Commençons par faire fuir les joueurs hyperactifs : Pentiment est un « petit jeu de niche », prévient d’emblée son directeur artistique. Son graphisme statique, avec ses dialogues en phylactères, reprend l’esthétique des manuscrits du XVIe siècle dans cette histoire de meurtre sur fond d’oppression religieuse et de rébellion. Et c’est lent, mais fascinant.

On est rarement déçu quand les artisans d’un studio réputé comme Obsidian Entertainement-The Outer Worlds, des épisodes de Star Wars, Fallout et South Park-décident de se faire plaisir. C’est exactement ce qu’ils ont fait avec Pentiment, une exclusivité Xbox Series qui arrivera sur les tablettes ce mardi, comme ils l’ont expliqué aux journalistes lors d’un visionnement de presse cet automne. Tout, dans la prémisse, semble conçu pour faire fuir un investisseur avisé : en utilisant le style des enluminures des manuscrits qu’on recopiait patiemment dans les abbayes européennes pendant des siècles, voici une histoire combinant meurtres et secrets enfouis dans un village de Bavière au XVIe siècle.

Dialogues brillants

Les animations sont minimalistes, l’intrigue est touffue à souhait et le joueur n’intervient que pour décider des réponses proposées à l’écran, ramasser quelques objets et choisir sa destination sur la carte du village.

Mais ne vous fiez pas à la présentation simpliste du concept : il faut faire des choix qui affecteront le déroulement de l’histoire et modifieront la réaction des personnes secondaires à vos demandes. Et les dialogues sont brillants, loin de l’échange bébête qu’on pourrait craindre avec ce graphisme enfantin.

Nous voici donc dans la peau d’Andreas Maler, un artiste en devenir qui réside à l’abbaye de Kiersau, au village de Tassing au XVIe siècle. Il est hédoniste, très cultivé - c’est à vous de choisir sa formation exacte - et prépare son chef-d’œuvre entre les travaux obligés au scriptorium où lui et quelques moines effectuent une tâche que l’imprimerie est en train de faire disparaître, recopier des manuscrits. Il effectue son voyage initiatique, le Wanderjahre, avant d’ouvrir boutique à Nuremberg et de prendre femme.

Peinture cachée

Rapidement, des fissures apparaissent dans Tassing, qui a conservé un fond païen malgré l’omniprésence de l’Église. Pourquoi le baron Lorenz Rothvogel est-il si gentil avec Andreas alors qu’on dit qu’il a sauvagement battu un paysan ? Que cache cette entrée secrète de la bibliothèque ? Pourquoi l’abbé voue-t-il une haine si féroce à certains livres ?

Pentiment signifie littéralement « repentir », mais, surtout, désigne une peinture qui a été cachée par une autre et qui peut réapparaître avec les années ou des techniques d’enquête.

Dans cette Europe en proie aux premiers tourments de la Réforme, on entend parler de Martin Luther, d’Érasme, de Guillaume d’Ockham et d’Augustin d’Hippone. Entre les taxes toujours en hausse de l’abbaye et les corvées incessantes, la vie des villageois est misérable, mais Andreas arrive à soutirer ici et là quelques sourires et confidences. L’histoire est dense et de nombreux personnages secondaires apparaissent sans cesse, heureusement répertoriés dans un glossaire où on peut retrouver un résumé de leur vie.

On n’a pas lésiné pour épicer l’histoire de mille et un détail sur la vie en Bavière au XVIe siècle, allant jusqu’à laisser Andreas choisir les plats au souper, discutant avec le forgeron des aléas de son métier ou papotant avec des fileuses de laine, un gitan, des nonnes rétives ou un mystérieux frère provenant d’Éthiopie. Certains dialogues sont plus importants et une mention « Ce ne sera pas oublié » apparaît alors. Mais tous les détails peuvent compter et servir ensuite à effectuer le bon choix.

Lent au démarrage

On a beau s’émerveiller de la richesse de cette reconstitution historique, il faut tout de même s’accrocher, surtout les premières heures où l’essentiel de votre activité de joueur est de sillonner la carte et de parler à tout le monde. Un détour fréquent vers le glossaire est incontournable. Et lire en enfilade tous ces phylactères en caractères anciens - les dyslexiques peuvent choisir un alphabet plus moderne, en passant - devient plutôt lassant. Tout décolle heureusement après quelques heures et on entre enfin dans le vif du sujet.

Le verdict : difficile de battre Pentiment au chapitre de l’originalité, de la richesse de la reconstitution historique et de la qualité narrative. Il faut apprécier la lenteur et l’exigence d’une telle œuvre, qu’on peut boucler en moins d’une vingtaine d’heures, mais en la savourant tranquillement. Le genre, soyez prévenu, ne convient pas à tous les joueurs.

Pentiment

  • Développeur : Obsidian Entertainement
  • Éditeur : Xbox Game Studios
  • Genre : jeu de rôle
  • Pour jeunes adultes 17 ans et plus
  • Date de sortie : 15 novembre 2022
  • Prix : 24,99 $
  • Pour Xbox Series et PC

Note : 8 sur 10

Essayé sur une Xbox Series X avec une copie fournie par Xbox Game Studios

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