, du moins pour l’instant, n’est pas le phénomène disruptif que ses partisans et ses détracteurs attendaient. Dans le sous-groupe d’adolescents connaissant ChatGPT, la grande majorité – 81 % – a déclaré ne pas l’avoir utilisé pour ses travaux scolaires.

Ni plus ni moins de tricheurs qu’avant

Ce n’est pas d’hier qu’on triche à l’école. Des sondages auprès de plus de 70 000 élèves du secondaire entre 2002 et 2015 révélaient que 64 % avaient triché lors d’un examen et que 58 % avaient plagié. Selon les chercheurs de Stanford, l’arrivée de ChatGPT n’a pas fait monter le niveau de triche avoué par ces élèves en 2022.

À l’université ? On ne sait pas. Les chercheurs de Stanford et de Pew n’ont pas interrogé les étudiants du postsecondaire sur leur utilisation des outils d’IA.

Cette année, les chercheurs de Stanford ont ajouté des questions spécifiques pour mesurer l’utilisation de l’IA par les élèves du secondaire.

Cet automne, de 12 à 28 % des élèves de quatre écoles de la côte Est et de la côte Ouest ont déclaré avoir utilisé un outil d’IA ou un téléphone intelligent en novembre comme aide non autorisée lors d’un test, d’une recherche ou d’un devoir.

Parmi ceux ayant utilisé un outil d’IA, de 55 % à 77 % l’ont fait pour générer une idée pour un travail scolaire ; de 19 % à 49 % s’en sont servis pour éditer ou compléter une partie d’un travail ; et de 9 % à 16 % l’ont utilisé pour rédiger la totalité d’un travail scolaire, selon les nouvelles données de Stanford.

Ces résultats pourraient faire évoluer le débat sur l’IA en classe, pour qu’on parle moins de triche potentielle et plus de l’aide à apporter aux élèves pour qu’ils comprennent et utilisent de manière critique les nouveaux outils d’IA, ont déclaré les chercheurs.

« Inacceptable » pour les dissertations

Alors que les écoles planchent encore sur des règles d’utilisation acceptable des outils d’IA, les élèves ont des points de vue nuancés sur ChatGPT.

Seuls 20 % des élèves de 13 à 17 ans considèrent acceptable d’utiliser ChatGPT pour rédiger des dissertations, a constaté Pew. Mais près de 70 % considèrent acceptable de s’en servir pour faire des recherches sur de nouveaux sujets.

Cela ne signifie pas que les élèves n’essaient jamais de signer et remettre des textes générés par un robot d’IA.

Selon Christine Meade, professeure d’histoire dans une école secondaire de Vallejo, en Californie, la tricherie par IA était très répandue parmi les élèves de 12année au printemps dernier. Elle en a même surpris quelques-uns en train d’utiliser des robots d’IA sur leurs montres intelligentes pendant les examens.

Mais cette année, après avoir autorisé ses élèves à utiliser ChatGPT et Bard pour certaines recherches, la situation a « complètement changé », dit-elle.

« J’ai demandé à un groupe d’élèves d’utiliser des robots d’IA pour générer une liste d’évènements survenus juste après la guerre civile, dans les années 1880 », a déclaré Mme Meade. C’était assez précis, à une notable exception, quand un élève s’est trompé de siècle et a nommé un évènement sous l’administration du président Ronald Reagan, durant les années 1980.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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